LA SANTÉ DES PASSAGERSJean Belotti
Médecine
aéronautique
Contre-indications
au voyage aérien
Avant votre voyage
Soins à bord
Malaises à bord
Le nombre de messages reçus à la suite de ma chronique
traitant du "syndrome des passagers aériens" montre combien ce risque
- bien que numériquement très faible, comparé aux deux milliards de passagers
transportés en 2000 - préoccupe les voyageurs. Tous mes lecteurs intéressés
par le sujet trouveront réponse à leurs questions dans l’excellente et complète
étude sur les aspects médicaux et juridiques, menée par l’équipe rédactionnelle
de MedHermes www.medhermes.fr , site
s'adressant uniquement aux médecins sur inscription avec numéro d'ordre. Il
est toutefois possible d’accéder au dossier complet sur: http://www.lex-aero.com/Public/Syndrome_classeco.htm
(a).
Cela étant, les commentaires relatifs au risque précité ne doivent pas
occulter le véritable problème, celui de la santé des passagers à bord des
avions, objet de cette chronique.
Médecine
aéronautique
Il y a longtemps que les médecins se sont penchés sur l'étude des réactions
physiopathologiques de l'organisme face aux facteurs liés à l'avion. En effet,
l'altitude et la vitesse introduisent des éléments inhabituels dans
l'environnement traditionnel de l'homme: diminution de la pression atmosphérique
et de la pression partielle d'oxygène, baisse de la température, modification
du champ de gravité par les accélérations, degré hygrométrique, etc...
Voici quelques données historiques pour les futurs candidats à l’émission
"Questions pour un champion". La Médecine Aéronautique trouve son
origine dans une première expérience faite en 1783, année de l'ascension des
frères Montgolfier, à Annonay: un mouton, un coq et un canard furent placés
dans la nacelle d'une montgolfière. Puis, quelques semaines plus tard, ce fut
l'ascension de Pilatre de Rozier. Il fallut attendre plus d'un siècle pour que
l'expérience scientifique vit le jour avec Paul Bert, en 1873. C'est ainsi que
Groce-Spinelli et Sivel peuvent, en inhalant de l'oxygène, atteindre l'altitude
de 7.300 mètres à bord de leur ballon l'"Etoile Polaire", le 22 mars
1874.
Depuis cette époque, d'énormes progrès ont été faits dans ce domaine et
tout passager potentiel peut savoir, en fonction de son état de santé, quelles
précautions il doit prendre avant d’entreprendre un voyage aérien, de surcroît
de longue durée.
Contre-indications
au voyage aérien
L'ensemble des contre-indications au voyage aérien concerne en fait très peu
de sujets. Quelques cas particuliers doivent cependant être gardés à
l'esprit, nous disent les médecins. C’est ainsi que:
- des malades atteints d'otites, de mastoïdites ou de sinusites aiguës, devant
le risque de douleurs et complications possibles dues aux variations de pression
en cabine, ne doivent pas voler.
- des anémies graves contre-indiquent le voyage aérien, car la moindre baisse
de saturation de l'hémoglobine se traduit par des manifestations hypoxiques.
- ceux qui ont pratiqué la plongée sous-marine en eau profonde et ce jusqu'à
3 jours avant le voyage aérien, doivent soit consulter un médecin, soit
s'abstenir de prendre l'avion.
Quant aux femmes enceintes - même si certaines compagnies n'apportent aucune
restriction à leur acceptation à bord, sous réserve de la remise d'un
certificat médical et d'une décharge de responsabilité - il leur est conseillé
de ne pas emprunter de lignes aériennes à partir du huitième mois de la
grossesse, de façon à ne pas s'exposer à un accouchement au cours du voyage.
Malgré les précautions prises, il arrive que les premières douleurs
commencent à se faire sentir au cours d'un vol. Au cours de ma carrière,
plusieurs passagères ont donné vie à un magnifique bébé, après les soins
appropriés du personnel de bord, ce dernier ayant reçu la qualification nécessaire.
Indépendamment de ces cas exceptionnels, quelles précautions faut-il prendre ?
* Avant votre voyage
L'habillement a beaucoup d'importance surtout s'il s'agit d'un vol
long-courrier. Choisissez des vêtements amples et des chaussures souples et
sans talons.
Votre état de santé est facile à vérifier. Si vous souffrez d'une maladie
aiguë ou fébrile, d'une rhinite aiguë susceptible de se compliquer, en vol,
d'otite barotraumatique, vous devez reporter votre voyage. Une diarrhée doit être
stoppée avant votre départ. Un simple rhume, le nez bouché, peut - si vous êtes
sensible des sinus, des tympans - provoquer de fortes douleurs au moment de la
descente, c’est-à-dire. pendant la dépressurisation de l'avion. Prenez donc
vos précautions. Il est préférable de soigner énergiquement vos petits maux
éventuels avant votre départ.
Attention, si tout n'est pas rentré dans l'ordre le jour du départ, ne faites
pas l'erreur de vous bourrer de médicaments car certains d'entre eux sont mal
tolérés par l'organisme.
Renseignez-vous sur le climat, la température, les conditions de vie, etc...
des pays que vous visiterez. Enquerrez-vous de l'existence éventuelle d'épidémies.
Vérifiez aussi la validité de vos vaccinations.
Selon la réponse qui vous sera faite, vous aviserez et pourrez :
- soit prendre les dispositions nécessaires: mesures prophylactiques,
traitement préventif, vaccins,
- soit reporter votre voyage,
- soit modifier l'itinéraire initialement envisagé.
Consultez votre médecin ou celui de la compagnie aérienne. Si vous avez un
traitement à suivre, emportez vos médicaments car les pharmacies des pays que
vous visiterez peuvent en être démunies.
Ces conseils élémentaires doivent être répétés car, malheureusement, de
trop nombreux passagers n’en tiennent pas compte. Combien de fois n’ais-je
pas transporté de passagers souffrant de maux à la suite d’une mauvaise
d’hygiène corporelle ou alimentaire. Combien, de fois n’ais-je pas ramené
des îles, des groupes entiers de touristes, rouges comme des écrevisses,
certains ayant des brûlures au second degré à la suite d’une trop longue
exposition au soleil.
* Soins à bord
Lorsque le mal est fait, il est inutile de faire la morale. Sachez qu’en cas
de nécessité, des soins vous seront prodigués dans l'avion par le personnel
de bord. En effet, outre ses fonctions commerciales, le personnel navigant
commercial (hôtesses et stewards) assure des fonctions de sécurité et de
secourisme. Ce "savoir-faire" fait l'objet d'un recyclage annuel.
Pour vous rassurer, sachez que différents moyens sont mis en oeuvre à bord des
avions de ligne pour prendre les premières dispositions en cas d'événement médical
imprévu:
- Une trousse de premiers soins permet au personnel de parer aux incidents bénins.
- Sur les vols long-courriers, une trousse médicale plus élaborée, scellée
et sous clef, peut être remise à un médecin, sur présentation de sa carte
professionnelle.
Certes, cela ne permet pas de remédier à toutes les situations, mais contribue
cependant efficacement aux premiers secours.
Si la gravité du cas l'exige, une liaison radio peut être obtenue entre le
poste de pilotage et le SAMU de l'hôpital Necker de Paris, ceci, depuis presque
tous les points du globe, et 24h/24. Cette liaison se fait en temps réel et
permet d'interroger le médecin régulateur de permanence qui aidera au
diagnostic, au traitement ou recommandera l'atterrissage le plus tôt possible.
Dans ce dernier cas, le pilote prend tout de suite les contacts voulus et
dispositions nécessaires et se dirigera vers le premier aéroport praticable où
les services médicaux de l'aéroport (ou d'un hôpital voisin) seront prêts à
intervenir immédiatement.
Toutes ces dispositions prises par les compagnies aériennes représentent des
charges financières élevées et peuvent conduire à des perturbations dans la
régularité des vols. Cependant, elles montrent à quel point le confort et la
sécurité des passagers sont pris en compte ce qui, somme toute, est très
rassurant.
Donc, si vous sous sentez anormalement fatigué ou si vous avez un malaise
quelconque, n'hésitez pas à le signaler au personnel de bord. Voici, classés
par ordre alphabétique, quelques causes habituelles commentées par les médecins.
* Malaises à bord
Voici quelques cas assez souvent rencontrés et bien connus du personnel de
bord.
- une impression de surdité,
- un bourdonnement dans les oreilles,
- une douleur plus ou moins aiguë (qui survient en fait de moins en moins, car
les systèmes de régulation de la pression cabine des avions modernes est de
plus en plus performant, ce qui permet de réaliser des taux de variations de
pression très faibles et sans à-coups).
Les médecins donnent deux conseils:
1E.- Dès le début de la descente (car lorsque la descente est commencée, cela
est moins efficace), la manœuvre dite de VALSALVA (effort expiratoire bouche
fermée et nez pincé), voire de simples mouvements de déglutition (c'est
l'occasion de sucer un bonbon) suffiront généralement à rétablir la
situation d'équilibre dans vos oreilles.
2E.- En cas d'infection respiratoire supérieure aiguë, abstenez-vous de
prendre l'avion pendant quelques jours, car dans ce cas le blocage tubaire
serait irréversible et le barotraumatisme inévitable. Consultez votre médecin
qui vous conseillera des pulvérisations de vaso-constricteurs de la muqueuse
nasale à faire avant la descente.
Si, malgré toutes ces précautions, il vous arrivait de ressentir des douleurs
aiguës, n'hésitez pas à faire appel au personnel de bord qui vous
conseillera, vous proposera éventuellement des médicaments, ou, à la limite,
interviendra auprès de l'équipage technique afin de ralentir voire arrêter
provisoirement la descente.
- Hyperventilation. Les spécialistes en médecine aéronautique attribuent à
ce trouble la cause de fréquents malaises qui ne sont pas dus à l'hypoxie
(voir plus loin) et ne relèvent pas de l'administration d'oxygène. Une
respiration trop rapide et trop ample conduit à une évacuation importante de
gaz carbonique (qui s'ajoute d'ailleurs à la tendance, en altitude, à l'hypocapnie,
c’est-à-dire diminution de la quantité de gaz carbonique dans le sang).
Cela concerne les sujets particulièrement "nerveux" et peut être déclenché
par la peur, l'angoisse, un état d'excitation, des excès physiques ou
alimentaires.
Avec la respiration rapide, les autres manifestations sont caractérisées par
un malaise général avec agitation, sensation de vertige, maux de tête,
brouillard visuel, picotements, fourmillements au bout des doigts.
Le personnel navigant commercial est très au fait de ces symptômes et aussitôt,
il vous rassurera, vous demandera de ralentir votre rythme respiratoire, de
retenir votre respiration.
Puis, il vous fera respirer du gaz carbonique, celui que vous expirez vous-même
en grande quantité, et tout reviendra dans l'ordre.
En revanche, si vous savez être systématiquement touché par ces malaises,
consultez votre médecin qui vous recommandera un traitement médical préventif.
- Hypoglycémie. Vous vous êtes peut-être levé très tôt, sans avoir eu le
temps de prendre votre petit déjeuner, ou la matinée est déjà fort avancée.
Vous avez fait des efforts en portant vos bagages, en courant peut-être. Puis,
une fois en vol, vous avez l'impression d'une grande fatigue, d'avoir "les
jambes en flanelle". Il peut alors s'agir d'hypoglycémie. Croquez quelques
morceaux de sucre ou un fruit et votre malaise disparaîtra rapidement si tel
est le cas.
- Hypoxie. L'hypoxie est la première conséquence du gain d'altitude. Elle
provient du phénomène suivant: La pression barométrique diminue lorsque
l'altitude augmente, mais la composition de l'air reste constante. Il en résulte
donc que la pression partielle d'oxygène diminue dans les mêmes proportions
que la pression atmosphérique totale. Et c'est ce manque d'oxygène qui
provoque les effets liés à l'hypoxie.
Du niveau de la mer où le sang est saturé à 100% d'oxygène jusqu'à une
altitude de 1.500 mètres, la quantité d'oxygène inspirée est suffisante pour
assurer l'hématose (oxygénation des globules rouges) sans mise en jeu d'aucun
mécanisme de compensation.
De 1.500 à 3.000 mètres où la saturation du sang en oxygène n'est plus que
de 87%, apparaissent les premières manifestations physiologiques: augmentation
des débits cardiaques et respiratoires, mécanismes de compensation qui
maintiennent une hématose normale chez le sujet sain. Mais un long séjour à
cette altitude peut provoquer fatigue et maux de tête. La vision nocturne est
perturbée. Certains malades cardiaques peuvent être éprouvés.
Au delà de 3.000 mètres, la saturation sanguine en oxygène diminue malgré
les mécanismes d'adaptation et surviennent alors des malaises de plus en plus
graves dont les degrés sont très variables d'un sujet à l'autre.
C'est ainsi qu'à 4.500 mètres, la saturation sanguine en oxygène tombe à
78%. Si le séjour à cette altitude se prolonge, une certaine somnolence se
manifeste et des erreurs de jugement commencent à se produire.
A 6.000 mètres (saturation: 68%), des malaises sont à craindre.
A 7.000 mètres (saturation: 60%), un séjour de 5 minutes à cette altitude
suffit à provoquer la perte de connaissance.
Quid de l'hypoxie pour le passager aérien?
Tous les avions de ligne sont maintenant pressurisés si bien qu'alors que
l'avion est à son altitude de croisière (entre 9.000 et 13.000 mètres), vous
respirez dans la cabine, comme si vous étiez sur une montagne entre 1.000 et
2.500 mètres. Vous n'encourez donc pas les effets de l'hypoxie, sauf pour
quelques personnes qui peuvent ressentir une certaine fatigue ou avoir
l'impression de manquer un peu d'air !
- Intoxication alimentaire. D'importantes et permanentes précautions
sont prises dans la préparation des repas mis à bord, afin d'éviter toute
intoxication alimentaire: règles d'hygiène draconiennes, contrôles de qualité,
etc... En revanche, les intoxications peuvent provenir de repas pris avant
l'embarquement. N'hésitez pas à contacter le personnel de bord.
- Sensation de froid. Cette sensation de froid peut être
ressentie, même lorsque la température de la Cabine est de 22E Celsius. Cela
est dû à l'immobilité et au fait que l’air ambiant étant très sec, l’évaporation
de votre corps crée une sensation de froid. Utilisez la couverture qui est mise
à votre disposition. En limitant l’évaporation, vous ressentirez de suite
une sensation agréable de chaleur.
— *** ---
Puissent ces quelques rappels être pris en
compte par les futurs passagers et touristes occasionnels et être remis en mémoire
de ceux qui, habitués au voyage aérien se considèrent à tort comme invulnérables
et ne prennent pas toujours les dispositions essentielles pour effectuer leur
voyage dans les meilleures conditions de santé, d'hygiène et donc de confort.
a.- Ce dossier,
consacré au syndrome de la classe économique contient:
- La présentation du
Docteur Marco Dutra (Rédacteur en chef adjoint MedHermes France); des textes
d’Anne Mignot et Sébastien LeJeune (journalistes); de Violaine Zizka
(angiologue et médecin aéronautique) ainsi que l’avis de nombreux médecins.
- Les interviews, par
Anne Mignot, du Professeur Jean-Noël Fiessinger (Chef du service de médecine
vasculaire - Hôpital Européen Georges Pompidou) et du Commandant Nicolas
Loukakos (Juriste et auteur).
- Un rappel des faits
depuis 1968.
- Une bibliographie
des principales publications scientifiques sur le sujet.
- Des extraits de
presse et des sites pouvant être consultés pour tout approfondissement.
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