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Mers-el-Kébir,
le Grand Port, ancien Portus Magnus des Romains, à
6 km à l'ouest d'Oran, est une rade naturelle
transformée en une place forte. Dominant la rade,
les forts constituent un ensemble défensif qui
serait impressionnant si leur artillerie était
supérieure à celle des navires modernes. La
défense antiaérienne est médiocre,
avec 4 batteries de 75AA et 3 sections de mitrailleuses.
La Marine française, invaincue et intacte,
représente un splendide instrument de combat.
Après l'armistice, le 20juin 1940, l'amiral Darlan
informe tous les amiraux et préfets maritimes, par
télégramme secret qui restera ignoré
des Anglais, de prendre toutes les précautions de
sabordage pour être inutilisables par l'ennemi si
celui-ci essayait de s'approprier des navires L'Angleterre
est désormais seule à supporter le poids de
la guerre, sa marine est la première du monde, mais
la flotte italienne vient de renforcer la flotte allemande
et si d'aventure les navires français ralliaient
l'Axe, c'en serait fait de la suprématie
britannique.
Le 3 juillet 1940, la flotte de l'Atlantique, sous les
ordres de l'amiral Gensoul, se trouve répartie
entre les ports de Mers-el-Kébir, Oran et Alger. A
Mers-el-Kébir est regroupé environ un
cinquième de notre Marine, il s'y trouve : la
1ère Division de Ligne, avec les croiseurs
récents Dunkerque
et Strasbourg,
la 2ème Division de Ligne avec les vieux
cuirassés Provence et Bretagne; la 6ème
Division de contre-torpilleurs avec le Mogador, le Volta et le Terrible et enfin la
4ème Division de contre-torpilleurs
représentée par le Tigre et le Lynx. Le ravitailleur d'hydravions
Commandant-Teste et le contre-torpilleur Kersaint y sont
également. Tous les navires sont amarrés
selon une disposition qui montre bien que le commandement
ne s'attend pas à une attaque.
L’Armée de l’Air est nombreuse, avec tous les
avions repliés de métropole, mais de
nombreux avions hors d'état de voler, les
bombardiers n'ayant ni viseurs, ni bombes.
L’Aéronautique Navale dans la région est
réduite à trois Breguet Bizerte et dix Loire 130 à
Arzew équipés de projectiles
anti-sous-marins guère dangereux pour les
cuirassés, plus les quatre Loire 130 d'observation
de tir de la 1ère Division de Ligne
embarqués sur les cuirassés.
Le mercredi 3 juillet à 8 h 05, la veille rend
compte de la présence d'une flotte britannique
comprenant les trois bâtiments de ligne Valiant, Resolution et Hood, les croiseurs Arethusa et Entreprise et le
porte-avions Ark Royal
(avec 18 chasseurs Blakburn
Skua et 42 torpilleurs Fairey Swordfish), escortés de
onze destroyers. C'est la force H de l'opération
Catapult, commandée par l'amiral Somerville dont
l’ultimatum propose trois solutions:
-Rallier la flotte anglaise pour continuer
à combattre Allemands ou Italiens.
-Rallier, avec
équipages réduits et sous contrôle
anglais un port britannique.
-Appareiller, avec
équipages réduits et avec les Anglais,
vers un port français des Antilles, ou vers les
Etats-Unis.
En cas de refus de ces "fair offers", les Français
sont invités à saborder leurs navires dans
un délai de 6 heures sinon, la flotte anglaise
userait de la force pour éviter à nos
bâtiments de tomber entre les mains ennemies.
L'Amirauté donne l'ordre de résister. Le
drame paraît alors inévitable.
A 17 h 57, la flotte anglaise, dérobée
à 6 ou 7 miles au nord derrière un immense
rideau de fumées, ouvre le feu et nos navires
reçoivent l'ordre d'appareillage
général et de riposte. Les Loire 130 de
réglage de tir décollent au milieu des
gerbes.
Pour la première fois depuis Waterloo, des canons
anglais tirent sur les Français.
Ce n'est pas un combat, mais un massacre qui dure 13
minutes. L'escadre française, empêchée
par une pointe rocheuse de répondre avec
précision, est foudroyée à bout
portant par les obus de 380, seuls le Dunkerque et la Provence ont
tiré. Le bilan est désastreux: 245 obus
environ ont été tirés par les
Anglais, dix ont fait but. La Bretagne est coulé, le Dunkerque est
fortement endommagé par quatre obus, la Provence
touchée doit s'échouer à la
côte, un obus fait sauter le Mogador. Seul, le Commandant-Teste,
bourré de munitions et d'essence d'avion, est
miraculeusement indemne. Par un tour de force, le Strasbourg
réussi à rejoindre Toulon, avec les
contre-torpilleurs Volta,
Terrible, Tigre et Lynx. Des Swordfish
tentent de l’attaquer mais la DCA du bord les dissuade.
Les hydravions du Strasbourg
et de la Bretagne,
éclaireront les bâtiments français
jusqu'à la nuit en signalant la position du Hood et
de son escorte, avant de rallier le mouillage d'Arzew. A
17 h, les GC I/5 et II/5, décollent de
Saint-Denis-du-Sig avec leurs Curtiss H 75 et les GC II/3
et III/3 décollent de Relizane en Dewoitine 520.
Pris dans le dilemme de se battre contre nos anciens
alliés ou de laisser massacrer les malheureux
marins, les pilotes croisent les Skua sans ouvrir le feu.

L'Afrique du Nord, hier hésitante, reste
fidèle à la métropole, les marines de
guerre et de commerce sont
braquées contre les Anglais, un fossé
profond se creuse entre l'Angleterre et la France. Winston
Churchill dira: "Ce fut une décision extrême,
la plus inhumaine, la plus pénible de toutes celles
que j'ai eu à partager... C'était une
tragédie grecque", il reconnaît avoir
engagé une "lutte contre nature».
Le 11 novembre 1942, le sabordage de la flotte à
Toulon, prouvera combien étaient vaines les raisons
alléguées par Churchill pour détruire
la flotte française et immoler ses marins.
Cette affaire malheureuse eut plusieurs
conséquences immédiates concernant
l'armée de l'Air. Par la suite les évasions
seront le fait de personnes isolées, alors que 150
à 200 pilotes parfaitement entraînés
auraient pu participer à la Bataille d'Angleterre
aux côtés de la RAF. Un pilote
déclarera: Les Anglais nous ont interdit
eux-mêmes le chemin de Gibraltar. La commission
d'armistice germanoitalienne ne sera pas longue à
reconnaître l'importance de la vague d'anglophobie.
L'armée de l'Air pourra reprendre les vols à
titre d'entraînement mais avec un nombre
d’équipages et d'heures de vol limités.
L’Histoire, politiquement correcte afin de ne pas
culpabiliser nos «alliés» britanniques,
a officialisé le nombre de nos marins
assassinés à 1 300. Ce chiffre est faux ! Le
4 juillet, il a été dénombré
officiellement 1380 tués, occultant que deux jours
plus tard, l’armada britannique ouvrit de nouveau le feu
sur ce qui restait de notre flotte au mouillage en
entraînant la mort supplémentaire de 205 de
nos marins. Il y eut également des centaines de
blessés dont beaucoup, gravement
brûlés, mirent des semaines à agoniser
dans d’indicibles souffrances. Au total, ce furent 1 927
marins français qui périrent durant ces
attaques, chiffre proche des 2 403 morts de Pearl Harbour.
La Marine anglaise a tué en une semaine plus de
marins français que la Flotte allemande pendant
toute la seconde guerre mondiale. La participation de
l’Angleterre à l’affaire de Dakar et au combat
fratricide de Syrie n'améliorera pas son image.
Après l’attaque du 3 juillet, des bombardements de
représailles sont entrepris. Dans la nuit du 4 au
5, dix bombardiers décollent, quatre seulement
atteignent Gibraltar et lâchent neuf bombes à
haute altitude et attaquent en piqué des
cuirassés au mouillage dans la rade. Cette attaque
est une surprise mais sans réel succès, la
plupart des bombes tombent en mer. Le 9 juillet, des
bombardiers de l’armée de l’Air, accompagnés
des Glenn Martin 167 de l’escadrille 2B de
l'Aéronautique Navale, attaquent, sans les
atteindre, 17 bâtiments anglais de commerce au large
de Casablanca. Le 11 juillet, une dernière mission
de bombardement est déclenchée, sans
succès, contre ces même navires au large de
l’île d’Alboran (à l’est de Gibraltar), par
neuf LeO 45 qui décollent de Saint-Denis-du-Sig.
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