La Postale représentait un clan soudé par les dangers des vols dans les  Cunimbs et les atterrissages zéro zéro, mais aussi par l'amitié, la solidarité et un esprit de gais lurons incontestable. Le voile se lève lentement. Les histoires foisonnent :   RETOUR  récits  
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Le Maharaja
Le Negresco
Position inusuelle de la Julie
La France profonde
Un année noire 
Le pantalon de Monsieur BRUN
   de nos amis les contrôleurs aériens

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Le Maharaja

Notre représentant à Pau, qui est la crème des hommes, le plus aimable, le plus serviable et aussi le plus crédule, est souvent la cible idéale de nos facéties. Un de nos amis, steward de son état, avait obtenu un passage de Paris à Pau.
Il revenait d'extrême Orient et se rendait à un bal masqué avec un rutilant habit de maharaja. Le coup fut monté par Oury, qui est un spécialiste. Télégramme à Pau : 
- " Maharaja de Badilimpour sur avion destination Pau. Prévoir accueil spécial, tapis rouge porte, boissons chaudes, voiture bien chauffée, fleurs dans chambre hôtel. " 
Notre ami, déguisé en maharaja débarqua à Pont Long. Le tapis (une carpette dénichée on ne sait où) est au pied des escaliers du DC3. La voiture ronronne, les projecteurs éclairent la scène et une brassée de personnalités, car, notre agent avait fait part de cette arrivée au Commandant d'aéroport, à la météo, aux pompiers, enfin, tous ceux qu'il avait pu joindre à cette heure tardive de la nuit.
Le Maharaja descend dignement, précédé de Oury. Le chef d'escale se penche vers ce dernier:  " Comment dois-je l'appeler, Majesté? Altesse? Sire ?... " Vas y de Majesté, de toute manière ça lui fera plaisir ! 
Bienvenue à Pau Majesté, si vous voulez bien me suivre, je vais vous présenter le commandant d'Aérodrome. Présentations rapides, le Maharaja avant de monter dans la voiture se tourne vers notre agent d'escale avec un accent Russe (pourquoi Russe?) :
- Bien chauffée la voiture automobile ? 
- Oui, Majesté.
On roule, tout le monde se retient d'éclater de rire.
- Je peux vous poser question?
- Certainement Majesté.
- Vous pouvoir trouver petit garçon?
Trouble du Chef d'escale, Il est protestant, puritain et prude, il ne sait plus quelle contenance prendre. Il faut lui porter secours.
- Ne vous inquiétez de rien, Majesté, nous nous occuperons de tout en temps voulu.
Arrivés à l'hôtel la vérité se dévoila et le jour se leva devant une bonne bouteille de champagne et beaucoup de fou-rires.                                                                                        Début de page

Le Negresco

Mais la Postale c'était aussi l'anxiété des QDM lorsque la météo annonçait "Visibilité zéro, Plafond zéro". La litanie que vous crie le radio dans les oreilles, le cap, le calcul du temps d'éloignement, le travers gonio, le chrono, l'altitude, le vent, "top, virage", inclinaison, altitude, QDM,  l'axe, la descente, la cadence, la pression d'huile, la vitesse, QDM, QDM, QDM, le halo des plots au sodium, les derniers plots et le noir absolu, la sonde : ".... trois mètres, deux mètres cinquante, un mètre", réduire,  arrondir, garder le cap, garder le cap et attendre l'impact, garder le cap,  réduire, freiner, freiner cet engin qui court dans le noir, pchit..pchit.. sur les manettes de frein, il bringuebale et cahote sur les mottes et les  taupinières jusqu'au bout du terrain. Arrêtés quelque part sur le terrain, la chemise trempée qui colle au corps,  les visages sont brillants de sueur et les traits tirés de fatigue. Il est  quatre heures du matin, nous sommes harassés par cette nuit de mauvais temps, de veille et de ZZ mais heureux et un peu fiers de l'avoir vécue de cette  manière.
Le lit sera bon ! Nous allons dormir avec le jour et repartirons vivre avec  la nuit.

Dans le grand hall du Negresco, à Nice, il est cinq heures du matin, le concierge ne  cesse de bougonner et rouspéter contre l'équipage qui se détend d'une nuit  dans les cunimbs, il faut dire que le bruit est proportionnel à la fatigue et  que l'on doit nous entendre de loin. Il faut dire aussi, qu'il n'a pas  beaucoup de sympathie pour les hiboux.
Le sol du hall était recouvert d'un magnifique tapis Persan circulaire.  Ceci entraînant cela, un beau matin, le concierge se montrant franchement  désobligeant et l'équipage particulièrement fatigué, quelqu'un (on ne saura jamais qui !) eut l'heureuse idée de rouler le concierge grincheux dans le  tapis Persan.
Un peu plus tard, un client noctambule traversant le hall en zig zag entendit  des voix "Quelle cuite, mes aïeux, voilà que j'entends des voix ! " il se  tourna, se retourna, se demanda ce que ce tapis roulé pouvait faire là et pour mieux considérer le problème, s'assit sur le tapis. Le voilà qui saute et  se sauve "Ce n'est pas un tapis c'est un boa ! un boa ! un boa !"il ameute  l'hôtel ! Les gens du service, les clients accourent découvrent  "La chose" et finalement délivrent l'infortuné concierge.
Ainsi prit fin notre hébergement au Negresco et nous amena à l'hôtel Adriatic d'où nous avons été éjectés quelques mois plus tard après avoir récolté  toutes les chaussures en attente de coups de brosse devant les portes des chambres et les avoir mis en tas, pèle mêle dans le hall , ce que l'on  appelle "une salade de godasses". Drôles de drilles ! Il y avait un  contraste époustouflant entre ces garçons au travail dans les rudes nuits d'hiver comme d'été et leur attitude au repos. Peut-être faut-il attribuer cela à un besoin de détente qui se traduisait par des plaisanteries infantiles.
Ou peut-être étions nous simplement au terme de notre jeunesse?            Début de page 

Position inusuelle de la Julie

Car enfin! nous ne badinions pas quand notre JU absorbé par un cumulo-nimbus se propulsait à cinq cent mètres minute à la verticale, vario bloqué, commandes molles, l'avion totalement hors de contrôle, les instruments de bord dans des positions défiant toutes les règles du vol sustenté, la tôle frappée de grêlons gros comme des oeufs de poule, le pare-brise fendu et prêt à éclater, cette ascension qui n'en finit plus, mille huit cent mètres, sur le dos, sur la tranche. Et puis tout d'un coup l'avion reste suspendu, vibre comme s'il allait se rompre et part en vrille, une vrille mortelle, incontrôlable, c'est fini, nous allons nous écraser....Nous sortons des nuages en piqué, des lumières au-dessous de nous, je tâte les commandes, elles sont encore molles mais recommencent à mordre l'air, elles revivent, elles se durcissent, je peux de nouveau reprendre le contrôle de l'avion, l'allumage, la ressource lente et nous passons au ras des lumières, on distingue parfaitement les rues éclairées, les toits mouillés, les arbres penchés par la tempête. Peu à peu nous reprenons de l'altitude, Marignane n'est plus loin ...... il fait beau, nous sommes un peu hébétés, mais quelque chose se gonfle dans nos coeurs et nous voudrions dire merci ; moi, je sais à qui!                   Début de page 

La France profonde

Tous les gens autour de nous ont un point commun, tous ont passé la nuit au travail. Tous viennent prendre un petit quelque chose avant d'aller se reposer. " Le Merle Blanc " à cette heure abrite une faune de gens hétéroclites, des routiers, des croupiers du casino, les agents du commissariat, des clochards, les grossistes des halles, les marins du port, les fêtards attardés, les filles de joies et les équipages de la Postale. Nous étions tous harassés après un nuit de travail. A l'Oignon il fallait montrer patte blanche, n'entrer pas n'importe qui autre que la faune citée plus haut. On oubliait souvent l'heure car la lumière du jour ne pouvait pas entrer, il n'y avait pas de fenêtres, et nos discussions s'éternisaient.    
Tout à l'heure, j'étais aux pissotières, lorsqu'un conducteur de tramways m'a tapé sur l'épaule en me disant : "Ho! collègue, ça va?"Là nous tombions la veste pour être à l'aise et conformes au laisser aller ambiant. Nous récupérons d'un rien, juste un petit plat de tripes niçoises et un petit rosé avant d'aller dormir. A Clermont, nous  aidions souvent le personnel à nettoyer la salle de nos réjouissances et allions ensemble manger la potée auvergnate au marché avec les derniers clients de passage comme l'équipe de basket des Globes Trotteurs ou l'équipe féminine de Russie. C'était la coutume dans chaque escale nous avions nos petites habitudes.
A Pau c'était " Chez Pierre " où nous déjeunions vers les deux heures de l'après-midi. Pierre était un bon ami de la Postale, grand marcheur, grand joueur de Pala et de Chistera.
A Toulouse les cassoulets de la mère Hurtrel étaient notre régal...
On peut dire que la spécialité de la Postale en escale était la bonne bouffe..... On le paiera plus tard, mais sur le moment, c'était fort agréable.
Tout, hélas n'était pas que bombance et réjouissance, il y eut aussi les jours de malheur.  Début de page 

Une année noire

L'année 1946 fut plus particulièrement remarquable. Sept membres d'équipage morts en service commandé.
* Dimanche le 13 janvier, Perrin est à Pau avec Le Coroller et Morin. Il fait une nuit splendide et la lune brille avec éclat. Venant de Pau il fait escale à Toulouse, comme prévu et décolle vers Bordeaux. Des nappes de brouillard se forment en direction de l'aérodrome, une couche blanche, uniforme et peu épaisse s'étend jusqu'à l'horizon. Perrin est bien aligné en approche. 
Au survol du village du Bouscat, alors que l'avion se trouve en descente et à 8 kilomètres du terrain, son plan heurte soudain le clocher de l'église. Les trois hommes de l'équipage sont tués sur le coup. 
* La même nuit, Brun, Prudon et Durantel descendent aussi vers Bordeaux. Soudain une violente explosion ébranle le Ju-52, et une longue flamme s'étire sur le pare-brise, devant Brun. 
- Aux parachutes! crie Prudon, en se précipitant vers l'arrière. 
Brun coupe le moteur central, coupable a priori, ferme l'alimentation d'huile et l'admission d'essence, puis manoeuvre l'extincteur. Le feu cesse. Mais en l'absence de frein, l'hélice continue à tourner et le déséquilibre intérieur du moteur provoque d'importantes vibrations qu'il est impossible d'arrêter.
Prudon et Durantel reviennent vers l'avant, le torse ceint d'un parachute.  
- Mais il en manque un, dit Durantel. 
- Dans ces conditions, ajoute-t-il, aussitôt, mon vieux Brun on ne te quitte pas. Personne ne sautera!
Brun sourit, ses mains caressent le volant du manche, que les vibrations animent d'un tremblement convulsif.
- Mais moi, dit Brun doucement, je n'ai nullement envie de sauter. J'aurais bien trop peur! ...
De Toulouse on lui annonce : " Ici brouillard dense, QGO, dirigez vous sur Perpignan. " 
Le pilote hausse les épaules. Malgré ses efforts, l'avion perd lentement de l'altitude, il a dépassé Toulouse et se dirige vers Pau, là , il devra se poser coûte que coûte, il n'a plus d'essence !! 
* Dans la nuit du 27 au 28 juin, Gobert en procédure d'atterrissage à Pau heurte un pylône de transport de force à 2500m avant l'entrée du terrain. Avec le radio Favreau il est projeté à 15 mètres de l'appareil, dont les débris épars prennent feu, il décédera à son arrivée à l'hôpital. Le mécanicien Houix est tué sur le coup, et carbonisé. Gobert est grièvement blessé.
* Le 20 juillet, une nouvelle catastrophe atteint les lignes postales.
Le NC-702 du service de jour Nice-Marseille-Lyon-Paris, percute le sol aux abords de Pontarmé, à une quinzaine de kilomètres du Bourget. Les deux occupants, le pilote Moreau et le radio Furlaud, sont littéralement broyés. 
Une dure année qui a tristement éprouvé la Postale, mais la persévérance l'emportera sur la crainte et ne ralentira pas le magnifique élan de ses équipages.                                  Début de page 

Le pantalon de Monsieur BRUN.

Je passai l'hiver 1945/1946 au Bourget dans les baraques du C.P.P.N. d'Air France (à cette époque le R.L.A.F.), en stage de formation radionavigant, dirigé par MM. Beaufol et Gioffrédy. Affecté en fin de stage au stage au Département postal - la Postale de Nuit renaissante - je me présentai un matin de juin dans l'unique pièce du deuxième étage de l'aérogare qui servait de bureau des Opérations de centre d'écoute et... de bureau à MM. Daurat et Vanier. J'y trouvais Didier Daurat en conversation avec un pilote. Peu bavard, M. Daurat me présenta en me disant : "Monsieur Brun convoie un Goéland à Villacoublay. Accompagnez-le pour vous accoutumer".
André Brun, très aimable, m'indiqua que l'on révisait quelques Goéland à Villacoublay, que celui-ci, le F-BAPC,  avait des ennuis de freins, qu'il allait en profiter pour me promener sur Paris, ce qu'il fit gentiment. J'étais assis au siège radio, derrière son dos, la place droite était vide. Le terrain de Villacoublay, truffé de trous de bombes, ressemblait à une tranche de gruyère. On avait installé en guise de piste un mince serpent de plaques métalliques, étroit et court, qu'il était préférable de ne pas quitter. A l'impact, les "ennuis de frein" se manifestèrent aussitôt : le roue gauche bloquée, l'avion pivota violemment, se précipita, queue haute, vers un premier entonnoir que l'adresse d'André Brun réussit à éviter. Le second fut pour nous. Gros choc, grand bruit, puis grand silence, d'autant plus grand pour moi que le volant du radiogoniomètre Bézu m'avait légèrement "endormi". Dans ma demi-conscience, j'entendis mon pilote gémir : "Oh ! ma jambe... !". Je fis un violent effort pour le secourir, croyant à une jambe broyée. Peine inutile : André Brun avait déchiré la jambe de son pantalon, de haut en bas, et manifestait fortement sa contrariété. Nous nous sommes extraits péniblement de ces débris d'avion aidés par les petits gars de l'Armée de l'Air accourus et nous nous sommes dirigés vers la baraque du Contrôle. André Brun, très digne sur ses trois jambes, au grand étonnement de quelques Américains qui passaient par là.
Lorsque, quatre ans plus tard, je me présentai à Toussus-le-Noble pour un stage de formation pilote sur Goéland, le premier qui me fut attribué était... le F-BAPC ! Stupéfaction ! Oiseau Phénix ? Presque ! Les mécaniciens m'expliquèrent que le cannibalisme aéronautique était florissant en cette période de pénurie : on avait récupéré quelques miettes de l'avion de Villacoublay, dont l'immatriculation, assemblé quelques autres épaves pour réformer un nouveau F-BAPC, toujours gaillard. 
J'ai retenu de ce souvenir que mon premier vol à la Postale se termina par un joli crash, sans conséquences graves, si ce n'est pour le pantalon d'André Brun.           Début de page 

La suite...

Les noms des membres de la cellule sont tenus secrets.

             

Dernière mise à jour/ latest updating  31 janv. 2009

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