Novembre 2002. ....après l'explosion du DC10 d'UTA ... Jean Belotti
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* Les réactions * La raison d’Etat que la raison ignore * Une desserte de Tripoli par une ligne aérienne française Lettre de Novembre 2002 de Jean Belotti |
L’humanité ne s’est
pas encore remise du choc de l’horrible tragédie du 11 septembre
2001 alors que, tout récemment, une attaque terroriste a pris pour
cible un pétrolier français et, tout dernièrement, c’est
une voiture piégée qui a volatilisé et incendié
une boîte de nuit à Bali.
Ces odieux attentats ne doivent
pas en occulter d’autres, comme par, exemple, celui ayant - à l’instigation
des services secrets libyens - provoqué l’explosion d’un DC10 d’UTA,
le 19 septembre 1989. L’avion assurait le vol Brazzaville - Paris, via N’djamena.
Cet attentat a fait 170 victimes (de 17 nationalités, dont 53 Français),
dans le désert du Ténéré, au Niger.
Six hauts responsables des
services secrets ou de la diplomatie libyenne (dont le beau-frère
de Kadhafi) ont été condamnés à une peine de
prison à perpétuité par la Cour d’Assises de Paris,
lors d’un procès par contumace en 1999. Un mandat d’arrêt international
a été délivré contre eux. La décision
pénale de la Cour d'Assises a été rendue au nom du
peuple français, mais elle n’a pas été exécutée.
Or, c’est précisément
pendant cette période de reprise des attentats terroristes qu’un
pas important vient d’être franchi dans le rapprochement entre la
France et la Lybie, plus précisément le 21 octobre, jour où
une Commission mixte s’est réunie à Paris, en vue de fixer
les grandes lignes de la coopération bilatérale entre des
deux pays. Pour le monde de l’aéronautique, ce rapprochement politique
pose un problème, que je qualifierai d’aéroéthique (a).
Les médias, bien évidemment,
ont cité l’événement. Un de mes lecteurs me dit "Regardant
les informations télévisées, j’ai été
très choqué par l’importance de la révérence
faite par notre ministre des affaires étrangères lorsque ce
dernier a serré le main du Colonel Kadhafi. Ne quid nimis (b)".
En fait, ce qui peut être pris pour une allégeance n’est qu’un
comportement classique dans la plus pure tradition diplomatique, traduisant
clairement un désir de créer des conditions de détentes
propres à l’élaboration d’une nouvelle ère de coopération.
Cette conjonction d’attentats
et de reprise de contact de la France avec la Libye - et, surtout, pour
ce qui nous concerne, de l’ouverture, par une compagnie aérienne
française, d’une ligne aérienne - a, aussitôt, déclenché
une vive émotion, non seulement auprès des familles des victimes
et du personnel navigant, mais, également, auprès de plusieurs
de mes lecteurs. Ces événements imposaient donc une réponse
aux questions posées. TOP
Quoi de plus normal qu’après
le choc de l’attentat, la longue et pénible enquête, la frustration
d’un procès par contumace et une décision de justice non suivie
d’effets, la venue officielle en France d’un ministre libyen et de sa délégation
soit ressentie, comme une provocation insupportable!
Quant au personnel navigant
français, il a profondément été choqué
et a considéré que, dans le contexte actuel, cette démarche
correspondait à une provocation insupportable. "Nous avons tous
perdu des collègues, des amis ou même des membres de notre
famille" déclare un de ses représentants. Une déclaration
émouvante du SNPL (c), datant de 1999, mérite d’être
lue et relue (d), alors qu’aujourd’hui, ce même Syndicat reste bien
muet aussi bien sur le rapprochement Franco-Libyen que sur l’ouverture d’une
ligne aérienne régulière. TOP
* La raison d’Etat que la raison ignore
Adam Smith y avait déjà
pensé, il y a plus de deux siècles (e).
Ces interventions sur l’échiquier
des richesses mondiales s’inscrivent donc, tout naturellement, dans une
stratégie commerciale bilatérale et dans l’intérêt
des parties en présence. Cela étant admis, il n’en reste pas
moins que la réconciliation ne pourra être effective que lorsque
l’abcès aura été complètement vidé, ce
qui n’est pas le cas de la Lybie.
En effet, les relations ont
été rompues depuis vingt ans, en raison notamment des conflits
au Tchad, de l'attentat contre l'avion d'UTA et de l'organisation ou le
financement par la Libye de nombreux attentats terroristes dans plusieurs
pays. C’est ce qui provoqua la mise en place, jusqu'en 1999, d'un embargo
voté à l'ONU.
Si la Libye a montré
clairement - selon des sources diplomatiques - sa volonté de renoncer
à l'action violente clandestine; si la Libye, riche pays pétrolier,
recherche aussi des investisseurs pour développer ses infrastructures
et souhaite accroître ses échanges commerciaux avec la France,
elle doit montrer "patte blanche" quant à ses relations avec le terrorisme
international.
Mais ceci semble difficile
à prouver, compte tenu que les responsables politiques de 2002 étant
pratiquement les mêmes qu’en 1989, ce sont donc eux qui ont décidé,
organisé et perpétré tous ces attentats, dont celui
de l’explosion en vol du DC-10 d’UTA.
En s’engageant à indemniser
les familles qui ne l'ont toujours pas été, les autorités
libyennes ont ainsi reconnu leur responsabilité, mais il faut aller
plus en avant dans les actes. Il conviendrait donc, au préalable,
de s’assurer que ces autorités ont effectivement la volonté
de soigner efficacement le mal. En clair, cela conduirait à s’assurer
que lesdits dirigeants ne couvriront plus les cellules d’extrémistes
et accepteront que les terroristes reconnus coupables de la mort de centaines
d’innocents soient livrés à la justice internationale. Telle
est la demande des familles: "Les condamnés doivent payer leur
dette et purger leur peine, à moins qu’ils ne préfèrent
venir répondre de leurs actes lors d’un procès contradictoire
au Tribunal Pénal International ou en France, mais pas par contumace".
En conclusion, il apparaît
que la normalisation des relations franco-libyennes ne pourra pas se faire
sans que soient prises en considération les revendications et préalables
précités. Sinon, faudrait-il, alors, croire que la raison
d’Etat, le fait du Prince, qui font fi des règles usuelles de droit,
ne respectent même pas une éthique des plus élémentaires?
L’histoire nous rappelle -
avec les Accords de Munich - que la faiblesse est, à terme,
exploitée par les dictateurs et se trouve à l’origine de plusieurs
génocides et guerres meurtrières.
Alors, formons le voeu que
la normalisation inévitable des relations internationales et économiques
prenne en compte cet épineux problème. TOP
* Une desserte de Tripoli par une ligne aérienne française
En revanche, des dessertes régulières des Antilles devraient permettre - avec les tarifs habituellement pratiqués - d’assurer des recettes régulières tout en répondant à la demande qui, actuellement, est insatisfaite. Un lecteur m’informe qu’ayant demandé deux réservations pour les Antilles, le 20 novembre, il a appris qu’aucune place n’était disponible - aussi bien à destination de Pointe à Pitre que de Saint- Martin - avant le 30 du même mois! On voit donc que la présence d’une compagnie sur ces dessertes ne pourrait même pas être qualifiée de concurrente, mais de complémentaire, pour la plus grande satisfaction de la clientèle.
— *** ---
En conclusion, si la mémoire
collective est volatile, il convient de tendre l’oreille aux légitimes
revendications de ces familles et, à une époque où
l’on parle "d’urgences nationales", de s’interroger sur la place qui sera
réservée à l’éthique et à la déontologie
les plus élémentaires.
Ici comme ailleurs, le passé
nous aide à comprendre l’avenir…
Espérons que dans l’affaire
qui nous préoccupe, nos hommes politiques, dans leurs actes, s’inspireront
d’Aristote qui démontra clairement que l’éthique doit être
le complément naturel de la politique (h). "Le bonheur consiste
donc, non pas dans la vertu même, mais dans l’activité ou la
fonction conforme à la vertu, et à la vertu la plus excellente
de toutes, la sagesse" (i).
Jean Belotti TOP
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(a) - De même
que la bioéthique signifie l’éthique médicale, disons
que l’aéroéthique signifie l’éthique de l’aérien
et plus spécifiquement du transport aérien, qui concerne les
principes des fondements de la morale, des règles de conduite.
(b) - "Rien
de trop"; "Point trop n’en faut", traduisant que l’excès en tout
est un défaut.
(c) - Syndicat
National des Pilotes de Ligne
(d) - Principaux
extraits du discours prononcé par le représentant du SNPL
dans le cadre d’une cérémonie à l’Hôtel National
des Invalides, à Paris, le 19 septembre 1999. Cet article est paru
en décembre 1999 dans le numéro 9 (page 3) de la revue éditée
par l’association SOS attentat "Paroles de victimes", relatant le 10ème
anniversaire de l’attentat contre le DC 10 d’UTA.
"Lorsque
nous nous sommes rendus à l’ONU à New York, c’était
avec l’espoir d’y être entendus. Nous venions y exprimer notre indignation
face à la possible absolution d’un crime qui nous hante tous.
Très
mal à l’aise, à bout d’arguments, le numéro 2 de l’organisation,
fait inhabituel chez un diplomate, commit une indiscrétion qui le
soulagea du poids de nos reproches. Il nous montra le courrier dans lequel
les plus hautes autorités de l’Etat français déclaraient
que notre pays ne s’opposerait pas à la suspension de l’embargo,
estimant - ce sont leurs mots - que la Libye avait rempli ses engagements
envers la France.
Le moment
est donc venu pour le Président de la République et le Premier
Ministre de nous éclairer sur la nature des raisons, ou plutôt
des intérêts qui poussent aujourd’hui la France à cette
lâcheté.
Au nom des
valeurs qui furent fondatrices de leurs programmes électoraux, Jacques
Chirac et Lionel Jospin nous doivent, et plus particulièrement vous
doivent des explications.
Le moment
de l’absolution était pourtant particulièrement mal choisi,
alors qu’un jury de magistrats professionnels a reconnu coupables de ce crime
six hauts responsables lybiens, dont le propre beau-frère de Khadafi.
En un mot,
tandis que des présomptions de culpabilité entraînent
une sanction, l’acquisition de certitudes autoriserait la levée de
cette sanction. Que cache une telle logique ?
Monsieur
le Président de la République, la vitalité d’une démocratie
n’est-elle pas tout entière contenue dans l’implacable condamnation
de la barbarie ? N’était-ce pas le sens donné à vos
nombreuses interventions télévisées contre Milosevic
?
Lorsque
pareil exemple est donné au plus haut niveau de l’Etat, nul ne s’étonnera
qu’il puisse être ensuite imité.
Si le Président
d’Air France, Monsieur Spinetta, nous a donné l’assurance que nos
avions ne se poseraient pas en Libye, en revanche, le Président de
la compagnie Air Liberté a sollicité du Conseil Supérieur
de l’Aviation Marchande l’autorisation d’ouvrir la ligne Paris/Tripoli.
Selon le
mot d’un ancien ministre, nous serons une fois de plus invités à
« tourner la page ». Il nous faut tous nous rendre à une
évidence: ceux qui nous gouvernent aujourd’hui sont plus aptes à
tourner les pages qu’à les écrire… Nous ne devrons, une fois
encore, ne compter que sur nous-mêmes. Notre communauté des
navigants ne manquera pas à son devoir moral et s’opposera à
ce qui serait une trahison envers vous. Tout cela nous touche de beaucoup
trop près pour que quelqu’un puisse tabler sur notre passivité,
douter de notre détermination.
Chaque fois
que l’Afrique défile sous les ailes de mon avion, il m’est impossible
de me soustraire à l’évocation du vol UT 772. Je sais que beaucoup
de navigants éprouvent la même peine. Dans le bâtiment
des opérations aériennes d’Air France, il ne se passe pas
un seul jour sans que des mains anonymes fleurissent la plaque commémorative
dédiée au souvenir de vos proches. Des fleurs du monde entier
y témoignent à quel point leur absence nous pèse. Nous
avons le sentiment d’appartenir à la même famille.
C’est sans
doute la raison pour laquelle, aujourd’hui, nous nous sentons si proches
de vous. Nous tenions à vous le dire".
(e) - Adam
Smith., économiste anglais. ".. La richesse des Nations’ (1776).
(f) - Voir
ma chronique de mai 2001: "Un krach dans le Transport Aérien".
(g) - CSAM:
Conseil Supérieur de l'Aviation Marchande
(h) - Politique:
gestion des affaires de la cité
(i) - Aristote,
dans Ethique de Nicomaque, Traduction G. Rodier, I.X. Delagrave, 1877.
TOP
1°.- Ma chronique d’octobre: "DRAMES EN MER" * Cette chronique m’a valu de nombreux encourageants témoignages pour avoir montré que sûreté et sécurité concernaient tous les modes de transports. Il est vrai que tous sont interdépendants - dans un système relationnel complexe, variant dans le temps et dans l’espace - et que, de plus, leurs dysfonctionnements éventuels ont un effet en chaîne sur les activités périphériques que sont, entre autres, le tourisme (hôtellerie, location de voiture, restauration, etc... etc...), donc sur l’économie générale. * Le journal Le Monde (25/10/202 - Robert Belleret) a titré "Le JOOLA, TITANIC AFRICAIN" en indiquant que le naufrage résultait d’une longue série de négligences et de carences. On retiendra: Véhicules non arrimés; Fret mal contrôle et mal réparti; Centre de gravité de ce bateau dépourvu de quille, rehaussé par l’installation d’un groupe électrogène dans les superstructures; Officier de bord non habilité à commander un navire marchand,... Un banal orage et non pas
une tempête aurait fait chaviré le navire après que
les passagers se seraient, en masse, déplacés à bâbord
pour se protéger des rafales de pluies. 2°.- Ma chronique de Novembre * Une nouvelle fois, l’actualité me conduit à avancer la date de ma chronique pour répondre à vos interrogations. Elles concernent le rapprochement entre la France et la Lybie et la desserte d’une ligne aérienne sur Tripoli par une compagnie française, alors que les auteurs de l’attentat du 19 septembre 1989, contre un DC 10 d’UTA, n’ont pas encore été punis. Son titre est: "Ethique, sagesse et raison d’État". Vous la trouverez ci-après. 3°.- Où lire cette chronique? * Pour mes nouveaux lecteurs: Bien évidemment, vous pouvez également la consulter sur les sites habituels. Ces sites touchent déjà plus de 15.000 abonnés et vous apporteront - chacun en ce qui le concerne - les informations complémentaires que vous recherchez: www.tourmag.com (Premier portail des professionnels du tourisme) www.fraggo.com (Transport et logistique internationale) http://chezpeps.free.fr/henri/html/ (Passionnant site de la Postale de nuit). * D’autres sites peuvent également la reproduire ou faire des liens: www.lex-aero.com (Droit aérien communautaire et français) www.net-iris.com (Veille juridique professionnelle) http://www.latecoere.com/arppnac/index.html (Association des Retraités et Pensionnés de l'Aéronautique Civile) http://www.ffsmc.com (Site consacré au maquettisme) http://www.fns.asso.fr (Fédération Nationale de Simulation) http://www.iutcolmar.uha.fr/cerdacc/ (Centre Européen de Recherche sur le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes) dans son "JAC" (Journal des Accidents et des Catastrophes). 4°.- Ouvrage "Culture et Aéronautique" * Cet intéressant ouvrage (excellente présentation avec de nombreuses photos et schémas) restitue les 26 conférences prononcées en 2000 et 2001 dans le grand amphithéâtre de la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC). Il fait la synthèse du savoir de nombreux spécialistes, présentée dans trois thèmes: les structures, les hommes et les moyens techniques. Cette somme résulte donc de la volonté de la DGAC de faire mieux connaître des domaines qui sortent du champ de spécialité de chacun, mieux encore, de permettre d'appréhender le monde aéronautique dans sa diversité et sa richesse. Vous y retrouverez ainsi les caractéristiques qui ont fait le succès de ces conférences, à savoir, la volonté d'être clair, vivant et documenté, tout en restant facile d'accès. Vous pouvez obtenir cet ouvrage (gracieusement) en vous adressant au service communication de la DGAC soit en téléphonant au 01.58.09.45.28 soit par écrit à l’adresse suivante: DGAC - SDC 50, rue Henry-Farman 75720 Paris Cedex 15. Bien cordialement. Jean Belotti PS-1 : Si vous connaissez des personnes intéressées
par l'aérien, continuez à me communiquer leurs adresses E-mail,
afin qu'elles soient automatiquement destinataires de mes messages. Merci
d'avance pour votre contribution à une meilleure connaissance de
ce monde de l’aviation. |