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Sortie dans l'espace.
Le témoignage de Jean-Loup Chrétien, 2017/01/14    
RETOUR    1988/12/09
Premier non-Américain et non-Soviétique à effectuer une sortie dans l'espace, record de durée 5h 57m, record qui tiendra 2 ans. 
-Premier non-Soviétique à effectuer 2 vols.
Vidéo ci-dessous: JL Chrétien chez les Russes




Qu'avez-vous ressenti lors de votre premier "pas" dans le vide de l'espace ?
Lorsque j'étais installé dans le sas de la station Mir en compagnie d'Alexander Volkov, avec vue sur les étoiles, j'étais pressé de débuter la mission car nous commencions à consommer l'autonomie de nos scaphandres. Mais nous étions retenus par des consignes du centre de Moscou. Il a fallu attendre 10 à 15 minutes. Une fois que nous avons franchi la porte circulaire, nous sommes entrés dans un monde céleste où des milliards d'étoiles vous tendent les bras. C'était un moment très intense. Plus que depuis le hublot de la station qui n'offre pas de vue panoramique. J'y repense encore aujourd'hui lorsque je regarde un beau ciel d'été.


Puis la mission extra-véhiculaire vous a accaparé. Comment l'aviez-vous préparée ?
Une de nos missions consistait à tester la technologie de déploiement d'une grande antenne. A vérifier son bon fonctionnement puis à la larguer quelques heures après. Plusieurs séances ont été nécessaires en piscine, à la Cité des étoiles de Moscou, pour s'y préparer. On y répète la procédure pendant environ une centaine d'heures. Une autre centaine d'heures est indispensable pour prendre connaissance du fonctionnement des équipements. Une fois dans la station, l'une de nos tâches a consisté à vérifier et préparer les scaphandres dans le sas, la veille ou l'avant-veille. Le jour J, nous avons commencé à nous équiper à 7 h et nous sommes rentrés de la mission à 18 h.


Votre sortie s'est prolongée pendant six heures alors qu'elle ne devait durer que trois heures. Que s'est-il passé ?
Quand il s'agit de réaliser des manipulations techniques dans l'espace, on peut vite prendre du retard. Accentué par le fait qu'à l'époque, nous n'étions pas en communication permanente avec Moscou.  C'est ce qui s'est passé pour nous, puisque le déploiement de l'antenne ne s'est pas déroulé comme prévu. Autre difficulté, j'ai connu une anomalie de ventilateur qui a fait que mon casque s'est couvert de vapeur d'eau. Arrivé en fin de mission, dans le sas, je n'y voyais presque plus rien. C'est quasiment un miracle si nous avons réussi à la mener à bien !

image: http://www.letelegramme.fr/images/2017/01/13/sortie-dans-l-espace-un-moment-intense-vecu-par-jean-loup-ch_3250861.jpg

Avez-vous paniqué à cause de ce problème de casque ?
Non, j'étais concentré sur ma mission et très bien préparé. En revanche, les gens au sol ont connu un stress extrêmement fort.

Finalement, quel est le plus gros danger d'une sortie extra-véhiculaire ?
C'est la dépressurisation par la déchirure du scaphandre. Même si l'équipement est prévu pour que ça n'arrive pas. Il faut savoir que l'effet d'une météorite de la taille d'un gravier est celui d'une balle de pistolet. Si ça arrive, on ne peut rien faire. Toutefois, la probabilité d'en être victime est extrêmement faible. Cela n'est même jamais arrivé dans l'histoire de l'aérospatiale.

Dans quel état de fatigue étiez-vous à la fin de la mission ?
C'était une bonne fatigue, comme après un bon match de football. Il n'y a pas d'épuisement car on s'est entraîné pour cela. La principale difficulté physique est de se battre contre l'immobilité et la rigidité du scaphandre, même si là-haut, on ne pèse plus rien. Là-dessus, je pense que ça n'a pas beaucoup évolué, les scaphandres étaient déjà très perfectionnés à l'époque.


Jean-Loup Chrétien. L'astronaute était "tendu, pas angoissé"

Quand la mission a été terminée, il a fallu rentrer dans la station et quitter ce lieu onirique. Comment l'avez-vous vécu ?
Je n'étais pas pressé de rentrer ! Pendant les six heures de mission, on n'a pas le temps de profiter du spectacle. Mais j'ai eu un laps de temps de 15 minutes entre le moment où Moscou a validé la fin de la mission et celui de rentrer dans le sas. J'ai alors tiré sur la ficelle pour profiter du spectacle et des vues sur la Terre entre phases de nuit et de jour. C'était assez fascinant de contempler la surface du sol en vue verticale. Je me rappelle encore voir mes pieds au-dessus d'un paysage de torchères de pétrole d'Arabie saoudite !

 

Avez-vous été en contact avec Thomas Pesquet ?
Non, ces gens-là n'ont pas besoin de nous. Je suis ce qui se passe dans la presse. En ce qui me concerne, je suis toujours actif à Houston (États-Unis), où je suis vice-président de la société Tietronix. On travaille étroitement avec la Nasa sur les vols habités du grand futur.

Vous avez effectué trois vols dans l'espace. Les conditions de vie ont-elles réellement changé là-haut ?
Non, ça n'a presque pas changé. Je rencontre assez régulièrement des astronautes américains qui ont pu séjourner dans la station internationale. Ça évolue lentement. On peut comparer ça au Boeing 747, toujours largement en activité, dont la conception remonte aux années soixante-dix. Sa structure n'a pas beaucoup changé, même si pas mal de choses ont évolué.

Le lanceur est un Soyouz. C'est également un Soyouz qui vous avait propulsé dans l'espace. Pourquoi cet engin est-il si fiable ?
Il y a eu très peu de problèmes avec la technologie russe. On a connu des incidents mais pas d'accident. Pour autant, des modifications ont tout de même été apportées. Les moteurs et le carburant ont été changés.

Vous étiez dans quel état d'esprit lors des décollages ?
Je n'étais pas angoissé. J'étais tendu. Car on ne s'installe pas dans une fusée comme on s'assoit dans sa voiture. C'est comparable à des missions exceptionnelles qu'on effectue quand on est pilote de chasse ou pilote d'essai.

Six mois, c'est long dans l'espace ?
C'est la nouvelle donne. Beaucoup de Russes et d'Américains effectuent des vols de cette durée. C'est ce qu'il y a de plus rentable. Monter quelqu'un là-haut, pour le faire redescendre quinze jours après, n'a pas de sens.

Les vols vers Mars, vous y croyez ?
On en parle depuis très longtemps. La question est de savoir où l'on place l'avenir de l'homme dans l'espace, par rapport à l'avenir de l'homme en général. Et là, on n'a pas la réponse. Car il nous manque des visionnaires qui sauront convaincre les politiques d'y aller. On n'ira pas sur Mars sans une grande décision internationale.


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Les deux vols de JL chez les Russes



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