André CORNUE, le 6-sept-99

        

  LIBRES PROPOS d'André CORNUE

Il est des malédictions qui s'abattent sur l'Histoire avec un tel acharnement, que cela finirait par vous rendre superstitieux. Ainsi pour l'aéronautique française le manque de performance des moteurs est un leitmotiv qui est né en même temps que l'avion. En effet, il est probable que si Clément ADER avait disposé d'un moteur avec un rapport poids/puissance plus favorable, l'EOLE aurait fait beaucoup mieux que des sauts de puce jamais homologués !

Nous allons essayer d'illustrer ce propos et de réfléchir sur ce qui pourrait nous permettre d'exorciser l'avenir de notre aéronautique.

Sans essayer ici de dresser un historique, nous nous contenterons de citer quelques résultats.

Y a-t-il eu un avion de ligne, de transport, de liaisons, ou d'affaires, équipé d'un moteur français, qui ait connu un quelconque succès ? A notre connaissance non, et pourtant il y a eu de belles réussites du coté des cellules : CARAVELLE, AIRBUS, MERCURE, FALCON, voire CONCORDE pour lesquelles d'ailleurs, la qualité des moteurs a pris une part prépondérante.

Coté aviation de combat, si la situation des moteurs ne laisse aucun souvenir dramatique pour la période de la première guerre mondiale, il n'en est pas de même pour la seconde. Pendant la CAMPAGNE de FRANCE (39-40), les avions en ligne avaient des moteurs dont la puissance ne dépassait pas 900CV (nous avions pourtant des prototypes de 1400 chevaux voire 1500 chevaux, les GR 14 R et P 18, nous avions même vendu à la suisse la licence du H S 12 Z de 1150 chevaux) alors que celle de l'aviation ennemie dépassait les 1000CV allant même jusqu'à 1250CV.

Pouvons nous imaginer ce qu'aurait été la réputation d'un DEWOITINE 520 (par ailleurs disponible à temps) équipé d'un moteur MERLIN ? Si cette période est néanmoins une page glorieuse de notre histoire c'est parce que "les pilotes avaient pour la plupart une motivation, un enthousiasme et un moral exceptionnels, palliant le manque de performances de leurs machines" (Colonel BOILLOT as de guerre 12 victoires).

Dans la période folle de l'Histoire de l'aéronautique qui a suivi la fin de la seconde guerre, et qui a duré une vingtaine d'années, la priorité n'a pas été donnée au développement de moteurs nouveaux, ils existaient sur le marché, et il n'y avait qu'à se servir. Il serait peut-être plus juste de dire : il n'y avait qu'à les améliorer. C'est ce qui a été fait avec le moteur JUMO 004 pour démarrer la famille des ATAR dont on peut regretter quelle ne soit pas d'origine française. C'est en effet dans les ATeliers Aéronautiques de Rickenbach que l'ingénieur Hermann OESTRICH, de la firme allemande BMW, assisté d'une équipe de quelques 160 personnes, dont 120 allemands, démarra cette longue aventure. En 1960, monsieur OESTRICH qui avait obtenu la nationalité française, était Directeur Technique de la SNECMA : Société Nationale d'Etude et de Construction de Moteur d'Aviation.

Cette grande diagonale sur ce qui est, déjà, de la vieille histoire étant faite, que pouvons nous dire aujourd'hui ?

En ce qui concerne les moteurs "civils" l'aventure du CFM56 est une formidable réussite et un hommage appuyé aurait du être rendu depuis longtemps à ses instigateurs. L'image de notre motoriste "national" y a beaucoup gagné sur le plan mondial. Toutefois, il s'agit d'une opération en coopération et c'est GENERAL ELECTRIC qui a développé la partie noble : le compresseur haute pression (HP).

En matière de moteur militaire nous avons lancé en 1967 le M53.Nous ne pouvons guère dire que ce fut une idée heureuse car les objectifs de ce moteur ont été définis en période de transition et en conséquence l'expérience acquise ne présente plus beaucoup d'intérêts aujourd'hui.

Il faut en effet se souvenir qu'en 1967 la "mode" était à l'interception supersonique haute altitude (MIG 25 et SR 71) d'où le slogan du programme M53 "Mach 2.5+ capable de Mach 3". C'est donc un moteur faiblement comprimé dont le cycle thermodynamique n'est plus adapté au domaine des avions de combat actuels. Par ailleurs la taille à été imposée : "dans l'encombrement de l'ATAR" (voir l'habillage du moteur) et il s'agissait d'un programme de bimoteur. Comme un malheur n'arrive jamais seul, l'état de l'art de l'époque en matière de régulation a conduit à une architecture hybride qui cumule les difficultés de l'électronique et celles de l'hydromécanique. Ces dernières et l'avionnage sur un monomoteur expliquent la présence de la " verrue" qu'est le secours carburant. Aux résultats il n'y a pas de quoi pavoiser ! Dommage, car comme déjà dit plus haut : quelle serait la réputation (et le marché) du MIRAGE 2000 avec un double corps, double flux "moderne" ?

L'exception qui confirme la règle, c'est celle des petits moteurs. En effet les productions de TURBOMECA présentent historiquement un aspect un peu moins négatif. La famille des moteurs baptisés du nom des sommets Pyrénéens, dont les MARBORE, GABISO, ont connu un certain succès. Les programmes en coopération ADOUR (franco-anglais) et LARZAC (Snecma-Turboméca) ont eut un développement honnête. Cette compétence est aujourd'hui réservée au profit exclusif des turbines d'hélicoptères.

Actuellement, nous sommes embarqués, depuis 1986, dans l'aventure M88 et qu'en est-il ? Sans prendre trop de risques on peut déjà dire que nous sommes partis avec un peu de retard. La concurrence (F 404, RB 199) était déjà "opérationnelle" lorsque cette aventure a démarré. Comme expliqué ci dessus, l'expérience SNECMA était quasi nulle sur la partie difficile du projet, c'est à dire le compresseur HP ceci explique peut-être les moyens modestes du programme. Tout à été rogné : le nombre de prototypes, le nombre d'heures d'essais, le nombre de moteurs de vol, le temps, l'argent etc... Aussi un peu plus de 12 ans après, le résultat n'est pas merveilleux et d'énormes difficultés sont encore devant nous. Nous ne possédons pas encore le compresseur HP du contrat, la fabrication série ne respecte pas les tolérances requises, le calculateur de régulation déborde, et pour couronner le tout une idée ne fait plus guère de doute : la poussée est insuffisante.

C'est ça la malédiction que l'on évoquait au début !

Pourquoi donc, ne sommes nous pas meilleurs ?

Les réponses que nous pouvons avancer n'ont rien de bien rationnelles, c'est plutôt un constat de situations, qui justifie le titre donné à ces quelques réflexions, qui aurait pu être aussi : "Vol au secours de la victoire".

. D'abord nous nous refusons à croire que nous ne sommes pas capables de réaliser un programme de moteur moderne. Nous avons les ingénieurs au niveau de connaissances nécessaires cela ne fait aucun doute. Nous avons même eu des inventeurs ! Le premier essai au monde d'un avion à réaction a eu lieu le 14 Décembre 1910 sur le terrain d'Issy les Moulineaux : il s'agissait d'un avion équipé d'un "motoréacteur" le tout conçu et réalisé par un ingénieur français H.COANDA. En 1937 SAMSON de LAVAUD dépose un brevet de turboréacteur qu'il fait tourner au banc l'année même où F. WHITTLE en GRANDE BRETAGNE et von OHAIN en ALLEMAGNE font leurs premiers essais. En 1939 RATEAU/ANXIONNAZ prennent le premier brevet de Turboréacteur Double Flux. Après la seconde guerre mondiale, cette capacité à inventer sera toujours présente. L'ATAR sera le premier moteur avec une chambre de combustion annulaire, l'OREDON fonctionne avec l'injection centrifuge du carburant, nous ferons voler des avions avec pulsoréacteurs (ESCOPETTE), des statoréacteurs (LEDUC), des combinés réacteur-stato (GRIFFON), des fans à calage variable  (ASTAFAN). Nous travaillerons sur le décollage vertical allant jusqu'au délirant COLEOPTERE, mais nous mettrons aussi au point la post-combustion pilotable sur les deux flux (TF 306). Bref, juste quelques exemples pour montrer que nos ingénieurs, même si leur nom n'est pas resté dans l'Histoire, ont toujours été "dans le coup" !

En fait, des idées, je pense que nous n'en avons jamais manqué, mais c'est au stade suivant que les choses se gâtent !

Pour se lancer dans le développement d'une machine "infernale", comme l'est un réacteur moderne, il faut des moyens. Pour réunir ces moyens il faut convaincre du monde, beaucoup de monde, et c'est là que nous ne sommes pas très bons !

S'agissant en particulier d'un programme militaire, cela n'est pas une sinécure. Il y a les futurs utilisateurs, les militaires, dont l'expression du besoin n'est pas toujours très claire. Il y a les Constructeurs qui font "la danse du ventre" pour obtenir la plus grosse part du budget. Il y a les Services Officiels chargés de s'assurer du réalisme des promesses techniques des Industriels et de leurs adéquations aux ressources. Après d'intenses négociations chacun ayant au moins sauvé les meubles on démarre ! Aux résultats cela est rarement formidable, parce qu'on a perdu du temps, le projet a été bouleversé et tout le monde à un peu triché (pour le M 88, SNECMA vendra un bon de vol avec 350 heures d'essais alors que l'expérience montrait que cela était totalement utopique : il en faudra plus de... 1000!).Cela peut conduire à des impasses par exemple le programme ACT : gros bimoteur à géométrie variable, puis à géométrie fixe, abandonné quelques mois avant son premier vol ! A l'opposé un avion peut percer pour d'autres considérations : le MIRAGE F1qui n'a pas fait l'objet d'une fiche programme a néanmoins été commandé par l'ARMEE DE L'AIR.

Ce qui peut nous consoler, c'est qu'il se passe la même chose dans les programmes en coopération. Par exemple le projet de l'avion ECAT (Ecole de Combat et Appui Tactique) n'a jamais cessé de prendre du poids pendant sa phase de définition pour devenir un JAGUAR. De 5 tonnes à 5MF et 500 nautiques de rayon d'action au départ (programme dit des "trois cinq"), l'ECAT est passé à.... 11 tonnes, 50MF et 450 nautiques de rayon d'action, mais il est aussi devenu supersonique en palier !

De la même façon l'ALPHAJET, avion école, s'est transformé en avion d'appui tactique pour la LUFTWAFFE. Mais si on change, relativement facilement, les formes de la voilure ou du fuselage cela est beaucoup plus difficile pour le cycle et la taille du moteur. C'est en tout cas impossible dans les mêmes délais. C'est comme cela que le M 53 moteur d'avion bimoteur M 2.5+, est le moteur des avions de pointe de l'ARMEE DE L'AIR le Mirage 2000 -5 (M 1.6 opérationnel) et le MIRAGE 2000 D (M 1.4 maximum).

Dans la phase de lancement d'un programme nouveau, au stade des négociations, certaines contraintes extérieures peuvent en plus venir compromettre la cohérence du projet. Ce fut, en particulier, le cas du programme RAFALE et du moteur M 88.

Pour les "politiques" il apparaissait difficile d'éviter une coopération européenne, mais cela signifiait : laisser la maîtrise d'oeuvre du moteur à "l'ennemi british", ce qui à terme, condamnait notre motoriste national à la sous-traitance. L'industrie moteur étant une industrie stratégique, il fallait donner à SNECMA l'occasion de développer un moteur moderne, pour lui garantir une dimension qui n'était pas encore acquise.

Pour SNECMA, alors fortement endettée, il fallait à cette occasion obtenir le maximum de son "sponsor". C'est pourquoi lorsque l'on évoquait un moteur de 9 tonnes (au niveau de la concurrence EJ 200, F 414), le montant de la facture dépassait les ressources.

Pour l'avionneur, il était important d'assurer le plan de charge de son bureau d'étude en se montrant très "compréhensif", c'est à dire en présentant un programme d'avion adapté quel que soit le moteur retenu et en s'assurant une bonne part du "gâteau" (ce qui ne l'encourageait pas à défendre un gros moteur, car l'enveloppe budgétaire étant fixe, plus on "arroserait" la SNECMA, moins il resterait à récupérer).

Pour l'ARMEE DE L'AIR l'essentiel était d'obtenir un bimoteur (mono ou biplace peu importait) et l'aventure de l'ACT, encore bien présente dans les esprits, n'encourageait pas le choix d'un moteur de petit monomoteur.

Quant à l'AERONAUTIQUE NAVALE, comme elle ne voulait pas de cet avion il ne restait que la solution de la convaincre de faire un effort, au profit de notre industrie de défense.

Un peu plus de 12 ans après, le M 88-2 qui n'est pas encore dans une forme brillante, est toujours à 7,5 tonnes (avec post combustion, au sol et non installé). Tout le monde le regrette. La même situation, mais avec 9.5 tonnes serait certainement plus confortable pour l'avenir, d'autant que l'on n'est pas convaincu que cela aurait coûté beaucoup plus cher (accessoirement, les problèmes de "jeux", aubage carter, qui sont prépondérants, auraient été moins critiques sur un plus gros moteur).

Ainsi il semble, déjà au niveau de la définition du besoin, que nous ne sommes pas très bien inspirés, voire un peu trop versatiles, nous mélangeons les genres et nous manquons de cohérence sinon de rigueur.

Vient ensuite la phase de réalisation et là cela se passe, régulièrement, plutôt mal.

Le développement du programme est confié au constructeur, la SNECMA en l'occurrence, sous la surveillance technique et financière des Services Officiels (S O). Le "client", ou futur utilisateur, est tenu régulièrement au courant de l'état d'avancement du programme, voire sollicité pour avis sur les évolutions. L'avionneur, architecte industriel, s'assure que les performances et les contraintes liées à l'avionnage restent conformes aux spécifications. Mais naturellement le motoriste rencontre des difficultés. Il réclame alors les moyens pour les résoudre et comme ceux ci ne sont en général pas prévus, on entame de nouvelles négociations, il faut expliquer, justifier, proposer et choisir, avant de pouvoir repartir.

Le temps passe, de nouvelles idées surgissent, on change des choses, cela coûte de l'argent, alors on rediscute ! Ainsi le processus s'auto-entretient et on est pratiquement en permanence à la recherche d"un ...budget .

Si l'on ajoute qu'en matière de moyens techniques le motoriste n'est pas complètement autonome (par exemple les bancs d'essais d'altitude) on imagine que l'affaire se complique encore plus. Il y a même quelques péripéties qui relèvent du plus haut "folklore" comme celle des essais dits "Bon de Vol" (dans le cas du M88-2 ces derniers ont été exécutés, à partir d'une belle et grande démonstration mathématique, sur des moteurs de développement non représentatifs de la série. On voulait gagner du temps et de l'argent!).

Coté moyens humains on pourrait s'attendre, vu le niveau du "challenge", à une certaine stabilité des équipes chez l'industriel, ainsi qu'à une grande expérience pour les responsables des services officiels.

Malheureusement ce n'est pas le cas.

A la SNECMA si l'on veut faire une carrière, il faut être mobile, ce qui n'est pas compatible de stabilité.

Dans les rangs des services officiels ce sont les ingénieurs de l'armement dont l'ascension rapide vers les postes de hautes responsabilités ne permet pas de prendre le temps d'acquérir de l'expérience.

Ainsi sur M88-2, en 10 ans, se sont succédés : 4 ingénieurs en chef de l'armement, 3 ingénieurs de marques, 4 ingénieurs responsables de l'avionnage. Il y a eu aussi 5 PDG à la SNECMA, mais sont-ils coupables?

Amère vision des choses qui m'a pourtant hanté pendant près de 40 années passées dans l'aéronautique.

On peut, en effet, considérer que le bilan n'est pas aussi noir que l'on voudrait le faire croire ici. L'ATAR, le LARZAC et le M 53 P2 ne sont-ils pas finalement de bons moteurs ? Sauf en ce qui concerne le niveau de poussée, avec un peu de recul, on peut répondre que oui !

C'est certainement vrai pour le premier, mais nous en avons fait un cas à part dés le début.

Pour le LARZAC, il faut savoir que la version en service, 04 C 20, a été développée à la demande de la LUFTWAFFE qui l'a d'ailleurs financée. Potentiellement, dans cette gamme de poussée, cette formule aurait pu avoir un développement vers l'aviation d'affaires. Il y avait une demande à l'époque. Un projet de FALCON 10 propulsé par deux LARZAC a existé mais la performance était... insuffisante. C'est le même constat qui est fait aujourd'hui par les Russes sur le prototype d'avion école MIG AT.

Le cas du M53 illustre encore mieux le propos. Ce moteur, conçu il y a maintenant plus de 30 ans,simple, robuste, ne peut plus être amélioré, et la formule mono-corps n'est pas extrapolable. Le faible taux de compression entraîne une consommation spécifique inadaptée à l'ensemble des missions de l'aviation de combat actuelle (une étude de MIRAGE 2000 remotorisé avec un double-corps double-flux du commerce, montre un accroissement de 40% du rayon d'action, c'est à dire pour un 2000 D la possibilité de remplacer les réservoirs largables par de l'armement). Le mode de régulation est obsolète, tellement même que l'on est en droit de se demander comment assurer les clients actuels que l'on saura encore les dépanner dans une vingtaine d'années.

Le cas du M 88 se présente malheureusement comme celui de ses prédécesseurs. Déjà jugé un peu juste pour le RAFALE, il a été proposé pour le projet d'avion d'affaires supersonique et la performance s'est avérée... insuffisante !

Cela confirme que nous savons faire, mais nous visons toujours un peu juste.

Comment donc vaincre le signe indien ?

L'Histoire mondiale de l'aéronautique montre que dans ce domaine, plus qu'ailleurs, il faut être visionnaire c'est à dire définir, sans se tromper, le BESOIN qui apparaîtra dix ans plus tard. C'est un don ! Mais c'est la qualité essentiellement reconnue chez tous ceux qui ont fait l'Histoire de l'aéronautique. En plus il faut savoir convaincre pour obtenir les MOYENS nécessaires et pour cette machine "infernale" il en faut beaucoup. Les pionniers du début du siècle, qui utilisaient leurs propres ressources se sont systématiquement ruinés. Un réacteur c'est une somme de technologies très pointues : aérodynamique, thermique, métallurgie, mécanique etc... qui réclament des calculateurs très puissants, des bancs d'essais peu ordinaires et, ne l'oublions pas, des personnels au "top" des sciences avancées (aux Etats Unis la société ALLIED SIGNAL a réuni, dans un "bocal" isolé, plus de 300 personnes pour développer son nouveau moteur l'AS 900). Puis il faut UNE personne, pugnace, pour réaliser cette vision.

Nous retrouvons finalement une illustration du vieil adage, qui est la règle des batailles : un chef, une mission, des moyens ! Si aujourd'hui on fait plutôt un constat d'échec c'est que l'on n'a pas respecté cette règle.

Quel scénario pourrait on suggérer, (pardon, ne rêvons pas, il faut dire imaginer) aujourd'hui ?

Eh bien imaginons qu'un/une ministre se dise qu'il n'est pas encore trop tard pour "sauver" l'image de marque de notre industrie moteur (juste avant de lancer sa privatisation) et qu'il est temps d'exploiter les acquis de l'aventure M 88-2.

Il décide donc de commander à SNECMA et TURBOMECA réunis (ça tomberait bien, car en ce moment le gouvernement a un penchant particulier pour les sociétés nationales) un moteur double-corps, double-flux de la classe des 12 tonnes avec post combustion (soit, et surtout, un peu plus de 8 tonnes en sec) avec une durée de vie de 1000 heures pour les aubes de turbine du moteur "mature". Pour s'assurer qu'il n'y aura aucun "parasite" dans la conduite du programme il décide que celui-ci sera totalement indépendant, de tout autre programme d'avion civil ou militaire, de navette ou quoi que ce soit. Il débloque un budget du bord généreux (il parait que nous sommes riches en ce moment...), il donne des délais (fin 2003 pour le premier moteur au banc, début 2005 pour le début de l'industrialisation), donne la priorité à ce programme, il choisit un patron, il classe le projet secret (pour se protéger des nuisances des média) et c'est parti !

L'Histoire du MIRAGE IV montre que, quand nous le voulons, nous pouvons réussir un tel projet.

Supposons que ce moteur existe sur étagère, que pourrions nous en faire ?

*Tout d'abord nous envisagerions une remotorisation du MIRAGE 2000. Il s'agit en effet d'une cellule qui le mérite, la taille est idéale, et le marché est ouvert pour encore quelques années. Peut-être faudrait-il de grosses retouches, comme celle des manches à air, mais cela ne devrait pas être insurmontable. Avec un tel niveau de performances nous pourrions : 
-nous abstenir de dépenser des fortunes pour optimiser le fonctionnement de la post-combustion à 50.000 fts, 150 kts ! 
-jouer avec le régime et la durée de vie selon les versions, 
-explorer le domaine de la poussée vectorielle.

*Pourquoi pas, reprendre le dossier du bizjet supersonique.

*Exceptionnellement pour la rénovation du RAFALE à mi-vie nous pourrions pratiquer un exercice rarement réalisé, à savoir redessiner une cellule autour de moteurs existants.

*Enfin nous pouvons penser que le générateur de gaz de cette machine serait utilisable pour des développements de gros moteurs à fort taux de dilution, voire de gros turbo-prop, bien que....

*Et puis, ce qui n'est pas sans importance, nous serions un peu plus à l'aise pour défendre notre part dans la construction européenne.

Beau programme non?

Je ne sais pas si nous en avons les moyens, mais il faut savoir ce que nous voulons (après tout quand on digère une "gaufre" comme celle du CREDIT LYONNAIS on ne manque pas de ressources).

André CORNUE, le 6-sept-99 
____________________________________________________________________________________

* 14 octobre 1999 
Date historique / Fusion DASA AEROSPATIALE : mais que vont faire les motoristes? 
Comme nous venons de l'évoquer ci-dessus il n'y a pas de moteur franco allemand, pour les avions que cette belle association a l'intention de fabriquer : le CFM 56 est à 50% américain et l'EJ 200 est anglo-allemand. 
Voila donc une belle occasion de réunir les moyens, pour que cette belle entreprise soit réellement indépendante. 

* 28 Septembre 2000 
Depuis que j'ai rédigé ce petit PQ, j'ai pu lire et entendre les choses suivantes : 
-Le Général DE GAULLE aurait dit en 1964 "Le fond du problème, en ce qui concerne notre industrie aéronautique, c'est qu'ils ne sont pas foutus de faire des moteurs. S'ils étaient foutus d'en faire, comme nous faisons des cellules qui sont les premières du monde, on y mettrait des moteurs et nous serions concurrentiels..." (Valeurs actuelles du 28 Juillet 2000.Tome II du C'était de Gaulle, Fayard.). 
-André TURCAT, premier pilote d'éssais de l'avion CONCORDE, parlant de la nécessité d'étudier un successeur à ce fabuleux avion et répondant à la question du prix, a utiliser le trou du CREDIT LYONNAIS comme unité de compte.

* André CORNUE est Ingénieur mécanicien de l'armée de l'air (Promotion 58 de l' ECOLE DE L'AIR). Aprés une carriere comme adjoint technique dans les Escadres de Chasse, il effectue un séjour au TCHAD, puis se retrouve au Centre d'Expérimentation Aérienne Militaire (C E A M) de MONT de MARSAN . Il obtient le brevet d'ingénieur navigant d' essais de l'ECOLE du PERSONNEL NAVIGANT ESSAIS et RECEPTION en 71. Il totalise un peu plus de 1600 heures de vol dont 600 en essais. Il est ensuite officier de marque de l'ALPHAJET jusqu'en 75. Il quitte l'Armée de l' Air et rejoint les essais en vol de la SNECMA pour les essais du réacteur M 53 (-2, -5 et enfin P2). En 88 il rejoint, les Essais en vol de DASSAULT AVIATION, comme ingénieur d'essais spécialiste moteur des avions d'affaires et militaires. Il a donc connu toutes les facettes de la vie d'un programme et a participé à de nombreuses réunions techniques, coté client et coté constructeur.Il est aujourd'hui à la retraite .
                                                                                               
Sommet de la page

                                   

                      

                 

             

Dernière mise à jour/ latest updating  30 janv. 2009