modifiée le 6/11/00

des QUESTIONS      

Pourquoi êtes-vous resté si longtemps à la Postale?    
Que représente pour vous le DC4?
    
Revenons à votre carrière militaire, pourquoi pilote ?
    
Expliquez-moi " l'Approche Postale " 
   

Et les nuits ?

Pourquoi êtes-vous resté si longtemps à la Postale?
C'est très simple, quand on s'entend bien avec une femme on la garde. J'ai fait deux ans comme copilote, nous étions 9 à la fin de notre stage de formation a AF, composé d'anciens pilotes militaires qui connaissions tous l'aviation, tous volontaires pour la postale où il n'avait que 3 places. Devant l'étonnement de l'encadrement de la division d'instruction AF  de l'époque nous avons répondu : "on aime l'aviation".
Quels souvenirs gardez-vous de cette période?
Des milliers.

   

Pouvez-vous préciser ?  
J'ai retrouvé l'esprit d'escadrille, avec les corvées en moins. Le travail était purement aéronautique. Nous nous retrouvions le soir à la même heure pour décoller. J'avais été lâché sur F27, rien que déjà ça était pour moi une découverte, je venais d'une escadrille de la chasse équipée de SMB2 où l'entraînement au vol de nuit consistait à faire 5 minutes par mois en crépusculaire. Puis j'ai fait du DC4. C'était du strong, du solide.        Haut de page             

Que représente pour vous le DC4?
    
Je n'avais fait que du réacteur, lâcher sur Fouga, la chasse, et à AF du Mystère 20. J'avais bien fait un peu d'hélice mais en amateur. Aussi quelle a été ma surprise quand à mon premier vol de qualification sur DC4, le mécano s'est mis à crier: "mes températures culasses". Je suis resté dans mon coin et au sol j'ai regardé d'un peu plus près le TU (manuel d'utilisation). C'était un avion très stable et en approche brouillard c'était un régal. Quand c'était leur étape, les copi se mettaient à gauche. Ils avaient le P.A - pilote automatique qui en fait bloquait les gouvernes. Il fallait donc toujours lui donner des ordes -, la roulette de nez, comme tout pilote. Il y avait 4 mécanos qui ne volaient que là-dessus, Lerède, le père Sylvain, petite bière, Decamp, je ne me souviens pas du dernier. Petite bière vient de décéder avec une photo de la Postale à ses cotés. Lerède mettait en route en même temps les 4 moteurs du DC4 et il n'avait jamais manqué de démarrage. Ce n'était pas la peine de leur demander de prendre la météo, d'abord ils s'en foutaient et ensuite ils n'auraient peut-être pas su lire un métar. Decamp nous lisait la sonde quand il jugeait que nous étions trop bas sur la route Ajaccio Bastia par le sud. Souvent à Orly pour saluer les contrôleurs, au pied de la tour nous donnions un coup de gaz pour soulever le nez comme un cheval qui se cabre. Une chose qui m'amusait était quand il y avait des orages, on tirait les rideaux et on attendait, c'était le radar de l'époque. Il y avait des jeunes pilotes sans trop d'expérience  aéronautique qui volaient pour la première fois dans des orages et qui découvraient l'influence des ondes sur un avion pas très rapide et où le badin brusquement diminuait ou augmentait  

 

J'entends toujours le Père Boulay (à droite sur la photo) me disant:
- "petit" ( j'avais 33 ans et fier de mes dix ans d'aviation mais novice à la Postale). 



Je vais te raconter une histoire. L'autre fois en DC4, j'étais avec un jeune copi qui faisait son étape dans les orages. Il me demande:
      << Qu'est ce que je fais? >>
      << Regarde tes godasses >>
On prend la foudre et alors je me suis écrié:
      << c'est ta faute je t'avais dit de regarder tes godasses >> 
Je précise qu'en DC4, quand on était dans les CB, on tirait les rideaux et on attendait.  Toujours avec le Père Boulay,  c'était mon étape sur Toulouse-Pau en F27. Il y avait des éclairs de partout. J'étais à gauche et j'avais donc seul accès au radar météo. A Toulouse je décolle face au nord, je commence le virage à gauche sur Pau tout en mettant le nez dans le radar placé sur la console gauche. Je m'entends dire: "Petit, éteins ça, ça attire la foudre". J'ai éteint et pris le cap sur Pau.  Ca me fait penser qu'une fois j'étais resté sur la fonction contour* du coté de Clermont-Ferrand. La grêle a commencé à marteler la carlingue. Je dis au reste de l'équipage, " ne vous inquiétez pas, je n'ai rien au radar " Le radar était noir, on était en plein dans le noyau. 
Photo départ à la retraite de Boulay.  

*La fonction contour est utilisée pour détecter les noyaux des CB. Les noyaux sont les taches noires qu'il faut évidemment éviter                                                 Haut de page  

Revenons à votre carrière militaire, pourquoi pilote ?                                                    J'ai grandi à l'ombre d'un platane à Entraigues-sur-Sorgues dans le Vaucluse, village qui se trouvait dans l'axe de la piste d'Orange, pas très loin du point initial. Donc quand ça volait, le bruit des P-63 King Cobra, des Mistral, des Vampires, des Mystère II sonorisait ma lecture des livres d'aviation que je dévorais, dont le Grand Cirque (The big Show) de Pierre Clostermann avec qui j'ai eu la chance de prendre le baptême de l'air, étant en tournée dans la région pour présenter son broussard . Ayant  la chance de pouvoir faire des études, jamais il ne m'est venu à l'idée de faire autre chose que l'aviation de chasse. J'ai donc débarqué devant l'Ecole de L'Air en septembre 1958. Là, on m'a dit il faut courir au pas de gymnastique autour de la place principale, et non pas la traverser, pour faire pilote, je l'ai fait sans trop ronchonner, je ne voyais pas trop bien le rapport. Le fonctionnement du Mac50 ne m'a pas trop intéressé non plus mais que faire. En juillet 1962, je me présentais devant la Base Aérienne d'Orange. Bouillon-Peron m'accueillit, Martin-Fallot me lâcha en B2 deux jours après mon arrivée, il suffisait de savoir comment mettre en route, connaître les vitesses et le tour était joué. Ca m'allait bien, je suis du coté des pilotes qui n'ont pas besoin  de la polaire pour faire voler un avion.                   Haut de page  

Expliquez-moi " l'Approche Postale "  

Il n'est pas toujours facile pour un pilote qui ne l'a jamais pratiquée de comprendre. Cela mérite une page spéciale. Allons-y.  

Et les nuits ?                   
Il n'y a que des avantages pour un pilote de voler la nuit: moins de monde, des routes raccourcies, des procédures abrégées pour gagner du temps mais aussi pour éviter le survol des agglomérations à cause du bruit. Que ce soit à Marseille en 32, Strasbourg en 23, à Lyon etc., les finales étaient écourtées, il suffisait d'être stabilisé à 300 pieds.  Tous ces réflexes nous étaient naturels, ce n'était pas écrit dans les livres. Dans les années 70-71, quand j'étais copi, nous étions pratiquement les seuls en l'air. Les contrôleurs aériens nous connaissaient bien et les échanges étaient chaleureux. Après le dernier atterrissage, quelquefois nous montions à la tour pour partager notre casse-croûte. Parmi nous, il y avait même un pilote dont le dialogue avec le contrôle ne pouvait pas être plus clair: avec sa corne de brume, un coup signifiait la montée, deux coups le palier et trois coups la descente. Il faisait de même avec les gens du sol pour la mise en route du DC4, le numéro du moteur correspondait au nombre de coups de la corne. Pour le roulage, un coup c'était pour rouler, etc. rien que de la logique.
Emmeniez-vous des passagers ?  

Oui. Il était normal que le personnel de la Poste puisse utiliser la Postale pour convenances personnelles. En 1970, la réglementation n'ayant pas encore fait beaucoup de ravages, il suffisait de le faire savoir à l'équipage qui avait la possibilité aussi d'emmener qui il voulait . Cette facilité nous permettait d'avoir de bonnes relations avec les personnes qui tournent autour d'un aéroport, gendarmes, contrôleurs aériens, pompiers, employés de la poste etc.  Malheureusement seul le terrain de Genève, étranger à la France ne nous autorisait pas d'appliquer nos minima. Il fallait éviter de prendre quelqu'un si nous n'étions pas sûrs de pouvoir le ramener le lendemain à cause du brouillard. Afin que ce ne soit pas la foire, de temps en temps les chefs faisaient des contrôles mais certains tournaient la tête de l'autre coté en passant devant l'avion. Les législateurs s'en sont mêlés et cette procédure a disparu, il fallait un billet pour voler à bord des avions de la Postale.                                                          Haut de page  

à bientôt pour la suite.

  accueil

basé à Orange 1947/1951

             

Dernière mise à jour/ latest updating  30 janv. 2009