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Paul Graugnard nous raconte les 3 premières années de la Postale

Arrivée à la Postale, en 1945.

L'entraînement et la" Tante Julie "
Didier Daurat, Vanier.    les aspects " Rivière et non Rivière" de Daurat 
Les autres

Le début de l'été 1946
La route Lyon-Marseille, évolution technique.
Année 1947, la Postale a failli disparaître...
1948, les DC3 remplacent les JU52
Qui est Paul Graugnard ?
Conclusion   
Allocution prononcée par Paul Graugnard à l'occasion de la remise d'une maquette de Junkers 52 au musée de l'air. 
Arrivée à la Postale, en 1945.    TOP 
Libéré partiellement de mes obligations militaires, je me présentais, fin octobre 1945, rue Marbeuf, à l'angle de l'avenue Georges V où l'immeuble d'Air France, frappé à l'entrée d'une immense " crevette " abritait la direction et ses services.
Enregistré, répertorié, je devais attendre une convocation. A cette époque, le restaurant  " Chez Valentin " était le point de rendez-vous où se retrouvaient des camarades venant de tous les horizons de la guerre, en attente d'une convocation.
On y rencontrait pêle-mêle ceux de la chasse, d'Angleterre, de l'Aéronavale, de Normandie Niémen, ceux du bombardement de nuit, du Coastal Command ou de la Résistance.
Le 5 novembre enfin, je fus convoqué chez Gaston Lafannechère. Son accent correspondant à celui de mes origines, je crus devoir lui en faire la remarque; mai cela ne m'attira que cette réponse acerbe : "Monsieur, nous ne sommes pas là pour parler du pays. Vous avez cent heures de vol de nuit, vous irez chez Monsieur Daurat ". J'étais affecté sans autre formalités à la Postale de Nuit ! Quelle découverte !
Le centre d'Exploitation Postal Métropolitain, comme on disait alors, avait comme Air France, son siège au Bourget. Didier Daurat en était le chef depuis le début octobre, Raymond Vanier son adjoint, Georges Clément, André Brun et Lepaute les pilotes et instructeurs.
Imaginez l'émotion d'un jeune pilote qui se retrouve un jour au milieu de ceux dont l'histoire avait été à l'origine de sa vocation, au milieu de ses héros. ! Je ne les connaissais pas tous, mais Daurat, le " Patron de l'Aéropostale ", c'était quelque chose ! Ceux d'Air Bleu, Vanier, le chef pilote, Clément, Darqué, Pauzié ! Tous mes souvenirs d'adolescence resurgissaient, ceux du temps où je n'achetais le journal que pour y lire la vie d'Air Bleu. Émerveillé jadis par le récit des exploits de ces Anciens, voila que le rêve devenait réalité : je me trouvais parmi eux.
Nous étions six à nous présenter le 20 novembre 1945 : Rondet, Chevrier, Bastian, Pérez, Mazzuca et moi-même. Dés le lendemain nous étions convoqués pour l'entraînement sur Goéland. Le BAFP, le BAPE et le BAPT virent nos premiers pas sur QDM avec Brun et Clément comme moniteurs.
Évidemment, le B26 avait une autre classe, mais avoir Clément ou Brun à ses côtés, ceci compensait bien cela. D'autant plus qu'un mois auparavant, le 26 octobre, Clément, Prudon et Leib avaient effectué la première liaison postale de nuit, en Junkers 52, Paris-Bordeaux-Toulouse-Pau.            TOP
L'entraînement et la" Tante Julie ".  TOP 
Vers le début décembre commença l'entraînement en ligne. Clément et Brun emmenaient chaque nuit un stagiaire en courrier sur Junkers. Cet avion antédiluvien se révéla être un parfait outil pour la Postale. " Tante Julie ", comme l'appelaient les Allemands, avait vu le jour au début de 1930. A l'origine avion de transport destiné à la Lufthansa, il fut construit pendant la guerre à 4835 unités. Omniprésent sur tous les fronts, ce trimoteur lent et gauche fut véritablement l'avion à tout faire de la Luftwaffe. Construit en France sous licence par les ateliers aéronautiques de Colombes le F-BAKK et le F-BALD furent les deux premiers arrivés arrivés à la Postale. La lenteur de cet avion, environ 180 km/h, s'accommodait très bien au rythme des signaux de guidage, QDM et QTE etc., échangés entre le radio du bord en télégraphie et celui de la station au sol.
Mai cette lenteur me fit aussi subir l'affront de me voir, par fort mistral, doublé par le train dans la vallée du Rhône ! Son altitude, aux environs de 1000 m, permettait d'apercevoir, par beau temps, les villes et les phares aéronautiques qui, à cette époque, jalonnaient les routes aériennes. De la moindre bosse elle faisait une montagne : le Morvan, les monts du Beaujolais, le Massif Central et le Ventoux devenaient alors des Himalaya. Sa robustesse et son train fixe lui permettaient de se poser sur les prés carrés qu'étaient les aérodromes de Toulouse et de Pau et d'encaisser les atterrissages un peu durs, les cailloux et les taupinières, quand ce n'était pas une vache en train de paître paisiblement! 
Sa capacité d'environ 1800 kg de charge utile était suffisante, en ces débuts, pour transporter le courrier postal. Ses trois moteurs lui donnaient une bonne fiabilité dans le mauvais temps, bien que le moteur central présentât de mauvais de sérieux inconvénients en cas de panne. Le frein mécanique à vessie qui était censé arrêter ce moteur n'arrêtait rien et les vibrations engendrées par l'hélice qui l'entraînait transformaient l'avion en un énorme vibromasseur, rendait les instruments illisibles et le pilotage hasardeux. Le comble survenait lorsqu'une durite d'huile profitait de ces mauvais fonctionnements pour gicler sur le pare-brise et l'obscurcir de telle sorte que le seul moyen de se poser était de regarder par la vitre de gauche et perpendiculaire à l'axe.  
Didier Daurat, Vanier.   TOP  
Il n'y avait pas de moyens de dégivrage mais il semble que la structure en tôle ondulée diminuait un peu l'effet de givrage. Ce qui n'empêcha pas qu'un soir de décembre 1947, alors que je descendais à Lyon, je dus faire demi-tour sur le Morvan. La glace s'amoncelait sur le bord d'attaque, me faisant perdre de l'altitude. ne pouvant franchir le Morvan à l'altitude de sécurité et devant l'aléa du survol des monts du Beaujolais, je revins sur Le Bourget. Monsieur Daurat m'attendait et le temps passé à briser la glace, à refaire les pleins et à retourner sur le Morvan devait permettre un changement de la météo qui transformeraient les conditions antérieures. Je redécollais donc mais approchant du Bois du Roi, je retrouvais les mêmes phénomènes de givrage et fis de nouveau demi-tour. Didier Daurat était encore là; il me dit qu'il fallait encore essayer et qu'il m'accompagnerait. Il devait être environ 4 heures du matin lors de notre décollage; en arrivant près de la montagne, nous retrouvâmes la même situation : fort givrage et perte d'altitude. Le gonio d'Auxerre nous donnait parfaitement notre position en distance. Bien décidé à ne pas faire demi-tour de mon propre gré, je commençais à voir Monsieur Daurat s'agiter et rouler une cigarette ce qui, pour lui était le comble de l'agitation !
Il se pencha vers le radio pour faire confirmer les QTE, puis se tournant vers moi, il me dit de sa voix lente : " je crois que vous devriez faire demi-tour ! " Je ne me le suis pas fais pas dire deux fois et, au lever du jour, nous nous posions au Bourget.
Didier Daurat quitta l'avion sans dire un mot...
Ca, c'était un peu le coté " Rivière " de Daurat. J'ai eu l'occasion d'en découvrir un autre... Ce devait être au début de l'hiver 1947/1948. J'avais appris l'accident survenu à un de mes bons amis, pour ne pas dire le meilleur; il avait percuté le Jura dans les environs de Saint-Claude. Je partais en courrier le soir même et il n'était pas question pour moi de demander un changement quelconque afin d'aller sur place. Le soir donc, j'arrivais au Bourget pour prendre le départ. Didier Daurat me fit entrer dan son bureau " Monsieur Graugnard, je vous ai fait remplacer par Monsieur Beaugourdon. Ma voiture est en bas avec mon chauffeur. Il va vous conduire à Saint-Claude. Je sais les liens qui vous unissent à du Tilly ". C'était tout, mais je crois qu'à partir de ce moment, l'image d'un homme de coeur a définitivement effacé dans mon esprit, l'image de " Rivière ".

C'était une époque où les hommes responsables savaient être exigeants, tout en restant profondément humains. Raymond Vanier a été le digne successeur de Daurat. Dans un registre tout différent, il s'imposa par la persuasion, jamais un mot plus haut que l'autre, il insistait simplement et arrivait à ses fins. Raymond Vanier avait été le digne successeur de Daurat. Dans un registre tout différent, il s'imposa par la persuasion, jamais un mot plus haut que l'autre, il insistait simplement et arrivait à ses fins. Raymond Vanier avait été le défricheur infatigable des lignes Latécoère à leurs débuts. Son apparente froideur n'était que le reflet de son intransigeance pour tout ce qui touchait au respect de l'horaire. Peu d'hommes ont fait montre d'une telle conscience professionnelle, son dévouement fut total. Il sur être un chef digne et respectueux de l'homme. 
       

Les autres    TOP  
Clément était encore un type de chef différent, toujours lointain et maître de lui, le Chef pilote mas aussi l'instructeur parfait, parlant peu mais toujours au moment adéquat, calme, expliquant le pourquoi de son enseignement, prenant le manche pour illustrer. C'était un pédagogue de grande qualité.
André brun, son adjoint, ancien d'Air Bleu aussi, c'était le charme, l'explication pointilleuse, et si tout n'était pas parfait, particulièrement à l'atterrissage, il disait : " On va atterrir... " Ce " on " impliquait qu'il avait les pieds sur le palonnier et les mains sur le manche. Jusqu'au jour où armé d'une baguette, je fis mine de le taper sur les doigts au moment crucial. " ça alors !... " et un grand éclat de rire fut sa réaction. André Brun est toujours mon ami et j'en suis fier.
Toujours d'Air Bleu, Henri Darqué, le " Général chinois ", comme on l'appelait. De la marine Nationale à Air Union et Air Orient, passant par les hydravions Schreck qui lui valurent quelques records du monde et à la Chine, à laquelle il livra des Bréguet 14 et des hydravions amphibies, il termina sa carrière à la Postale d'abord comme chef d'Escale à Toulouse puis au Bourget, en qualité d'agent principal d'opérations aériennes.
C'est lui qui, avec Lucien Pauzié, veillait quand les avions étaient partis. Le radio de service à son poste avait toujours l'un ou l'autre penché sur son épaule pour recevoir les messages afin de les transmettre le plus rapidement possible à M. Daurat ou M. Vanier, l'un ou l'autre prenant le service dés que le temps se gâtait.
Aux hangars, Bertin l'homme tranquille et sa vaillante équipe : Gallier, Mauduit, Lecomte, Lautant, qui faisaient voler ces tas de tôle ondulée. Les moteurs, la tôlerie, l'équipement, tout était de la compétence de Bertin et de son équipe. Et le jour, dans les bureaux que nous ne visitions que rarement, M. Bouisset présidait aux destinées administratives et financières du CEPM. Un homme affable et d'un contact humain agréable, que l'on nommait " le petit lapin " ! Pourquoi ?
A Pau, Monsieur Clermont, un ancien d'Air Bleu, avait la responsabilité de l'escale; Darqué était à Toulouse et Renvoizé à Bordeaux. Des mouvements se produisaient : Mesplé et Récoché remplacèrent à Toulouse Darqué rappelé au Bourget alors que Pfeiffer arrivait à Pau à la fin des Junkers. Il est superflu de parler de travail bien fait de leur part, c'était une véritable dévotion au courrier, aux avions, aux navigants.                      

En janvier 1946, les équipages de la Postale s'étaient enrichis. A Clément, Brun, Lepaule s'était joint une autre ancien : Perrin, en remplacement de Déricourt. Aux radios Prudon, Favier et Favreau s'était ajouté Le Coroler. Les mécaniciens Leib, Durantel et Carot furent rejoints par Morin, alors que Meysonade, Laporte, Desprunier et Pascal étaient en attente. Ces hommes représentaient l'équipe de la ligne de nuit Paris-Bordeaux-Toulouse-Pau au début janvier. Entre temps après la première arrivée du 20 novembre 1945, 6 nouveaux pilotes les rejoignent le 2 décembre : Carrier, Beaugourdon, Ricaud, Marchal, Thomelin et Vicens, et, le 15 décembre deux anciens, Gobert venant d'Air Afrique et Perrin du SCLAM, s'étaient joints à l'équipe de nuit.
Ce dernier ne devait malheureusement pas faire une longue carrière à la Postale. Par une vilaine nuit, à Bordeaux, son avion heurta le clocher du village du Bouscat. Tout l'équipage périt. C'était le 13 janvier 1946. Pérez, qui était le premier prêt de l'équipe des jeunes, fut laché de nuit le14.
Les trois JU 52 tournaient toute les nuits, mais le jour, que de potentiel perdu ! C'est alors que se développa de jour toute une activité de transport de messagerie, de fruits sur Londres, de pièces détachées d'auto sur Nice et de fleurs au retour. Cette activité prit très vite une grande expansion et une partie des pilotes y fut particulièrement affectée. Le 30 janvier 1946, Desprunier, un ancien du SCLA, effectua la première ligne de fret hebdomadaire sur Alger. 
C'était le début d'un large réseau de fret et de messagerie sur l'Afrique du Nord en JU52, Alger, Oran, Rabat, Casablanca et Marrakech. Si Alger et Casablanca furent desservies régulièrement, les autres villes d'Afrique du Nord ne l'étaient qu'à le demande par les avions de ces deux lignes.
Puis au mois de mars, de nouveaux pilotes vinrent renforcer l'équipe du début : Chartrain, Liaudet, Augoyard, Marchal, Lefèvre et Moreau. Le 23 juillet, Didier Daurat décida de suspendre l'exploitation des Siebel. En effet, cette machine avait causé la disparition du pilote Moreau et de son radio Fureleaud, sans compter de nombreux incidents. Bonne et sage décision car d'autres accidents endeuillèrent les ailes françaises : ceux de Maryse Hilsz, Morlaix et celui du 2 septembre à Villacoublay.                                      TOP    
En ce début d'été 1946, il y avait à la Postale 18 pilotes stagiaires, les JU52 continuaient leur ronde nocturne et Pérez, Chevrier et Vicens étaient lachés de nuit, Ricaud le sera en Avril. Deux anciens, Prudon et Durantel, attirés par les longs courriers d'Air France avaient quitté le CEPM.
Au mois de juin, les fruits mûrissent en France et les Anglais en ont été privés pendant de longues années. Alors s'organise une ligne de fret sur Londres, en JU52, qui est inaugurée le 2 juin 1946. Cette ligne est doublée le 4 juin. Les transports sur l'Afrique du Nord aussi s'amplifient, le 13 mai 1946, Brun, Chaulet et Gorot effectuent en JU52 le premier vol sur Casablanca. A cette époque, l'activité de la Postale représente la moitié de l'activité d'Air France. Hélas, cette activité, cette régularité, la Postale devait la payer cher !
La longue liste des accidents, ouverte par Perrin, le Coroller et Morin le 13 janvier 1946, enregistre l'accident de Gobert, Favreau et Houix le 27 juin 1946 et celui de Moreau et Fureleaud le 27 juillet sur Siebel.
Dans la nuit du 27 au 28 juin survint l'accident du F-BAJS au cours duquel Gobert, grièvement blessé put être sauvé, tandis que Favreau, apparemment peu touché, devait mourir à l'hôpital. Houix, le mécanicien, avait été tué sur le coup.
Cette période de transition jalonnée de tant d'accidents, fut une période d'expérimentation à la recherche du rendement maximum avec une sécurité aléatoire afférente aux risques que les pilotes voulaient prendre.
La navigation s'effectuait encore avec les équipages expérimentés en grande partie par Air Bleu.
Le gonio était roi en alignement, en flanquement et à l'atterrissage. Il représentait l'élément principal de la navigation et la télégraphie utilisée pour les transmissions entre l'avion et le gonio, ou vice-versa, était l'unique moyen. Les autorisations de roulage, de décollage, les transmissions en vol, la navigation, la météo et les atterrissages, tout passée par les radios qui représentaient la pièce maîtresse de la navigation aérienne de cette époque.
Les radio-range aéronautiques, témoins du passage des Américains avec leurs branches en son continu et leurs cadrans délimités par la lettre A et la lettre N en morse, étaient des aides à la navigation utiles, certes, mais souvent mal situés pour être utilisés par les lignes postales de nuit.                      TOP 
Je revois le tracé des lignes Lyon-Marseille par mauvais temps, tenant compte du parcours à une altitude de sécurité de 600 m. Au départ de Lyon, départ au QDM 181° sur le gonio de Romans, puis QDM 209 sur Montélimar. Après Montélimar, QDM 170 sur Marignane jusqu'à la rencontre de la branche nord du Beam * d'Istres, descente sur cette branche au cap vrai 182 jusqu-à la rencontre du QDM 142 de Marignane. A ce cap la descente commençait jusqu'à 300 m, altitude à laquelle devait être coupée la branche Est du Beam d'Istres. La descente pouvait alors vers 50 m à la verticale du gonio de Marignane. Les approches par mauvais temps se faisaient selon la méthode des QDM qui consistait qui consistait à utiliser les renseignements donnés. Le radio du bord émettait, le gonio au sol relevait cette émission et transmettait le cap à suivre pour aller vers la station; il s'agissait donc d'enrouler autour du gonio, prendre un cap d'éloignement qui consistait en un QDR du gonio, tournait au bout du temps calculé en fonction du vent et de la vitesse propre de l'avion pour revenir sur le QDM d'approche qui correspondait à l'axe de piste, le tout en calculant son temps de descente toujours en fonction du vent, pour arriver à la verticale du gonio à 50 m. A partir de ce moment, l'opération consistait à descendre à environ 50 mètres à la minute, trouver la ligne d'approche faite de plots au sodium et la conserver à gauche, ce qui était bien pratique car la visibilité vers l'avant était réduite à cause du moteur central. Des barres perpendiculaires amélioraient encore le système en permettant d'apprécier la distance de l'entrée de piste. Les plots d'entrée franchis, on s trouvait devant un trou noir jusqu'à l'impact au sol. C'était certainement le moment le plus impressionnant ! la sonde radioélectrique, encore en expérimentation, était lue par le mécanicien mais sa précision était encore aléatoire.
Certains jours, par temps de brouillard, se posait le problème du retour au parking et le gonio servait encore alors pour se diriger au sol.
Il faut tout de même préciser que les terrains étaient encore en herbe, souvent en forme de parallélépipède, et, en tout état de cause, infiniment plus large que les pistes d'atterrissage. C'est dans ces conditions que, le 2 juillet 1946, Brun, Favier et Carot ouvrent le ligne Paris-Lyon-Marseille-Nice qui deviendra l'AF 1020/1021, avec cependant une infrastructure améliorée : à Lyon, les " Maraudeurs" étaient passés par là et avaient laissé une piste en grille tandis que Marseille et Istres avaient une piste en béton. Le terrain de Nice, cependant, était un véritable bourbier par temps de pluie.
Le 15 octobre, l'équipe de nuit s'enrichit de 3 pilotes : Andréani, Cahouet et Daudon sont lachés.
Le 21 octobre, le Directeur des PTT, M. le Moeul, remet la Légion d'honneur à Clément et nous sommes ce soir-là tous heureux de féliciter notre Chef Pilote. 
Le 25 octobre, une grande cérémonie a lieu au Bourget pour fêter le premier anniversaire de l'ouverture des lignes de nuit - en l'occurrence Paris-Bordeaux-Toulouse-Pau. 
Mais en cette fin 1946, il n'y a pas que des commémorations et des cérémonies. les lignes d'approche au sodium s'installent petit à petit sur tous les terrains. Les essais se poursuivent particulièrement à Bordeaux et au Bourget, équipés d'une ligne de 2600m. Pau voit s'installer uns ligne médiane au sodium sur le terrain même.
Mais la fin de 1946 est marquée aussi par une innovation : au début de l'hiver, les JU52 sont équipés de dégivreurs pneumatiques. Si le principe a fait ses preuves, particulièrement sur DC3, le résultat sur JU52 est décevant. La glace brisée sur les bords d'attaque se reforme à l'arrière, déforme le profil de l'aile et a un effet désastreux sur les caractéristiques de vol de cet avion : diminution de la maniabilité, de la portance et abaissement du plafond pratique, sans compter les contre-pressions d'huile lorsque le dégivreur fonctionne. Ce qui posera des problèmes à Clément lors d'un atterrissage à Lyon : il dût se poser en PSV par beau temps avec son pare-brise complètement obscurci par une épaisse couche d'huile à le suite d'une rupture de canalisation.      TOP 
*Beam : branche d'un radio-range
En janvier 1947, tout le sud de la France est couvert de neige et le trafic aérien arrêté sur les aérodromes de Marseille et Nice qui, faute d'équipements, ne peuvent déblayer la neige. Mais sur le reste du pays, les vols de nuit se poursuivent avec régularité.
Le printemps voit le lâcher des pilotes qui n'avaient fait, jusque-là, que du vol de jour : Beaugourdon, Lefèvre, Chartrain et moi-même. Il y a maintenant 16 Junkers au Centre d'Exploitation Postal Métropolitain et l'on espère des DC3 pour la fin de l'année.
Chevrier, Quénée et Hamann ouvrent en avril la première ligne tri-hebdomadaire sur Paris-Alger-Oran-Casablanca de jour en messagerie et fret. Le premier mai, ouverture de Paris-Lyon-Marseille-Alger, ligne quotidienne de nuit.
Et l'on commence à cueillir les fruits de l'action de Didier Daurat et de ceux qu'il anime. La Postale tourne rond, la régularité augmente de jour en jour, les pannes sont plus rares.
Mais l'orage éclate au début juin.
Le Ministre des PTT, sous la pression des Ambulants, annonce la suppression de la ligne Paris-Lyon-Marseille-Nice pour le 15 juin. Daurat mobilise chacun pour sauver cette ligne. Toutes les connaissances de ses membres députés, sénateurs, présidents des Chambres de Commerce, tous ceux qui peuvent être utiles sont sollicités pour la défense de la Postale de Nuit. Le 10 juin, une " heureuse " grève de la SNCF permet de faire la preuve de l'efficacité de l'avion. En 36 heures, 31 tonnes de poste sont transportées. Tout le monde, PN et PS, travaille d'arrache-pied, jour et nuit. Un travail exténuant mais qui porte ses fruits. La presse ne parle que des résultats de la Postale, les interventions se font de plus en plus nombreuses à la Chambre des Députés, au Sénat en sa faveur, si bien que, le 14 juin, le Conseil des Ministres décide de suspendre la suppression de la ligne de Nice et, le 12 juillet, la Chambre vote les crédits nécessaire à la Postale. Une belle victoire qui récompense l'efficace effort de tous. 
Mais tout n'est pas que fleurs dans cette histoire des Junkers. Dans la nuit du 4 au 5 août, le BANB, qui effectuait la Ligne Nice-Marseille-Lyon-Paris, pris dans un orage en approchant de Marignane percute la Sainte-Baume dans les environs d'Aubagne. Le pilote, Cahouet, le mécanicien Salle sont tués sur le coup. Le radio Ducoudray, éjecté de l'appareil, meurt quelques heures plus tard. Il peut auparavant éclaircir les circonstances de l'accident : la station au sol transmettait des QTE  au lieu de QDM. Un accident que l'on aurait sans ce témoignage, attribué à une faute de l'équipage.
Les liaisons en VHF étaient devenues obligatoires depuis le début janvier et les avions équipés peu à peu depuis ce moment. Une chaîne de gonios militaires, les "Galets", était en place mais ne fonctionnait que de jour. La Postale demandait en vain leur exploitation de nuit. Ce n'est que le 6 août, au lendemain de l'accident d'Aubagne, que ces gonios VHF assurèrent une veille de nuit. Veille partielle, du reste, puisqu'elle ne fut assurer dans un premier temps, que pour le passage des avions postaux. La navigation en fut facilitée, encore qu'une période probatoire fut nécessaire pour lui accorder une pleine confiance.
La VHF était nouvelle en France et cela donna lieu à bien des confusions. La tour de Nice, entendant un avion postal appeler "galet bleu", appela à son tour la station "galet bleu" en lui disant "... vous pouvez vous poser, galet bleu ! " A la fin de l'été, une ligne complète de feux au sodium est en place à Pau, la marmite à brouillard. C'est la deuxième ligne après celle du Bourget. Les expériences faites par Clément et ses équipages durant les deux hivers précédents ont porté leurs fruits et cette ligne est prête à être adoptée en France. Hélas, de longues tractations internationales verront, en 1952, le triomphe de la ligne médiane proposée par les anglo-saxons.   TOP 
1948 marque l'apogée de la Postale sur Junkers. Elle compte 16 équipages, 48 PN ; la régularité est proche de 100%, 220 tonnes de lettres sont transportées par mois. Son champ d'action s'étend sur toute l'Afrique du Nord. Trois lignes de nuit : Pau, Nice, Alger, une ligne de messagerie régulière sur Alger, Oran et Casablanca, complétées de nombreux déplacements à la demande, représentent son activité de nuit comme de jour.
1948 marquera aussi l'éclipse temporaire de la Postale. En effet, les DC4 arrivent à Air France et vont assurer le transport du fret du CEPM. L'excédent d'équipages ainsi créé va se disperser en mai. Ricaud et Rondet sont affectés à Dakar. Je pars avec Chartrain à Tananarive. Gobert rejoint la Région Europe et Andréani la Compagnie Air Tunisie.
Il ne reste que dix équipages qui vont prendre en main les DC3 et voir les JU52 disparaître peu à peu.
J'ai retrouvé les JU52 à Madagascar avec le plaisir de rencontrer de vieux amis et je les ai pilotés pendant encore près d'un an.
Je devais revenir à la Postale quelques années après, y rester encore 6 ans avant de passer sur les lignes passagers d'Air France.
Mais après une carrière bien remplie, c'est ce séjour sur JU52 qui reste gravé dans ma mémoire. C'était le temps des copains, de la petite équipe soudée animée du même esprit; le temps de la difficulté, parfois de la peur ou de la peine; celle des chefs qui avaient conscience de leur rôle et celles des hommes qui croyaient à la mystique du Courier, comme y croient encore leurs cadets d'aujourd'hui.   TOP 

Qui est Paul Graugnard ?                            TOP                            Tue, 16 May 2000

Paul Graugnard fait partie des personnes, navigantes ou non navigantes, qui aiment la Postale. Il y a trouvé un milieu qui lui a permis d'assouvir sa passion commencée aux USA, mais de pouvoir aussi exprimer son dévouement à la cause humaine J'ai toujours eu comme maîtres les hommes qui font simplement " leur travail ", non pour plaire mais pour le faire bien. 
Paul, né a le 26 novembre 1921 à Batna, en Algérie est un enfant qui vit avec son secret, c'est le temps où la jeunesse est admirative devant les exploits des pilotes.  
Il a 18 ans quand la guerre 39-45 est declarée. En 1940, il s'engage, là ou il peut, l'Armée de Terre, fait l'Ecole Spéciale Militaire Interarme de Cherchell, et, en 1943, il va pouvoir enfin réaliser son rêve, il choisit sans hésiter l'Armée de l'Air. Sa carrière aéronautique commence.  Le 5 septembre 1943 il embarque à Oran pour les USA . (SS Monterey, 17 jours de mer). Il est émerveillé en mettant les pieds à New York, l'Amérique qui va lui apprendre à voler. Il commence le dur apprentissage, mais exaltant, du pilotage à la méthode américaine dont seule l'efficacité est recherchée, pas besoin d'apprendre et de connaître la polaire d'un avion pour le faire voler. En 14 mois, (Tuscaloosa - Van de Graff field, ALA,  PT 17 - Montgomery, Gunter field, ALA, BT 13 - Turner field, Albany, Georgia - Dodge City, KA, B26 - Barksdale field, LA - Bolling field, Washington DC),  du 22 septembre 1943, son arrivée à New York, au 27 novembre 1944, il est lâché sur B26, un bimoteur bombardier puissant avec lequel on peut faire facilement une barrique. Il n'a pas beaucoup de temps de loisir, mais tous les soirs avant de s'endormir il pense à ses parents, sa famille, sa région. A la fin de son entraînement (14 mois), il a droit à trois jours de congé !
Le retour en Europe le rappelle tout de suite à la réalité. Embarqué à Camp-Patrick sur le Liberty ship, il subit plusieurs attaques de sous-marins allemands, débarque à Oran et est affecté à Djeda. En février 1945, il est affecté au GBM 2/63 Sénégal à Lyon Bron, 34e Escadre, 11e Brigade de bombardement, 42e US WING. Il fait plusieurs missions de guerre, 22 en 60 jours ! Il est nommé, le premier juin 1945, Sergent chef d'Active !
A la démobilisation il est lâché sur NC 702, Siebel Martinet, Junkers 52, Goëland, DC 3, puis au cours de sa carrière sur SO 161 Languedoc, Constellation 749, Super Constellation 1049, Caravelle, Boeing 727, Boeing707, Boeing 747.
Lors d'un convoyage, Madagascar-Paris, en septembre 1948, sur Dragon de Havilland, il a la chance de rencontrer le fougueux Joseph Kessel à Entebbe.
Après un séjour dans les autres secteurs d'Air France, il revient sur sa demande a la Postale en 1951.

Paul est aussi l'homme dévoué. Il sera à la Commission Economie et Production SNPL (Syndicat des Pilotes de Ligne jusqu'en1965--- Représentant du PN au Comité Central d' Entreprise d'Air France jusqu'en 1973, du 05/10/1973--- Président du Service Social des Navigants de l' Aviation Marchande, jusqu'au 07/09/1978---  le15/03/1972 CDB Boeing 747 jusqu'au05/07/1978--- Le 11/06/1975 il a un accident aérien à Bombay en 747.  Après une accélération-arrêt, le feu de train est  non maîtrisé par les pompiers Indou, l'avion est détruit à 100%. Les 374 passagers sont débarqués par les toboggans en 90 secondes; il n'y a  pas de blessés.
En mars 1978 il a un accident cardiaque à Pointe a Pitre. Il perd sa licence en juillet, et sera mis à la retraite.
En 1979 il est Membre du Conseil d' Administration de l' APNA., et en novembre il est Président des Anciens de la Postale de Nuit. jusqu'en novembre 1995. Pendant cette période, en 1980 il milite à Aviation Sans Frontières, et au service Social de l'APNA,.le 23/09/1985. Il entre au Conseil d' Administration de l' Association d' aide aux Handicapés des ayants-droit de la CRPNPAC. C'est Libert qui le parraine pour la médaille d'Officier de l' Ordre National du Mérite, le 7 octobre 1986.

Les autres médailles : Chevalier de la Légion d'Honneur, Médaille d' Honneur de l'Aéronautique de Vermeil,  Médaille de l' Aéronautique.   TOP                                  


The B-26 Marauder was a twin-engined medium bomber with a streamlined fuselage of circular cross-section and a relatively small shoulder wing. It was difficult to handle, because of its high wing loading, but it also gave high performance. It started life with high accident rates due to it's high technical demands placed on the pilots. It was known to be a "hot" aircraft with a relatively fast landing speed around 152 mph. If an inexperienced pilot, and most trainees were, brought it in too slow it would stall and spin with little room to recover. With proper pilot training it later proved to be a safe and effective aircraft. Many crews grew to appreciate it's agility and strong defensive armament. With the B-25 Mitchell it formed the US medium bomber forces in WWII. These flew mainly daylight raids, called Ramrods, against such targets as railroad stations, coastal gun batteries, important factories, and bridges. There were 4863 built. 

Technical Details
The B26G was powered by two Pratt & Whitney Double Wasp, 18 cylinder, air cooled, radial engines rated at 2,000 hp each (these also powered the P47 Thunderbolt and F4U Corsair fighters). Maximum speed at 5,000 feet with a maximum load was 283 mph with a cruising speed of 190 mph. It had an operational ceiling of 19,800 ft, a range of 1,100 miles and a maximum bomb load of 4,000 lbs. It packed a mighty defensive armament of 11 M2 50 caliber machine guns located in the dorsal turret, tail, belly and nose. All of this armament required a crew of seven: two pilots, bomb aimer/nose gunner, navigator, top gunner, tail gunner and belly gunner. 
Source : Canadian Aces Home Page. Image From: Jeremy Harkin's Military Aircraft Archive

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Le démarrage de la Postale, après 39-45, a été fait par les hommes d'Air Bleu. Développée au sein d'Air France, le transport du courrier, associé au transport de messageries et de fret de jour, devenait rentable. On trouve dans les trois années racontées par P. Graugnard ce que sera la Postale jusqu'à la fin. Du côté Air France, le secteur "cargo", opposé au secteur "passagers", n'est pas digne d'une grande compagnie aérienne dont certains cadres dédaignent la Postale. Parmi tous les directeurs qui se sont succédés à la direction de la Postale, on trouve ces deux types personnages, les uns qui ont cru au courrier et qui ont collaboré avec les gens des PTT avec franchise, les autres parachutés là par hasard, souvent en fin de carrière, qui ont totalement oublié le rôle de conseiller technique dans le transport aérien du courrier auprès des PTT. Malheureusement, a existé une troisième catégorie de cadres, peu nombreuse, qui s'en désintéressait complètement. Si on ajoute les attitudes souvent négatives des syndicats, l'indécision des hommes politiques, l'absence d'aura de certains cadres PN, une mention spéciale doit être donnée à tous ceux qui ont su la conserver car au bout il y avait le droit d'aller voir qui est définitivement perdu.       

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