Préambule
L'Approche
Postale dans le manuel de lignes d'Air France, c'était
deux pages avec des répétitions pour faire plus long,
manuel qui doit bien faire plus de trois cent
pages. Un pilote expérimenté, qui venait d'un
autre secteur AF, avait du mal psychologiquement à
l'assimiler. En effet, prendre comme terrain de
dégagement un terrain bouché n'est pas évident pour
tout le monde. Il a fallu la foi et la
démonstration de la chose de nos anciens pour que le
législateur nous donne le " droit d'aller voir " dans tous les cas. Les mêmes anciens ont
prouvé que tous les instruments de mesure, si
perfectionnés soient-ils, et que la réglementation, si
bien pensée soit-elle, ne valent pas l'appréciation de
l'homme. Vous pouvez comprendre que sur un terrain ou
rien ne fonctionne et où un brouillard lapin* donne
des visi de 30 mètres ou moins, à condition de se
préparer à ce qu'on va trouver dans la phase
d'atterrissage, donc d'y avoir penser, rien n'empêche
de se poser. Il ne s'agissait pas de partir à
l'aventure.
*le
brouillard lapin est le brouillard de rayonnement dû
au refroidissement du sol. Dans ce cas l'atmosphère
est calme contrairement aux autres types de
brouillards où il faut un brassage d'air et où il y
toujours un léger vent (environ 5 kts) et dont il
faudra tenir compte pour corriger la dérive au moment
du contact.
Definition.
L'AP (approche postale), c'est une présentation suivie
d'une remise de gaz. Donc en premier lieu l'équipage se
prépare à une phase d'atterrissage manqué suivi d'une
remise de gaz. Le stress dû à une approche manquée
n'existe pas et il est recommandé de ne pas faire plus
de 3 présentations. L'AP commence à 200 pieds et
se termine au parking. La phase précédant la hauteur de
200 pieds doit être une phase " tranquille " pendant
laquelle le copilote prend bien l'avion en main, le
mécano prépare bien l'avion et le CDB, en retrait,
surveille le déroulement de l'approche, imagine la piste
devant lui, se remémore ce qu'il devra voir et surtout
crée dans le poste l'ambiance nécessaire pour empêcher
toute situation de stress qui s'installerait et nuirait
à la qualité de l'AP. Pour les non initiés, je
rappelle que le stress est subi par l'individu malgré
lui, par exemple le fait d'oublier ses clés ou
d'éteindre les phares de sa voiture marque le début d'un
stress. Ca peut-être le cas d'un copilote qui
loupe son interception de l'axe ou qui ne tient pas bien
sa vitesse. C'est aussi le cas du Cdb qui va se poser
pour la première fois dans le brouillard. Pendant cette
phase, avant 200 pieds, il est recommandé aux trois
membres de l'équipage de devancer mentalement la phase
suivante et surtout au Cdb de parler calmement pour ne
pas que s'instaure un silence qui pourrait être pesant.
Une fois l'avion posé, il faut l'amener au parking dans
le brouillard. La tension ne doit pas se relâcher. Il
est inutile qu'on vienne vous chercher, la voiture se
perdra. L'AP est terminée au parking. Cela concerne plus
les terrains mal équipés que les autres (pas d'ILS, ILS
sans glide...), mais ça peut s'appliquer aussi sur les
terrains CAT2 ou CAT3 quand il y a des pannes.
Réalisation pratique.
L'AP se fait à trois. Le copilote pilote et surveille
les autres. Le mécano s'occupe de sa machine et
surveille les autres. Le Cdb va poser l'avion et
surveille les autres. Il ne s'agit pas de jouer au flic
mais chacun doit connaître la disponibilité mentale de
l'équipage. Chacun sait qu'il peut ordonner une remise
de gaz qui sera faite sans la moindre hésitation. Quand
le Cdb juge possible l'atterrissage, au plus tard à 50
pieds, il annonce " piste en vue " et il prend les
commandes le plus tard possible pour poser l'avion. S'il
ne fait pas cette annonce le copi annonce et fait une
remise de gaz et si le mécano n'entend pas cette annonce
il ordonne la remise de gaz. " Piste en vue " signifie
pour le Cdb qu'il a identifié l'entrée de piste, la
rangée de verte ou les deux vertes (fonction des
terrains). Quand tout fonctionne le Cdb se donne des
butées, 150 pieds le halo de la rampe d'approche, 100
pieds la vue ponctuelle de celle-ci, 50 pieds l'entrée
de piste. Ainsi l'équipage est prêt pour parer à toute
situation imprévue, panne d'éclairage de la piste par
exemple. Sur les terrains Cat II ou Cat III cela n'a pas
lieu d'être, quand on arrive à 50 pieds, (Las Vegas avec
ses lumières) il aura suffit d'avoir identifié la rampe
d'approche ou la TDZ ou la ligne centrale.
Quand le Cdb prend les commandes pour poser l'avion,
des règles simples sont à appliquer. Il n'y aura jamais
de rattrapage d'axe, donc le copi garde le nez dedans et
annonce automatiquement tout inclinaison supérieure à 5°
en disant " Ailerons" qui signifiera pour le Cdb une
remise de gaz immédiate. L'autre raison de cette annonce
est qu'il est impossible à un pilote de connaître
l'attitude de son avion dans le brouillard s'il a comme
seule référence une portion de balisage de la piste. La
même image vous donnera trois positions différentes:
inclinaison de 20° et au centre de la piste, une
inclinaison de 5°droite et à 6 mètres du bord de piste
gauche, une inclinaison de 5° gauche et à 6 mètres du
bord droit de la piste (sur une piste de 45m de large).
Une fois au sol, le Cdb freine jusqu'à l'arrêt complet
de l'avion. C'est à cet instant que le copi peut
regarder dehors pour aider le Cdb à rouler vers le
parking. Les autres annonces classiques, en dehors des
fourchettes, (assiette et badin) sont faites par le copi
comme d'habitude. Au décollage il suffit de voir 3
lumières pour garder un axe, y compris celle par le
travers puisque vous avez une inclinaison
nulle.
On peut faire aussi des atterrissages sans ILS dans le
brouillard, quand le sommet de la couche (300 pieds, par
exemple) permet de voir le halo. Il suffit de se
présenter avant d'entrer dans la couche sur une
trajectoire stabilisée, bien calibrée (hauteur début de
descente, hauteur au MM), de continuer sur cette
trajectoire dans la couche jusqu'à l'identification de
l'entrée de piste. Même chose pour les ILS sans glide.
Dans la préparation de la descente on intègre le vent et
si l'estimation du vent est fausse, ne permettant pas le
passage à l'entrée de piste à la bonne hauteur (50
pieds), on remet les gaz et dans la deuxième descente on
aura corrigé du vent trouvé à la première descente. Dans
certains cas, plusieurs moyens de contrôles pour la
descente étant disponibles, on corrigera le vent au
cours de la descente elle-même.
Moyens techniques nécessaires.
Rien, puisque vous avez le droit d'aller voir. Un bon
jugement (pour ne pas dire un jugement de paysan) est
suffisant. Si vous êtes sur un moteur et si vous avez à
choisir entre un terrain complètement bouché et un autre
moins bouché vous allez sur celui-ci. La règle
élémentaire de la sécurité étant de toujours prévoir le
pire, il ne faut jamais être pris au dépourvu. Si vous
décollez pour Brest et que toute la Bretagne est dans le
brouillard vous devez être capable de vous y poser avec
tout en panne. C'est cette chose qui n'est pas facile à
saisir pour les derniers arrivés à la Poste et aussi
pour les contrôleurs aériens: se trouver dans une région
où tout est bouché," aéronautiquement " parlant. Ceci
permet d'offrir toujours la charge maxi puisqu'on prend
comme terrain de dégagement le terrain le plus prés et
non pas un terrain accessible, comme la réglementation
générale l'exige. L'entraînement a ici son importance,
AP sur un moteur, sans volets, directeur de vol HS, etc.
dans le brouillard. C'est là une discipline particulière
à la postale. Chaque individu est responsable de l'état
de son entraînement. Les documents officiels, les
contrôles ne sont pas suffisants, c'est bon pour les
fonctionnaires dans leur bureau. S'il le faut, le
brouillard n'étant pas toujours au rendez-vous,
l'équipage fait éteindre la piste jusqu'au
contact. Les équipages eux-mêmes suivent et font
leur entraînement.
Cette méthode est indépendante du type d'avion. En
1970, pour remplacer le DC4, des essais ont été faits
sur plusieurs avions dont la Caravelle. J'étais dans le
poste quand cela s'est fait à Orly avec du brouillard.
L'essai avait été concluant. Cette méthode aurait très
bien pu s'appliquer au B737 dont le poste est plus bas
que celui de la caravelle.
Henri
EISENBEIS.
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