3- L’Hôtel Moderne
EN 1920, Louis Ramondou,
chef de la « Spéciale » chez Breguet - nous dirions
aujourd’hui l’ « Atelier prototypes » - acheta cet
hôtel à l’enseigne Hôtel Moderne, rue de
Jouy, à Viroflay, que géra son épouse et
qu’égayèrent leurs deux filles, Marceau (16 ans) et
surtout Simone (10 ans) dite Chipette, et pour cause.
Ramondou, baptisé « Olive » de par son accent
caractérisé, draina aussitôt les navigants et
cadres des Ateliers d’Aviation Louis-Breguet, puis, les relations avec
les militaires aidant, ceux-ci suivirent.
Tous les jours donc, tous les soirs aussi pour les pensionnaires, tout
le monde se retrouvait à la même table et, bien vite,
l’esprit de l’Escadrille, né au cours de la guerre 1914-1918,
renaquit : esprit de franche camaraderie, de solidarité et de
gaîté que Merotte (ainsi était surnommée Mme
Ramondou) et ses filles cultivèrent à merveille, le tout
agrémenté d’un art culinaire qui eut tôt fait
d’engendrer une brillante renommée. Des navigants et cadres
d’alors, bien des noms me reviennent en mémoire. Je ne les
citerai pas par crainte d’en oublier quelques-uns. Mais qu’importe ?
L’essentiel est de savoir qu’ils ont tous été les
pionniers des Essais en Vol, à une époque où le
premier décollage d’un prototype était un moment solennel
et angoissant, où la recherche des qualités de vol et les
défauts d’une machine était particulièrement
dangereuse. Il fallait découvrir en l’air ce que, de nos jours,
on perçoit au sol avec les simulateurs, les essais de vibrations
et tous autres moyens modernes qui font qu’un équipage d’essais
peut prévoir pour une grande part ce que donnera le vol.
Presque tous étaient de grands pilotes qui s’étaient
illustrés au cours de la guerre; plusieurs d’entre eux devaient
devenir pilotes de raids et de records mondiaux, devant
témoigner, outre la compétence, d’un courage hors pair,
d’une endurance souvent surhumaine. Coste et Bellonte ne devaient-ils
pas, un jour, devenir les vainqueurs de l’Atlantique nord dans le sens
Paris-New York ?
Tous ces garçons avaient choisi de tirer d’une machine son
maximum afin d’assurer dans toute la mesure possible la
sécurité à ceux qui, après eux, prendraient
en mains, en utilisation normale, les avions de série.
Malgré les risques encourus (c’était le lot quotidien),
trop souvent aussi les pertes si cruelles, régnait une ambiance
de joie pure et , tout naturellement, de grande fraternité. Tout
alla bien ainsi jusqu’en 1925, date à laquelle les Ramondou
cédèrent le fond à un restaurateur, boulanger de
son métier, qui fit de mauvaises affaires, provoquant la
dispersion des habitués.
Avant de clore ce chapitre, quelques lignes s’imposent quant à
la personnalité de Ramondou.
Né en 1883 à Toulouse, on le trouve, dès 1909
comme metteur au point à la société Gnôme
et, comme tel, il soigne le moteur rotatif monté sur les
aéroplanes de diverses marques. A ce titre il participe à
toutes les grandes manifestations aéronautiques de
l’époque (grandes manœuvres et circuit de l’Est en 1910,
concours d’avions militaires en 1911, meetings aériens, etc.).
Mobilisé en 1914, il est affecté au Camp retranché
de Paris, puis à l’escadrille MF-22 avant sa mutation à
Clermont-Ferrand où s’organise la fabrication de la série
d’avions Breguet-Michelin.
La guerre terminée, il rentre aux Ateliers d’Aviation
Louis-Breguet, a Villacoublay, comme chef d’atelier de la «
Spéciale », dont nous avons parlé
antérieurement. C’est là qu’il donnera toute sa mesure
dans la préparation et la mise au point des prototypes et des
avions destinés aux grands raids, dont dépendront les
succès les plus retentissants de cette grande époque :
Paris-Dakar, Paris-Tokio, Paris-Varsovie, Paris-Pekin, Paris-Omsk,
etc., pour finir par le Point d’Interrogation de Costes et Bellonte.
En 1930, il part chez Devoitine, à Toulouse, sur les instances
de Marcel Doret, pour diriger la mise au point du Trait d’Union, qui
devait s’abîmer dans l’Oural, entraînant la mort de Le Brix
et Mesmin.
En 1933, il remonte à Paris, chez Caudron-Renault
(rattaché en 1937 à la S.C.A.N. lors de la
nationalisation - à votre attention ==> CONFUSION
- ), ou il assure la réalisation de la famille des avions racers
conçus par un ingénieur de talent, aérodynamicien
distingué universellement connu, Marcel Riffard, qui devait
apporter à nos Ailes de prestigieux records et dont les
inventions portent encore la marque sur les avions modernes.
Il était officier de la Légion d’Honneur en 1949 et
mourut
en1951.
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