ATTERRISSAGE TOUT TEMPS

Il y a une trentaine d'années, je travaillais comme radio à la Postale de Nuit, sur  DC3. Ce soir-là nous avions décollé de PAU pour TOULOUSE puis BORDEAUX où nous chargeons les sacs postaux à destination du BOURGET.

Au départ, la météo de la région parisienne n'était pas fameuse, à TOULOUSE elle l'était encore moins et après BORDEAUX nous ne nous faisions plus d'illusions, toute la moitié Nord de la France était dans le brouillard.

En route vers le Bourget, nous n'entendions plus personne à la radio : tous les terrains au Nord de la Loire étaient fermés au trafic.

Le Commandant de bord venait juste d'arriver à la Postale et n'avait encore jamais fait d'atterrissage zéro/zéro grandeur nature, c'est-à-dire sans visibilité ni plafond. En arrivant sur la balise du BOURGET, nous nous préparons à une percée ILS (atterrissage aux instruments assistés du RADAR). Nous terminons notre briefing pour effectuer cette procédure pendant que la tour de contrôle nous confirme les conditions météo du terrain : brouillard givrant - visi et plafond nuls.

Nous engageons la descente et dès 300 pieds (100 m) nous pénétrons dans la couche de brouillard illuminée par nos phares. Aucun repère précis exploitable ! 50 pieds... . 40 pieds puis 30, 20, 10 pieds (3 m). Le RADAR  nous situe à droite de la piste. Nous n'avons rien vu !

Remise des gaz, montée dans l'axe de la piste puis retour sur la balise : on recommence.

Verticale balise, cap sur la piste, descente et bientôt nous nous retrouvons dans le brouillard, inondés de lumière diffuse. En finale, le RADAR  nous situe légèrement à droite de l'axe de piste : 30, 20, 10 pieds - 'Balises à gauche,  trop tard. Nouvelle remise de gaz et retour sur la balise pour une dernière tentative. 

Nous récapitulons à nouveau les actions à effectuer temps chrono, lecture de la sonde et le pilote, le nez dans le cockpit, accroché aux instruments jusqu'à ce que nous lui signalions un repère visible. A la balise : re-cap sur la piste - re-percée dans le brouillard. Le Commandant, les yeux rivés sur ses instruments, corrige lentement au fur et à mesure de la descente en tenant compte des indications du contrôle RADAR.

On arrive au chrono calculé : 30 pieds, 20 pieds, 10 pieds. "Feux verts à gauche" on venait juste de passer le seuil de piste. Après une "baïonnette" pour ramener l'avion dans l'axe, on touche sur une roue et on efface le restant de la piste avant de s'arrêter. Peu après, la voiture des PTT vient nous chercher et nous la suivons au pas jusqu'au parking.

Au pied de l'avion nous attendait Monsieur Vanier, notre Directeur, successeur de Monsieur Daurat. "Je vous ai suivi au RADAR avec les contrôleurs. Vous êtes les derniers... " puis s'adressant au Commandant de bord : "vous avez vu comment ça se passe un atterrissage sans visibilité ? Maintenant, vous saurez... Allez, rentrez chez vous et reposez-vous bien". Nous nous serrâmes la main. "Au revoir, Monsieur Vanier, merci". Il était cinq heures du matin.

Ecrit  par le radio Labesse devenu mécanicien navigant par la suite. Toutes les nuits le chef PN restait à la postale jusqu'à l'atterrissage du dernier avion au Bourget et dans les escales. Les visibilités données étaient données  par le contrôleur à la tour... pas d' appareil de mesure...   

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