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Quatre rubriques :
***  Être pionnier à l'AÉROPOSTALE 
    
***  LA LIGNE, 1918-1931
  
***  Après LA LIGNE
     
***   Un des anonymes, Jean COURET

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Être pionnier à l'AÉROPOSTALE

Les archives de l'Amicale des Pionniers des Lignes Aériennes Latécoère et Aéropostale établies  (par Jean Dabry, Gaston Vedel, Jean Macaigne), du vivant de Didier DAURAT, son fondateur et Premier Président, indiquent à peu de choses près, les noms et état de service des Pionniers reconnus comme tels, toutes fonctions confondues.

Car à " La Ligne " quel que soit l'emploi occupé, navigants ou non, mariés ou non, tous étaient en permanence susceptibles, d'une heure à l'autre de s'envoler, tenant le manche ou passager service, pour l'accomplissement de tâches du ressort de leur spécialité, de s'envoler à bord des avions courriers, des avions de dépannage, de remplacement ou d'essai.

De s'envoler pour des heures, assis sur des sacs de courrier postal, sur des caisses d'outillage et de pièces de rechange, sans parachute, sans ceinture de fixation, serrant à pleines à mains les structures internes de l'étroit habitacle, à l'air libre, pour éviter d'être " vidés " dans les turbulences nombreuses et, parfois, d'une rare violence.

Emportés à 150 ou 170 kilomètres à l'heure au ras des arbres, des vagues ou des sommets neigeux, pouvant méditer à loisir sur la chance qu'ils avaient de voler gratuitement.

Combien sont partis ainsi, au pied levé, qui ne sont jamais revenus, liés par le sort au destin de leur pilote lié, lui-même, à la fiabilité douteuse de moteurs encore dans l'enfance.

Pour réaliser pleinement ce, qu'ensemble, ont accompli tous ces hommes navigants professionnels ou non, il n'y a rien de tel que se replonger au cours d'une nuit d'insomnie, dans les archives nominales de l'Amicale des Pionniers.

Pour celui qui sait, pour celui qui a vécu " la Ligne ", derrière les noms reviennent les visages, gais ou graves, racontant une blague ou donnant un conseil... Attention, arrivé là, ne t'engages pas dans cette vallée, etc... Attention... arrivé là, en dépit d'un beau soleil, etc... Attention ici... Attention là... Apprends à connaître la mer, les vagues parlent; il faut les déchiffrer... Étudie la carte kilomètre par kilomètre, repère bien et garde dans la tête les points noirs où on a perdu des copains et s'il fait mauvais, tache de passer ailleurs...

Oui, les visages reviennent, s'animent comme autrefois. Alors surgissent les brumes épaisses; les tempêtes démentes, les turbulences énormes imprimant à ces gros hannetons qu'étaient les avions de l'époque de fantastiques embardées. Comme celle qui arracha à son siège et à ses commandes qu'il serrait très fort, le jeune pilote Pierre Jaladieu pour le broyer sur les rochers 500 mètres plus bas pendant que son avion, désemparé, ayant un passager service à bord, allait s'écraser plus loin, plein moteur, après de stupéfiantes cabrioles.

Aujourd'hui, de ces camarades si vivants, soudainement si gais ou si graves, restent quelques feuilles et avec elles les décorations, les distinctions officielles françaises et étrangères apportant, en foule impressionnante, la preuve du courage, de la détermination, de l'esprit de sacrifice qui est la marque des héros authentiques.

L'héroïsme, au fond, qu'est-ce que c'est ?     

Pour ceux de l'Aéropostale la réponse est simple.

" C'est faire ce que l'on a décidé de faire, de le faire bien, c'est-à-dire, jusqu'au bout... dans le mépris de l'argent " A l'Aéropostale, il fallait sentir ça tout de suite... ou s'en aller. 

Pour ceux qui sont restés, qui ont accepté la dure loi, qui se sont coulés dans le moule, morts ou survivants, ils ont eu, et ont conscience de ne pas avoir raté leur vie...

Quel que fut notre travail en l'air ou au sol car du patron au dernier balayeur de hangar, l'Aéropostale a été, avant tout, une affaire d'équipe, une grande équipe, soudée de bas en haut, dont nous sommes fiers.

Ainsi pensaient et le voulaient les morts. Ainsi nous sommes.

Car nous avons conscience d'avoir accompli, tous ensemble, quelque chose de grand, d'avoir vécu, tous ensemble, une exceptionnelle aventure humaine, CELLE DE L'AÉROPOSTALE  

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LA LIGNE, 1918-1931

... C'est un fil de la trame que, patiemment, l'énergie française a tissée sur le globe; c'est ce travail obscur et passionné qui a profondément altéré la notion d'espace et vidé de leur substance quelques-uns des termes de notre vocabulaire : la France est devenue un quartier de Paris, l'Europe un faubourg, la terre la banlieue.
Pour les équipages, chacun des fils de cette trame est une somme des difficultés à surmonter, de pièges à éventer, de fatigues à refouler, de virtuosités à déployer...
La Ligne, c'est l'avion, l'équipage, le ciel, les mécanos, le terrain. C'est la lutte dans l'espace. Air France a enterré  la Ligne pour en faire le réseau. La Ligne a été l'ère héroïque de l'aviation commerciale, le réseau en est l'exploitation industrielle qui ne demande à ses équipages qu'une valeur professionnelle de plus en plus poussée. La Ligne leur demandait un dévouement absolu dans tous les domaines: le mécanicien envoyé en escale, le pilote affecté à une ligne naissante, le radio expédié en avant-garde, devaient déployer une activité débordante aux manifestations les plus imprévues, les plus saugrenues...
On a vu des pilotes voler, réparer, intriguer, propager et  imposer leur ligne. On a vu des mécanos s'improviser diplomates, séduire des autorités récalcitrantes, se métamorphoser en explorateur pour tailler dans la jungle une infrastructure sommaire. On a vu des radios planter leur antenne sur des îles maudites. On a vu les uns et les autres user de leur charme personnel dans les cercles mondains pour améliorer la Ligne. On les a vu commettre pour la Ligne des gestes qu'ils n'auraient pas faits pour eux-mêmes. Ils eurent toutes les audaces, toutes les patiences, toutes les ruses : ils eurent l'esprit de la Ligne...
Il y avait de tout :
la passion du vol, le culte de l'avion, le goût prononcé du risque, la joie de réaliser des oeuvres difficiles et de satisfaire un sens de l'efficacité, fierté nationale, isolement au milieu de peuplades lointaines, émulation à la concurrence étrangère, rien à voir avec les notions abstraites de Devoir, d'Abnégation ou de Sacrifice. Ce n'étaient pas des apôtres : ils étaient passionnés et ils avaient besoin de la Ligne pour assouvir leur passion... Barcelone 1925,  " ce serait me faire une réclame imméritée vis-à-vis de tous mes camarades qui font chaque jour ce que je fais personnellement, et je ne m'en reconnais pas le droit. De plus notre rôle à nous, pilotes de ligne, est d'être et de rester obscurs. Nous accomplissons simplement un métier. Nous ne battons pas de record, nous ne sommes pas les héros de raid de grande envergure ; chaque jour, nous acheminons le courrier vers un point donné, à des heures données. Les difficultés que nous rencontrons parfois, nul ne les connaît, ne cherche à les connaître, du moment que le courrier arrive à destination... je ne suis qu'un des nombreux pilotes que la Compagnie Latécoère emploie pour transporter du courrier de France à destination. Oubliez-moi personnellement sur votre article pour ne songer qu'à la communauté..." écrivait un pilote de ligne qui s'appelait Jean Mermoz. Il pensait aux anonymes de la Ligne. Tout comme la Légion Etangère, la Ligne ignore le passé de ses hommes et ne leur tient compte que du présent.
Ce fut une guerre insoupçonnée qui a eu ses batailles quotidiennes, ses jours sombres, ses heures d'espoir, ses défaites , ses victoires. Sur la carte de l'Aéropostale, où chaque baie, chaque cap, chaque île porte le nom d'un, disparu, l'un de ces anonymes qui ont payé de leur vie la sécurité des routes de l'air. Hormis la carte qui jaunit dans la poussière des archives, qui connaît encore leurs noms ? Qui se rappelle les noms de ces morts et de ceux qui ont survécu. Seul subsiste le caractère éternel de la Ligne: l'anonymat. Toutes les conquêtes ont mangé de l'homme, mais celle de la Ligne avec sa croissance brutale, avait toujours faim, une faim d'ogre. Leurs noms ? Ils sont trop, ils sont oubliés, ça n'intéresse pas le public. Et d'un corps, d'un nom, d'un homme, il ne reste qu'un apport anonyme à la sécurité actuelle que renforcent à leur tour pour leurs héritiers ceux qui vivent un peu plus longtemps par le sacrifice de leurs aînés.      
C'est une époque révolue. L'ère de la conquête est close, l'administration est arrivée avec son intendance et sa comptabilité et a institué le réseau qui a interdit l'initiative personnelle.

Après LA LIGNE

Mais on retrouve la foi des fidèles de la Ligne dans leur entreprise d'après la Ligne. Parmi eux, Didier Daurat et son apôtre Vanier ont su conserver l'esprit d'initiative à la création d'Air Bleu et de la Postale de Nuit. Ils obtinrent du législateur " le droit d'aller voir ", la règle qui a été la ligne de conduite de ses équipages. Pendant 55 ans, ce droit fut toujours combattu par l'administration aidée plus tard par ses complices, la direction et le syndicalisme... réglementer, réglementer, toujours réglementer jusqu'à discuter pendant des heures de la composition du casse-croûte, remis toujours en cause par l'un des trois protagonistes... le chantage permanent, la couverture, la condamnation de toute initiative individuelle. En 1973, en 707, j'étais avec un Captain, ancien chef de la formation des équipages de la Postale. A Montevideo, nous n'avions pas les minima météo pour se poser, cause brouillard. Le représentant Air France, un ancien qui avait connu La Ligne et qui connaissait la composition de l'équipage, nous fait part sur la fréquence compagnie de son désarroi. Nous avons fait une approche postale avec une hauteur de décision très basse, puis nous avons remis les gaz, règlement oblige. J'entends encore notre représentant à la radio : "merci, merci les petits gars, vous avez montré aux passagers devant embarquer, qu'il fait mauvais, car on vous très bien entendus et on ne vous a pas vus".   
Et voila dans la nuit du 14 au 15 janvier 2000 les fossoyeurs ont gagné : vous n'aurez plus le droit d'aller voir. Quand l'épaisseur officielle de la neige sera de 8cm, dépassant les 7cm réglementaires vous ne décollerez pas, le courrier restera au sol. Quand vous survolerez un terrain et que vous voyez la rampe, une partie de la piste, si la tour vous passe des conditions météo inférieures à certaines valeurs, vous irez vous poser ailleurs, tant pis pour le courrier etc. La France a effacé d'un coup de crayon, 82 ans d'histoire dans l'anonymat le plus complet même dans le milieu aéronautique. L'initiative personnelle sera désormais condamnée !  

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Un des anonymes, Jean COURET

voir aussi  L'Aéropostale au Venezuela et sur la côte pacifique de l'Amérique du Sud 

Au début de l'année 1929, un avocat de Dijon, M.Colin, décidait d'effecteur en Amérique du Sud une tournée de propagande commerciale française en utilisant l'avion comme moyen de déplacement. M. Colin s'adjoignit le concours d'un pilote récemment libéré de l'armée, Jean Couret et obtint des subsides de plusieurs firmes françaises. (Très exactement: Comme suite à une initiative personnelle, Pierre Colin-Jeannel, avocat à Dijon, et J. Charles Gruère furent patronnés par les ministères de l'Air, du Commerce, et des Affaires Etrangères ainsi que par l'office national du commerce extérieure pour une mission de propagande en Amérique du Sud en faveur du commerce et de l'industrie. A cette occasion, la Société Géographique de Paris leur confia une mission annexe d'études dont la responsabilité incombait à Gruère. Les deux hommes arrivèrent aux Antilles par mer au début de 1929. Ils rejoignirent Maracay (Venezuela) l'ex-pilote militaire Jean Couret qui avait convoyé par bateau le monomoteur de transport Potez 29-2 n° 1497 mis à leur disposition. Cet avion allait voler sous l'immatriculation X-SEBC).
La mission séjourna à Caracas, capitale du Venezuela, pendant quatre mois. Tandis que M. Colin étudiait sur place les possibilités commerciales les plus diverses, le pilote Jean Couret se chargeait de la partie aéronautique. Il s'attaquait à la question du contrat des lignes postale vénézuéliennes qui était pendante depuis longtemps.
Mécanicien de sept heures à dix heures, pilote de dix à quinze, diplomate dans la soirée et danseur mondain la nuit, telle était la vie de Couret... Il avait à lutter contre une mission allemande et américaine venues à Caracas dans le même but: enlever les contrats postaux du Venezuela.
Les missions étrangères étaient dotées de crédits fastueux; nos compatriotes disposaient de leurs économies personnelles et d'un maigre crédit global alloué pour toute la tournée en Amérique du Sud. Il fallait compter chichement au peso, au milreis, à la peseta près, dans des pays où les classes dirigeantes sont particulièrement somptueuses et dont les rouages administratifs demandent un graissage abondant.
L'affaire des contrats se présentait mal. Un jour, le président du conseil, le général Gomez, fit quérir Couret d'extrême urgence. Il lui annonça que les rebelles du moment s'étaient emparés, à Curaçao, d'un navire et, ayant entraîné l'équipage  à faire route sur le Venezuela, allaient débarquer d'un moment à l'autre, au nombre de cinq cents munis d'un armement redoutable, et marcher sur Caracas.
L'aviation militaire vénézuélienne n'était pas en état de prendre l'air pour les attaquer. Le général Gomez proposait à Couret de se substituer à l'aviation militaire pour effecteur une mission officiellement photographique. En retour -en paiement- le président du conseil apposait sur-le-champ sa signature au bas du contrat de l'Aéropostale, en souffrance depuis des mois.
Couret télégraphia immédiatement à Paris une demande d'autorisation de s'engager dans l'aviation vénézuélienne, en motivant cette demande. Par miracle elle fut accorder le lendemain.

Le contrat fut signé de bon matin, et Couret se rendît en hâte au terrain pour équiper son Potez 29 en vue de sa nouvelle destination. Il allait décoller lorsque arrivèrent les nouvelles annonçant que les forces rebelles avaient été détruites par les forces loyales: la mission devenait inutile, mais le contrat était obtenu, sans ressources, sans appui, par le miracle de l'esprit de la ligne. Le réseau vénézuelien de l'Aéropostale allait immédiatement être exploité avec les pilotes Vachet, Chenu, Lemoine, les mécaniciens Massol, Gauthier.
Fin avril, la mission quittait le Venezuela, visitait successivement Bogota, Palmira, Algarobal, Ovalle, Santagio, Temuca, Bahia-Blanca, Buenos-Ayres, Asuncion; toutes les républiques sud-américaines, Pérou, Equateur, Bolivie, Chili, Argentine, Paraguay furent survolées. Partout, et surtout, dans plusieurs villes qui n'avaient encore reçu aucun avion français, Couret réussit à activer ou à mettre en train la question des contrats de l'Aéropostale.
Sans météo, sans cartes, sans renseignements précis, sans radio, sans infrastructure, Couret et son Potez 29 à moteur Lorraine effectuèrent en 92 heures de vol un parcours de 14.000 kilomètres de la mer des Antilles au cap Horn, par-dessus les déserts salés, les pampas, les marais, les cimes de 6.000 mètres, la forêt vierge, la mer, les volcans, à travers des climats torrides et saturés de vapeur, avec des températures sautant de -10° à  +50°, des pluies torrentielles et des cieux embrasés.
Toutes les difficultés mécaniques et atmosphériques qu'un aviateur peut avoir à surmonter, Couret les a vaincues dans des régions hostiles, inconnues, maléfiques, pour pouvoir effectuer dans les capitales, pour la cause du prestige français, 30 heures de vol, soir 4.500 kilomètres, et donner à 430 passagers d'importance le baptême de l'air sur nos ailes.
A la fin de cette croisière féconde, l'Aéropostale acquérait à Buenos-Ayres le Potez et engageait le pilote. Comme paiement de sa croisière, dont les résultats heureux se sont longtemps fait sentir, Couret avait été "nourri et couché" pendant quatre mois et... trouvait une place de pilote de ligne.
C'est tout.
Encore un anonyme, saturé de l'esprit de la ligne. Même parmi ses camarades, personne ne sait qu'il a donné à l'Aéropostale le contrat du Venezuela. Il m'a fallu, pour l'apprendre, un concours de circonstances fortuites et, pour avoir des précisions beaucoup de patience... Mais lancé, Couret revivait pour lui-même les aventures de cette croisière des contrats.
«Il y a encore en France des hommes qui croient en ce qu'ils font et qui aiment mieux agir que gémir, se plaindre, et discuter. Et c'est pourquoi il ne faut pas douter du sort de notre pays qui, lui aussi, franchira tôt ou tard ses étapes dans l'ordre, l'honneur et la dignité...
» a écrit un jour Mermoz.


Les plus de Jean couret
- 29 mai 1926 - L'ingénieur en chef Louis Hirschauer et l'adjudant-chef Couret, pilote, arrivent à La Sénia en provenance de Guercif (Maroc) au cours d'un voyage autour de la Méditerranée en Morane-Saulnier 122 (moteur Salmson 120 chevaux). Partis de Paris le 20 mai, ils se poseront ensuite à Maison-Blanche le 30 mai et à Sétif le 8 juin. Ce voyage, de plus de 90 heures de vol, apporte la preuve de la fiabilité de l'avion de tourisme. 
- 1944, Jean Couret s'appelait le "Colonel Bertin" comme chef d'Etat-Major de la Résistance à Toulouse
- 1945-1947  Le colonel Jean COURET passe 2 années à Madagascar en qualité de Directeur Air France. Interwiev de Edmond Blanc







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Immatriculation X-.... l'avion de Jean Couret était le Potez 29-2 No 1497, X-SEBC devenu F-AIVX

Sources: Amicale des Pionniers des Lignes Aériennes LATECOERE-AEROPOSTALE de Jean Dabry, Gaston Vedel, Jean Macaigne.
                Au péril de l'espace de Pierre Viré

             

Dernière mise à jour/ latest updating  29 janv. 2009