Deux Blériotins sur T28 Paul Vericel 17 février 2003 Je ne pense pas que beaucoup de " chasseurs " de la 58, hormis ceux qui furent affectés sur Skyraider, soient allés faire un tour d'opérations en Algérie, après avoir rejoint leur première affectation opérationnelle. Cependant Yves Joseph et moi même avons eu ce que je pourrais qualifier de chance. Nous avons été tous les deux affectés à la 12 ème escadre à Cambrai, à la fin de notre formation. C'était en décembre 1961. A cette époque chaque escadre, parfois deux, parrainait une unité en opérations en Algérie et en assurait la mise en place et la rotation des effectifs. Les séjours étaient de un an. La plupart des pilotes en était à son deuxième, voire troisième tour. C'est dire que cette ponction, qui revenait en permanence, était lourde et de plus en plus mal supportée. L'intérêt de l'arrivée de deux fringants piégeards n'avait pas échappé aux Chefs. Seulement il fallait être opérationnel, à l'époque on disait équipier confirmé, ce qui représentait une centaine d'heures de vol à faire sur l'avion d'armes. Faire rapidement 100 heures à Cambrai quand on arrive début décembre, sur un avion dont le système de navigation reposait sur un radiocompas et un Aga, relève de la gageure. Mais, dit l'adage, quand il y a une volonté il y a un chemin. |
C'est ainsi que le 18 mai 62, nantis d'une pseudo campagne de tir de quatre jours à Cazaux et, en ce qui me concerne, doté de 78 heures de vol sur Super Mystère B2, nous avons été déclarés opérationnels et bons pour servir en opérations en Algérie.
Je passe sur les détails du voyage qui, par avion stop, nous amena sur place en six jours. Notre arrivée surprit les anciens, qui n'espéraient plus de relève, mais qui furent ravis de recevoir deux jeunes piégeards, au point d'être tentés par un " chease galons ". Mais l'arrivée à la 12 nous avait décillés et ce genre de plaisanterie fit long feu.
Le commandant en second de l'escadron, en fait commandant en l'absence du patron, était un certain capitaine Pessidous dit " le Pes ", qui tout en nous menant durement, au sol comme en vol, avait le souci de notre formation de pilote et d'officier, je tiens à lui en donner acte. Je me souviens tout particulièrement d'un vol. J'étais un peu stressé de voler avec lui. Dés le contact radio initial au parking, je ramassai une première volée de bois vert. Il faut dire que l'équipement radio du T28 n'était pas à la hauteur de la " bête ". Ayant réussi à surmonter les infâmes crachotements de l'installation, nous partîmes enfin. Très rapidement, à force de voir défiler sous les ailes oueds et djebels tous pareils je me retrouvai complètement largué. Evidemment au bout d'une quinzaine de minutes, le Pes me demanda comment s'appelait la baraque au fond du ravin à droite. Un coup d'œil sur la carte amplifia la détresse qui montait en moi. Je m'apprêtai donc à une seconde volée, quant ô surprise, j'entendis une voix dans l'interphone qui me soufflait c'est la mechta al machin-chouette. J'avais complètement oublié que j'emmenais avec moi un observateur. C'était des garçons qui faisaient leur service militaire, souvent EOR, et qui avaient reçu une formation succincte de navigation et d'observation. A force de rouler dans le secteur ils le connaissaient comme leur poche. Sauvé ! Le grognement du Pes signifia qu'il n'était pas dupe. Nous volâmes ainsi pendant une heure et nous étions arrivés sur la frontière marocaine. Là le Pes, qui avait envie d'aller voir de l'autre coté, soi disant pour surveiller les camps fellagas, mais ne voulait pas s'encombrer d'un équipier aussi inexpérimenté, me dit "attendez moi ici". Facile ! Malgré la présence de l'observateur, la vue de toutes ces montagnes inhospitalières, la crainte de ne pas retrouver mon leader et surtout celle de ne pas retrouver le terrain me rendit cet ordre insupportable. Après avoir dûment obtempéré, je me hâtai de me coller dans la queue du Pes et de le suivre, en radada dans les collines. Evidemment il s'en aperçut au bout de quelques minutes et je reçus une nouvelle avoinée, qui ne me fit aucun effet : j'étais bien trop heureux de m'accrocher à son aile. Le débriefing au retour fut un peu saignant, mais sans excès et tout compte fait pas pire que la façon dont nous étions habituellement traités.
Au retour de cette permission commença une période d'entraînement un peu décousu. En fait, nous ne savions pas ce que nous allions devenir. Nous le découvrîmes avec surprise en septembre. Nous étions affectés à 4 pilotes avec 4 T28 à Cambrai pour former les cadres d'active d'une ERALA, escadrille de réserve d'aviation légère et d'appui. A cette époque, où l'armée de l'air avait encore quelques moyens, il existait ce type d'unité qui comportait un officier d'active, le commandant de fait, le reste de l'unité pilotes et mécaniciens étant constitué de personnel de réserve. Les vols étaient faits sur des appareils genre SIPA à bout de souffle. Les pilotes étaient très qualifiés, chefs de patrouille pour la plupart, mais peu entraînés. L'arrivée d'un appareil moderne et puissant nécessitait donc de les transformer et de donner à ces unités un aspect un peu plus guerrier car, il faut bien le dire, elles ressemblaient d'abord à un aéroclub. Nous étions au départ 4 pilotes, Savignac (57) et Kamowski (AR58), tous les deux Chefs de section de l'aviation légère (équivalence sous chef de patrouille), Joseph et moi. Tous les quatre ne rêvant que de retourner rapidement à la 12. Nous étions sous les ordres d'un vieux capitaine qui avait du faire la guerre 39/45, et ne fréquentait plus les cabines des avions que de façon très épisodique. L'escadrille était basée à Lille Lesquin, aérodrome ou avait lieu les activités opérationnelles le samedi et le dimanche. Le reste de la semaine nous étions à Cambrai, de repos le mardi et le mercredi, le reste, j'ose à peine l'écrire, faisant ce que nous voulions avec nos quatre avions et notre petite équipe de mécanos.
Evidemment la médaille avait quelques revers : encadrement d'un CIM, mais c'était bien le meilleur moment pour le faire, accrochages avec notre Capitaine à Lille qui trouvait que nous consommions trop de potentiel (c'était vrai !) et plus souvent à Cambrai, où nous avions quelques attaches, qu'à Lille (c'était vrai aussi). Tout à une fin. L'un comme l'autre sans vrai regret, nous avons quitté en avril 63 notre petit paradis de liberté aéronautique de, pour aller rejoindre nos escadrons respectifs, les remontées de bretelles et le plaisir d'apprendre à maîtriser un vrai avion d'armes sous la férule d'anciens sévères et rigoureux mais ô combien compétents. Avec une expérience très riche de pilote et d'officier qui nous a été fort utile. |
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Dernière mise à jour/ latest updating: 30 janv. 2009