Rayonnements cosmiques |
Mes lecteurs - délaissant momentanément l’actualité - reviennent sur le risque aérien en s’interrogeant sur les risques des rayonnements cosmiques, ce qui m’amène à y répondre dans la présente chronique, en résumant les avis des spécialistes en la matière. Jean Belotti |
° De quoi s’agit-t-il ?
Il s’agit d’un rayonnement ionisant, en provenance du cosmos. Il est constitué de deux composantes, l’une permanente, d’origine galactique, à laquelle s’ajoute une autre, plus sporadique, liée à l’activité du soleil.
* Le rayonnement galactique est constitué de particules très énergétiques éjectées par les gigantesques explosions de supernovæ, ces étoiles massives en fin de vie. Ce rayonnement est le même dans toutes les directions (on dit: isotrope), ce qui signifie que, où que nous soyons sur la terre, nous y sommes tous exposés en permanence.
* Le rayonnement solaire provient des particules éjectées avec une intensité qui varie selon un cycle de onze ans, ces particules s’ajoutent au rayonnement galactique. Contrairement au rayonnement stable d'origine galactique, les particules issues des éruptions solaires ne se répartissent pas uniformément à la surface de la Terre. Cependant, ces flux de particules ayant une énergie plus faible que celles d'origine galactique, seule une petite partie d'entre elles atteint la Terre. Il est vrai que lors des grandes éruptions solaires, les particules citées atteignent la Terre en plus grand nombre. Mais, rassurons-nous, celles suffisamment puissantes pour être détectées au sol - ou à bord d’un avion de ligne - restent rares, quelques-unes par an, nous disent les analystes.
Maintenant que nous connaissons la nature de ces deux types de rayonnement, une particularité est à signaler. Une partie du rayonnement galactique étant déviée par le champ magnétique émis par le soleil, il en résulte que plus l’activité du soleil est forte, moindre est le rayonnement cosmique qui atteint la Terre.
° Mesures utilisées
Deux mesures sont essentielles: la mesure de la dose de rayonnement absorbée par le corps et l’évaluation du risque associé à cette dose absorbée. * La mesure de la dose absorbée est le "Gray" (Gy). Il correspond à une énergie déposée de un Joule dans un kilogramme de matière.
* L'évaluation du risque biologique est le "Sievert" (Sv) (a). Deux sous-multiples du sievert sont très fréquemment utilisés : le millisievert ou millième de sievert, noté mSv ; et le microsievert ou millionième de sievert, noté :Sv.
Retenir que le Becquerel ne peut pas caractériser le rayonnement cosmique. En effet, cette unité n'est utilisée que pour caractériser l'activité des atomes radioactifs.
° Comment sommes-nous protégés?
Deux barrières stoppent en partie le rayonnement cosmique avant qu’il n’atteigne le sol, donc traverse l’altitude de croisière des avions: le champ magnétique de la planète (créant une région appelée "magnétosphère") et l’atmosphère terrestre. On sait que sans cette double protection il n’y aurait pas eu de vie sur la notre planète. * La protection de la magnétosphère
Les "ions"qui constituent le rayonnement cosmique sont orientés ou déviés par les champs magnétiques comme l’est l’aiguille d’une simple boussole. Or, la Terre peut être considérée comme un gros aimant entouré d’un champ magnétique dont les lignes de force "entrent" par le pôle Nord pour "sortir" au pôle Sud. C’est ce que l’on appelle la magnétosphère. Si les particules cosmiques possèdent une énergie supérieure à un certain seuil, appelé "énergie de coupure magnétique", elles traversent la magnétosphère et arrivent aux hautes couches de l’atmosphère. Mais, si leur énergie n’est pas suffisante, elles ont alors tendance à suivre les lignes de force du champ magnétique, avec d’autant plus de facilité qu’elles ont moins d’énergie, et atteignent ainsi les pôles. C’est la raison pour laquelle les zones situées près des pôles subissent une irradiation supérieure à celle de l’équateur, mieux protégé par le champ magnétique terrestre.
* La protection de l'atmosphère
Arrivant dans les hautes couches de l’atmosphère terrestre, les ions interagissent avec les atomes qu’ils rencontrent. Il en résulte un rayonnement secondaire (neutrons) qui parvient jusqu’au sol lorsque la particule primaire a une énergie suffisante.
° Le rayonnement ionisant ambiant au sol
Au niveau du sol, on peut considérer que le rayonnement cosmique ne représente qu’une faible part des rayonnements ionisants auxquels nous sommes tous exposés (environ 10%).
Quant aux sources naturelles terrestres, elles nous exposent à une dose moyenne (du fait d’importantes variations selon les régions) de 2,4 mSv par an (source UNSCEAR) (b)
Citons également le rayonnement tellurique, issu des roches de surface (c): l’eau et les aliments que nous ingérons qui contiennent également des éléments radioactifs; le rayonnement interne, c’est-à-dire celui émanant de notre propre corps. Enfin, citons l’irradiation médicale dont l’importance, pour chacun d’entre-nous dépend des examens et des traitements que nous avons subis (d).
° La réglementation
La réglementation européenne adoptée en 1996 (e) impose ainsi aux entreprises exploitant des avions de surveiller l’exposition de leur personnel navigant. En France, les pouvoirs publics ont créé un outil adapté à la dosimétrie de l’exposition du personnel navigant au rayonnement cosmique: le système SIEVERT (Système Informatisé d'Evaluation par Vol de l'Exposition au Rayonnement cosmique dans les Transports aériens) (f).
L'article 42 prévoit des dispositions à prendre concernant le personnel navigant susceptible de subir une exposition supérieure à 1 mSv par an.
On retiendra également l'article 10 qui s'applique au personnel féminin. Une femme enceinte ne doit plus être affectée à une activité en vol dès lors que la dose équivalente reçue par l’enfant à naître jusqu'à la fin de la grossesse est susceptible de dépasser 1mSv.
° Effets du rayonnement sur la santé
Les dommages causés par les rayonnements ionisants dépendent de la dose d’irradiation. Pour une même quantité d’énergie absorbée (dose exprimée en Gray), les dommages varient en fonction de la nature du rayonnement et de l’organe atteint. Ils sont de deux types: les effets aigus et les effets différés, nous disent les chercheurs.
* Apparition d'effets aigus. À fortes doses reçues sur une courte durée, les rayonnements ionisants conduisent à la destruction massive des cellules des organes exposés et peuvent induire des effets observables à plus ou moins court terme (de quelques heures à quelques mois selon la dose et/ou l’organe touché). On cite, les brûlures de la peau (radiodermites), les vomissements, la destructions de la moelle osseuse ou de la muqueuse intestinale pouvant conduire au décès de la personne exposée. Les médecins nous rassurent en nous disant que les doses reçues - tant par les travailleurs que par le public - lors de l'exercice normal d'une activité mettant en œuvre des rayonnements ionisants, ne sont pas susceptibles d’entraîner des effets aigus. De tels effets ne sont observés qu’à la suite d’expositions accidentelles (accidents dans une installation, manipulation intempestive d’une source radioactive de forte activité) ou d’expositions volontaires de patients à des fins thérapeutiques (radiothérapie).
* Apparition d'effets différés . Les rayonnements ionisants peuvent aussi induire des transformations des cellules qui, plusieurs années après l'exposition, peuvent engendrer dans la population exposée des maladies telles que les leucémies et divers cancers. Ces pathologies ont des causes multiples et il n’existe pas de moyen biologique permettant de différencier, par exemple, un cancer du poumon dû au tabac d’un cancer du poumon induit par les rayonnements ionisants, nous disent les spécialistes. Compte tenu de cette particularité et du fait que le risque d'apparition de ce type d'effets est faible par rapport à la fréquence naturelle des cancers dans la population, il nous est expliqué qu'on ne peut les mettre en évidence qu'en réalisant des études épidémiologiques sur des populations, aux effectifs suffisants, ayant été significativement exposées aux rayonnements ionisants.
* Exposition aux faibles doses. En ce qui concerne les faibles doses, étalées dans le temps et se situant dans la plage de quelques : Sv , les effets - s'ils existent - sont tellement faibles qu'il serait très difficile, voire impossible, de les mettre en évidence par des études épidémiologiques. Ainsi, aujourd’hui, les avis émis concourent à admettre qu'il n’est pas possible de conclure quant à l'existence ou non d'un seuil de dose en deçà duquel il n’existerait plus d’effet lié à l'exposition aux rayonnements ionisants. Dans le cadre d'une préoccupation de protection du risque, il existe un consensus international pour considérer que toute exposition aux rayonnements ionisants - quel que soit son niveau - est susceptible d'induire un effet, même faible, ceci, à l'échelle d'une population. Pour les expositions aux faibles doses, pour lesquelles un risque réel n’a pu être ni prouvé, ni infirmé, la probabilité de développer des effets différés est, par convention, considérée comme étant proportionnelle à la dose reçue. La quantification de la relation entre la dose et l’effet est, dans ce contexte, établie par extrapolation de ce qui est observé à de plus fortes doses.
° L’exposition des rayonnements cosmiques dans l’avion
Venons-en à ce qui se passe en vol.
* L’exposition au rayonnement cosmique augmente avec l’altitude car la couche d’atmosphère protectrice se fait de plus en plus mince. À l’altitude moyenne de croisière des avions de ligne (12.000 mètres), le rayonnement cosmique est environ 100 à 300 fois plus intense qu’au niveau de la mer. À bord du Concorde, qui monte jusqu’à 19.000 mètres, le débit de dose est quasiment deux fois plus élevé qu'à bord des avions subsoniques. Les radiations sont systématiquement enregistrées par un détecteur. En cas de dépassement d'un certain seuil, le pilote descend aussitôt à une altitude plus basse pour retrouver une intensité normale. Information rassurante: Des tests de longue durée ont fait apparaître que la dose de radiation reçue par un passager Concorde était de l'ordre de 3 millirems pour une traversée de l'Atlantique et que le risque de rencontrer une zone de radiations hors-normes était de l'ordre de 1 sur 100.000. À titre de comparaison, un individu sur terre reçoit de différentes sources (télévision, radiographies, essais nucléaire, rayons cosmiques) une moyenne annuelle de 100 à 150 millirems.
* L’exposition varie avec la latitude , c'est-à-dire, de la route empruntée, car la forme de barrière que constitue le champ magnétique terrestre conduit à ce que les particules du rayonnement cosmique sont plus nombreuses aux latitudes élevées, proches des pôles, qu'à proximité de l’équateur.
* L’exposition dépend, bien sûr, de la durée du vol. Des mesures effectuées à bord d’avions il y a une dizaine d'années ont montré que le personnel navigant (sur des vols long-courriers) reçoit une dose moyenne du même ordre de grandeur que celle due à l’exposition à la radioactivité naturelle en France (e).
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Finalement, même si vous êtes un grand voyageur, vous ne risquez pas plus que les personnels navigants. Cela étant dit, si vous souhaitez calculer votre propre dose de rayonnement reçue lors d’un vol donné, à une date et une heure donnée vous trouverez la réponse sur: http://www.sievert-system.org/
(a)- "Sievert", du nom du physicien suédois qui fut l’un des pionniers de la protection contre les rayonnements ionisants. Il s'agit d'un indicateur appelé "dose efficace". La dose efficace est calculée à partir de la dose (exprimée en Gy) absorbée par les différents tissus et organes exposés, en appliquant des facteurs de pondération qui tiennent compte du type de rayonnement (alpha, bêta, gamma, X, neutrons), des modalités d’exposition (externe ou interne) et de la sensibilité spécifique des organes ou tissus. Par définition, la dose efficace, exprimée en Sv, ne peut être utilisée que pour évaluer le risque d’apparition d’effets liés au lois du hasard, chez l’homme, et ne peut être employée ni pour les effets aigus ni pour les effets sur la faune et la flore.
(b) -. La principale de ces sources est un descendant gazeux de l’uranium naturel, le radon, qui se concentre dans les endroits confinés, tels que les maisons.
(c) - Roches - tel le granit - qui contiennent des éléments radioactifs, comme l’uranium, datant de la formation de la planète.
(d) -La dose moyenne liée aux rayonnements d'origine médicale (1,3 mSv/an) est comparable à celle due aux rayonnements cosmiques (0,4 mSv/an au niveau du sol et jusqu'à 5 mSv/an pour les personnels navigants). Cependant, si la dose délivrée dans le cas d'une radiographie classique est comparable à celle reçue lors d'un vol, celle délivrée dans le cas d'une radiothérapie est incomparablement plus élevée.
(e) - Cet outil d’évaluation des doses a été mis au point par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) et ses partenaires : l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IRSN), l'Observatoire de Paris et l'Institut français de recherche et de techniques polaires (IPEV). Pour plus de détails: http://www.sievert-system.org/
(f) - La directive européenne n° 96-29 EURATOM du 13 mai 1996 a modifié de manière substantielle les normes de protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants. Elle a été transposée en droit français par l’ordonnance n° 2001-270 du 28 mars 2001.
(g) - On reçoit une dose d’un millisievert pendant 17 mois à Paris; 9 mois dans le Limousin; 7 vols aller-retour Paris-Tokyo ou San Francisco; 13 vols aller-retour Paris-New York en Concorde; 1 jour 1/2 à bord de MIR (altitude 400 km). haut de page
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Dernière mise à jour/ latest updating: 30 janv. 2009