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La Ligne vol de
reconnaissance, février 1923 HAUT
Engagé depuis un mois par Didier Daurat, son
heure arrive.
... "Six cents heures de vol par beau temps", avait
rétorqué d'une lippe quelque peu méprisante Didier
Daurat. Et vous croyez connaître votre métier...
avait-il ajouté avec un demi-sourire glacé, ponctué d'un
mouvement de sa cigarette.
- Quand vous aurez fait un courrier par gros temps, si
vous en avez l'étoffe, vous verrez que vous ignorez à
peu près tout des avions et de la façon de les
conduire."
... Par gros temps la cellule tient le coup... c'est
plutôt du coté des moteurs. Ils n'ont pas été fait pour
de tels à-coups si souvent répétés au cours d'une
étape.... les bielles coulent, les vilebrequins
cassent... la Ligne est sauvage et il lui faut des types
à la mesure.... ici c'est comme une gare. On arrive et
on repart, ce qu'on a pu en voir passer des pilotes....
serre les dents et ouvre l'oeil... Après les essais
habituels devant le Patron, Gilbert Verdier part, en
passager, sur la Ligne. On appelait ça "voyage de
reconnaissance" car, en dehors de la carte murale de la
salle des pilotes, nul ne recevait de cartes
individuelles. Ceux qui en étaient munis à leurs frais
avaient vite compris l'inutilité de cette
acquisition. Le temps est exceptionnellement
magnifique, "un temps à Payer le Patron"....
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Aux bons soins de Didier
Daurat Gilbert
va-t-il
faire
son premier vol?
HAUT
Avant le
lever du soleil, les rues noyées de pluie, le bus
ramasse dans Toulouse cinq ou six employés, le douanier,
le pilote de remplacement, toujours prévu et, bien
entendu, Didier Daurat, oeil lourd sous un chapeau
fatigué, engoncé dans un pardessus fripé, barbe de la
veille (lui non plus n'a pas dormi) et cigarette
allumée. Le rite, Verdier le connaît, on lui en a assez
parlé. Il sait qu'en ce moment, le Patron l'observe, le
soupèse, jauge sa capacité de résistance et sa
détermination.
Le jeune pilote sait qu'il sera remplacé par l'autre,
sans explications, s'il n'est pas jugé capable de
surmonter ce qui l'attend.
- Bonjour monsieur Daurat
- Bonjour à tous répète-t-il, d'un air faussement
dégagé.
Nouveau grommellement indistinct. Un lourd silence et,
tout à coup, le Patron attaque, se raclant la
gorge:
- Hum... monsieur Verdier, hum... vous avez bien
dormi... vous vous sentez en forme... heu... vous n'avez
pas été réveillé, cette nuit... .
- Ma foi, non, répond Verdier, sur ses gardes, je n'ai
rien entendu, ma rue est calme et puis quand je dors, je
dors, c'est du solide. Je crois qu'une sirène de
pompier, mugissant sous ma fenêtre, aurait du mal à me
réveiller.
- Ouais... je vois... hum..." et il retourne dans son
mutisme...
Verdier s'est dirigé vers la
salle où les pilotes enferment leur tenue de vol dans
des placards individuels.
Dans cinq minutes, pilotes et papiers seront prêts. Il
ne restera plus que l'heure de départ à inscrire sur la
feuille de route qui suit l'avion jusqu'au bout. 
Mais cette heure sera fixée par Daurat et lui
seul.
Engoncé dans sa combinaison, lunettes bien fixées au
serre-tête de cuir, le pilote se présente sur la
pise.
Au, retenu par une ficelle, cette inénarrable planchette
individuelle, fournie par la compagnie.
Ce carré de contre-plaqué supporte l'altimètre et la
montre (soldes de l'armée) qui permettent, en principe,
de savoir l'heure qu'il est et l'altitude où on se
trouve.
Ainsi harnaché, il va silencieusement serrer la main des
mécanos, tandis que le vent souffle en tempête, balayant
la pluie qui gifle les hommes en attente.
Puis il va se placer à deux mètres de Daurat, il
attend.
Les employés attendent, leurs papiers enfermés dans uns
sacoche de moleskine que le responsable serre
fortement sous son bras.
Les mécanos attendent, cramponnés aux ailes du Breguet,
durement secoué par les rafales.
Le chef de piste est dans la carlingue, attendant
l'ordre de mise en route.
On regarde Didier Daurat, qui semble tout regarder sans
rien voir.
L'ordre ne vient pas.
Insensible à la pluie, mâchonnant sa cigarette mouillée,
Didier Daurat va, vient, photographiant tour à tour le
jeune pilote de service, l'avion, les mécanos, ignorant
les employés transis, se fixant à nouveau sur le pilote
de réserve et à nouveau sur Gilbert Verdier.
Visiblement, il hésite. Il sait que le garçon partira
dès qu'il aura donné l'ordre, mais il sait que cet ordre
peut déclencher un drame de plus.
S'il se trompe, la Ligne, sa "Ligne", comptera un
nouveau point de repère rouge de flammes et de
sang.
S'il se trompe, la presse se déchaînera à nouveau et les
ennemis du transport aérien reviendront à
l'assaut.
Ignorant les rafales, Didier Daurat calcule, suppute,
soupèse.
Ce jeune Verdier, il a du cran et il ne se débrouille
pas trop mal, mais aura-t-il le fond pour lutter des
heures et des heures, presque en aveugle à cause des
nuages bas qui l'obligeront à se rapprocher
dangereusement du sol?
Saura-t-il à temps éviter la colline, le clocher, la
cheminée d'usine, le pylône électrique, brusquement
surgis devant lui?
Il lui faudra se coller au sol, passer par Cerbère,
ensuite se coller à la côte à frôler la vague.
Oui, il hésite le dur Daurat. Il tourne et retourne son
problème. Va-t-il confier ce courrier à l'ancien
endurci, ou au jeune fonceur?
Ne devrait-il pas le confier à l'ancien qui est là, en
attente et qui sera, sans doute, plus capable d'utiliser
au maximum les faibles ressources d'un avion de guerre
déjà vieux, fatigué, mal équipé et lent?
Verdier attend. Il sent bien ce qui agite Daurat. Alors
lui vient l'angoisse d'être dépossédé de "son"
courrier...
- En route, décide enfin l'homme à la cigarette.
Aussitôt, tout s'agite... Verdier, passera-t-il?
Jusqu'à ce que le télégramme indiquant indiquant
l'arrivée à Barcelone soir sur son bureau, Didier Daurat
ignorera ses vêtements trempés, sa barbe dur, sa
prodigieuse fatigue. Il attendra, silencieux en
apparence, de connaître la réponse du destin à son
insolent pari.
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Didier Daurat
décide: à vous, premier vol Toulouse-Barcelone.
HAUT
Il
part pour faire Toulouse-Barcelone dans la crasse,
vent très fort, pluie, nuages accrochant le sol. Il
fera Toulouse-Barcelone-Alicante,
dix heures de vol à vue dans la tempête, le
lendemain Alicante-Malaga
Malaga-Alicante, (Louis Delrieu, don
Luis) le surlendemain Alicante-Barcelone
Barcelone-Toulouse.
Projeté en
l'air par une violente rafale, le Breguet vole à la base
des nuages qui, par instant, vont lécher le sol.
Dès le décollage, Verdier doit pousser fortement sur le
manche pour obliger la machine à rester en dessous.
Voir, voir à tout prix est la seule tactique par ce
temps et avec ce matériel.
Alors commence la sarabande qui laisse prévoir dans
quelles conditions s'effectuera cette étape d'hiver de
Toulouse à Barcelone. Sans cesse, le pilote est obligé
de redresser l'appareil à coups brutaux de gouvernes et
de moteurs. Le vol se déroule entre quelques mètres au
plus bas, cinquante mètres au plus haut. Au-dessus,
c'est le pilotage aveugle dans une masse ouatée,
violemment agitée, où disparaissent les ailes. A
quelques mètres, l'avion rase les arbres, les maisons,
les églises, les pylônes électriques, appareil fantôme
dévorant un paysage gorgé d'eau où tout se
ressemble.
Coller à la route de Narbonne, à la voie ferrée, au
canal du Midi, tout est là.
Palonnier, manche, moteur, les manoeuvres se suivent à
cadence rapide. L'avion, solidement maintenu, vole,
mufle bas, augmentant avec sa vitesse ses possibilités
de défense contre la tempête. Fouetté par la pluie dans
son habitacle, le pilote doit voir et décider à la même
seconde.
Une cheminée, une rangée d'arbres, une ligne électrique,
aussitôt un mouvement rapide ponctué par l'ouverture ou
la fermeture de la manette des gaz.
La voie ferrée Toulouse-Narbonne, Verdier la suit à
trente mètres, peut-être un peu plus, peut-être un
peu moins. Il n'a pas le temps de consulter la
planchette suspendue à son coup; et que lui dirait ce
vieil altimètre constamment trompé par de brutales
différences de niveau? Tendu, le pilote veille à garder
sa route et à ne pas encadrer le décor qui lui saute à
la figure comme dans un film se déroulant à toute
vitesse.
Brusquement, là devant, une masse noire, un oeil rouge,
le train. Un train de marchandises qui peine, lui aussi,
dans la tempête.
L'avion remonte la rame en la survolant au plus près,
surgit en trombe au-dessus du chauffeur et du mécanicien
sidérés qui ne l'ont pas entendu venir. Une seconde, le
pilote imagine leur de tête incrédule lorsque a retenti
le bruit énorme accompagnant ce bolide aperçu le temps
d'un éclair.
Verdier esquisse un vague sourire en pensant à
l'ébahissement des deux braves cheminots. "Ces
aviateurs... des cinglés" puis songeant au courrier
aérien "des gonflés".
Des lumières nombreuses dans la pluie, une grande gare.
Carcassonne et sa cité qui surgit, irréelle dans ce
demi-jour glauque.
Une heure depuis Montaudran et à peine une centaine de
kilomètres au sol, ça promet, pense Verdier. Et
toujours, palonnier, manche, moteur. Dix, vingt, trente
mètres. A cinquante, c'est le confort, à cent, un record
d'altitude.
Lézignan, les Corbières, Narbonne enfin. Le vent
redouble mais la mer est proche et l'avion fonce vers
elle. A la côte, finies les cheminées, les clochers, les
pylônes, il suffira de coller à la bordure des vagues
contre le rivage.
Les étangs, Sigean, Leucate,
Saint-Laurent-de-la-Salanque. 
Descendant de la montagne, la tramontane souffle avec
force et pourtant le ciel est noyé jusqu'au sol par la
pluie qui frappe de biais avec violence.
Canet-Plage, Saint-Cyprien, Argelès, autant de
possibilités de se poser en catastrophe si le moteur,
malmené depuis le départ, donne des signes de faiblesse.
Collioure, la côte devient abrupte, Banyuls, Cerbère,
Port-Bou, villages de rêve, villages d'enfer, roches
dentelées dominant, de plus en plus haut, une mer
déchaînée qui les frappe de coups de bélier
rugissants.
A partir de là, le moteur et roi. S'il tient, le
courrier aura des chance de passer. S'il faiblit ou
s'arrête, alors ce sera l'écrasement et l'achèvement du
travail de démolition par le poing monstrueux des hautes
vagues.
Palonnier, manche, moteur, l'avion continue à tracer sa
route dans la tourmente qui s'épaissit des embruns
provoqués par le choc des puissantes masses d'eau contre
la roche.
"Et on appelle ça la Côte vermeille", pense Verdier qui,
brusquement songe à Didier Daurat attendant, angoissé et
impassible dans son bureau de Montaudran. Ah oui, il
avait raison lorsqu'il disait que "seule" la Ligne lui
apprendrait son métier.
Mais ce qu'il fait là, est-ce vraiment du vol? N'est-ce
pas plutôt un pari stupide? Et lui, n'est-il pas
davantage un aventurier de l'aviation qu'un pilote,
simplement courageux et capable? Ces quelques sacs de
poste valent-ils qu'il risque sa vie dans ce combat
hasardeux?
Par quel mauvais sortilège ce rôle de messager ailé
s'apparente-t-il davantage à des jeux de cirque sans
filet qu'à la belle mission qu'il s'imaginait
assumer?
Brusquement, toutes ces pensées dissolvantes s'effacent.
la bagarre devient trop dure pour permettre à l'esprit
de songer à autre chose qu'à faire face en rusant avec
la tempête.
Llansa. Les derniers contreforts pyrénéens aboutissent
ici en des a-pics vertigineux, des avancées, des reculs
brusques donnant l'impression, d'une seconde à l'autre,
que l'on a quitté la côte pour la pleine mer. Il faut
alors faire vite pour retrouver les noirs rochers à
l'assaut desquels monte l'écume toute blanche.
Pris dans la tempête, noyé par les embruns, secoué sans
répit par de puissants remous, le Breguet XIV dans comme
un gros hanneton affolé.
Devenu crasseux d'huile pulvérisée, le pare-brise n'est
pas plus utile que des lunettes embuées que le pilote
essuie vainement d'un coup de gant rapide. Finalement,
d'un geste, il les relève sur son serre-tête et, penché
sur le côté droit de l'habitacle, il suit intensément le
déroulement de la masse rocheuse dont les parois se
perdent dans la brume.
Palonnier, manche, moteur. De seconde en seconde, le
duel devient plus âpre, plus sournois aussi.
A dix mètres de l'eau écumante, une pression trop forte
sur le palonnier, le fil d'Ariane de la côte disparaît.
A la seconde, le roc s'est évanoui pour faire place à la
purée épaisse des embruns, néant dont le pilote s'est
dégagé l'instant d'avant. Entre ce néant blanchâtre et
la réalité mortelle de la roche, la marge est
étroite.
C'est là, un peu avant le Cap Creus, qu'un jour comme
celui-ci, le 2 octobre 1920, que le pilote Rodier a
disparu, entraînant dans la mort son mécanicien
Marty.
Enfin le cap Creus est passé, Cadaqués apparaît pour
disparaître aussitôt. La côte revient brusquement vers
l'intérieur des terres. Encore quelques remous puissants
et c'est la baie de Rosas qui défile sous les roues, à
quelques mètres.
Le plafond remonte, cinquante, cent, trois cents mètres.
Il pleut toujours, mais la partie est jouée.
Palamos, San Feliu de Guixols, Blanes, Mataro, Badalona,
Barcelone enfin.
Survolant le port, l'avion frôle le Montjuich et coupe
droit sur le terrain de la Société Latécoère, dans la
plaine de Llobregat.
Face au vent d'est, moteur réduit, l'avion courrier
atterrit, faisant gicler autour de lui l'eau et la boue
de cet aérodrome en cours d'aménagement.
Répondant docilement aux coups de moteur destinés à
éviter l'enlisement, l'appareil roule vers la longue
baraque en planches, a la fois bureau, magasin, chambre
de repos et cantine.
Devant, en attente, Poulin le pilote responsable,
Bourgerolle, le chef mécanicien et son adjoint, quelques
manoeuvres.
Pour aujourd'hui, l'aventure est terminée.
Etonné, Verdier ne voit pas l'avion qui doit prendre la
relève et continuer sur Alicante. Il devrait être là,
pourtant, moteur au ralenti, pilote déjà à bord comme le
veut le rite du courrier appliqué fidèlement d'un bout à
l'autre de la Ligne.
Le chef de base rentre en courant dans la baraque. Il va
téléphoner à la poste le télégramme urgent pour le
Patron: "Courrier Toulouse bien arrivé 11 h 30."
Alors, "Monsieur Daurat" fumera sa cigarette jusqu'au
bout, il passera sa main sur sa joue râpeuse et
s'apercevra qu'il est temps d'aller faire un peu de
toilette.
A quelques mètres de la baraque, le pilote sHAUTpe le
moteur et savoure le silence énorme succédant, sans
transition, au vacarme énorme du 300 ch. Renault.
Il descend avec lenteur, détendant prudemment ses jambes
ankylosées, arrache on serre-tête détrempé, frotte ses
yeux rougis et masse vigoureusement ses tympans
massacrés;
Poulin est déjà ressorti de la baraque. Il serre la main
de son camarade. Pas un mot. Près de quatre trente
heures de vol pour trois cents cinquante kilomètres,
cela n'a pas dû aller tout seul.
Puis, aussitôt, le chef d'escale attaque, anxieux de se
débarrasser au plus vite de ce qu'il a à dire et qui ne
lui plait guère.
- Tu es étonné de ne pas voir l'avion de service. Je
n'en ai pas. Pas plus que je n'ai de pilote de réserve
pour te remplacer. Il est bloqué avec plusieurs autres à
Malaga. Depuis deux jours, les courriers du Maroc
essaient vainement de forcer le détroit de Gibraltar.
impossible à cause d'une brume épaisse qui fait corps
avec la mer. Tu connais, un tel et un tel, des fonceurs.
Ils ont voulu tenter de passer. Ils ont failli y rester.
Alors tout le monde est bloqué d'un côté à Tanger, de
l'autre à Malaga. On attend la moindre éclaircie qui
permettra de décongestionner ces eux escales. On en est
là, ce qui fait que je n'ai plus de pilotes.
Puis très vite:
- On va examiner ton moteur, refaire les pleins. Tu
continues sur Alicante... Ouf ça y est.
Verdier le regarde, un instant, incrédule.
Continuer sur Alicante, cinq cents kilomètres très ardu
à cette époque de l'année. Poulin suit ses réactions et
les comprend. Mais on n'arrête pas un courrier. La poste
aérienne perdrait tout son sens, si elle restait liée
aux fantaisies du temps. Ce serait la condamnation des
idées révolutionnaires de MM. Latécoère et Daurat.
A la Ligne, c'est la première chose à admettre parmi
d'autres.
Tout pilote, quel que soit le temps, doit pouvoir
assurer deux étapes et, s'il en est empêché pour raison
grave, le chef d'escale, en l'absence du pilote de
réserve, doit repartir à sa place.
- Si tu es trop fatigué, tu me remplaceras ici et je
continuerai sur Alicante.
- Fais refaire les pleins, changer les bougies, vérifier
les pompes. L'avion sort de révision générale, il doit
tenir." Puis, rageur, : "Comme le pilote, d'ailleurs.
Deux étapes c'est normal. M. Daurat l'a dit. Donne-moi
plutôt à manger. Moi aussi, je dois faire le plein, le
chocolat du matin est loin.
- ne te vexe pas, j'avis le devoir de te faire cette
proposition. D'accord pour le repas. Quand on a entendu
ton moteur, on a tout préparé; une omelette formidable,
un jambon serrano sec à point et du moscatel dont tu me
diras des nouvelles. Va. On viendra te chercher.
- Ca ira, dans trente minutes, je décolle pour Alicante. A la cantine, Verdier fait le plein.
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Barcelone-Alicante "De
Tarragone
à Valence, on y danse... on danse"
HAUT
Après avoir
ajusté
son
serre-tête
que
Bourgerolle
a
fait
sécher
du mieux possible, vérifié ses lunettes nettoyées à
l'essence, Verdier grimpe au poste de pilotage, observe
d'un coup d'oeil l'habitacle. A nouveau, le pare-brise,
lessivé est redevenu transparent. Tout semble en
ordre.
Harnachement, ceinture, essai sur cales, réduit, essai
des gouvernes. Enlevez les cales. Le pilote augmente les
gaz pour commencer à rouler lorsque le chef d'escale lui
fait signe.
- Vérifie les attaches, ça risque de secouer dur sur
l'Ebre, et salut aux copains d'Alicante? Dépêchez-vous
de nous remonter des courriers, la Patron doit en faire
une jaunisse. Sa sacro-sainte régularité doit en prendre
un coup à la Direction des Postes.
Verdier lève la main, puis pousse le moteur. Le Breguet
roule, soulevant à nouveau des gerbes d'eau boueuse qui
salissent les plans inférieurs si patiemment
nettoyés.
A l'extrémité du terrain, face au vent de mer, nouvel
essai moteur manche au ventre, dans le déchaînement du
300 Renault.
L'appareil roule, prend de plus en plus de vitesse, mais
a du mal à s'arracher à ce terrain marécageux. Il
décolle enfin, prend une centaine de mètres de hauteur
et, sans perdre un temps précieux, vire vers le sud. Une
nouvelle aventure commence.
Voici Sitges et sa plage élégante, encombrée en été,
déserte aujourd'hui, balayée par les vagues.
Tarragone, pluie fine, plafond bas, vent faible.
Hospitalet. L'Ebre s'annonce et commence les formalités
d'accueil par quelques remous sans méchanceté.
Mais voilà Tortosa. A nouveau, c'est le grand jeu.
Palonnier, manche, moteur. Deux heures de bagarre en vue
avec vent de travers, exigeant du pilote une
compensation constante aux gouvernes. Altitude trois
cent mètres sous de gros nuages qui descendent peu à
peu. Bientôt, quoique en moins dangereux c'est le
travail de forçat de Cerbère qui recommence, avec
accompagnement d'embruns s'élevant en vapeur jusqu'à
l'avion.
Castellón, toujours le vol en dents de scie, de trois
cent mètres au ras des vagues. Sagunto, les coups de
boutoir du vent diminuent.
Valence, à nouveau le calme, pluie fine, trois cent
mètres. Instant de tranquillité avant la nouvelle
empoignade qui ne manquera de se produire une peu plus
bas, à partir de Gandia, face à la sierra d'Alcoy.
Jusqu'à présent, le pilote, tout à son combat, n'a pas
senti le poids de la fatigue engourdissant ses muscles
qui peinent depuis près de sept heures. Alors surgit
dans le calme relatif, une sourde inquiétude.
A cette saison, par ce ciel bas et pluvieux, la nuit
tombe vite et c'est une nuit opaque que ne vient
diminuer aucun rayonnement de lune ou d'étoiles.
C'est par un temps pareil que le pilote Genthon et son
mécanicien Bénas, coincés par la nuit, à peu près au
même endroit, se tuèrent en essayant de se poser sur un
terrain de fortune, heurtant un rocher à demi enterré,
qu'ils n'avaient pu voir.
Mais Gandia est maintenant sous les ailes, le vent
reprend, venant d'Albacete. Il va falloir jouer au plus
près entre la base des gros nuages noirs et les
premières avancées de la sierra.
Dans une sorte de crépuscule qui annonce la nuit, le
pilote doit décider maintenant décider vite de sa
route. Passer par Alcoy, c'est gagner un temps précieux
qui permettra, peut-être d'arriver à Alicante avant la
nuit, mais c'est aussi courir le risque de
Genthon.
Passer par Denia, longer la côte, c'est de la relative
sécurité, mais c'est à coup sûr, l'arrivée sur le
terrain d'Alicante complètement dépourvu du moindre
balisage nocturne.
Passer par Alcoy, passer par Denia. Il faut décider.
Avec le souvenir du drame de Genthon, toujours
présent.
Intuition, il passera par la côte. Un virage le ramène à
cheval sur la frange d'écume du rivage. Au loin, dans le
jour d'hiver finissant, la pointe déchiquetée de Denia
se découpe comme une ombre chinoise.
Sa décision prise, Verdier est apaisé. Avec un demi
sourire il se rappelle l'histoire qui lui a été
contée.
Ramenant de Barcelone sur Toulouse un courrier du Maroc,
et ecoeuré du passage par Cerbère en pleine tourmente,
un camarade, ayant deux passagers à bord complètement
terrorisés, avait atterri à Perpignan. Au chef d'escale,
il avait demandé que lui soit donné en priorité, la
communication avec le Patron. Lorsque Didier Daurat
avait été en ligne, s'attendant au pire, il avait eu la
stupéfaction d'entendre son pilote lui tenir
approximativement le discours:
- Monsieur Daurat, je
vous laisse à Perpignan un avion, le courrier et deux
passagers qui ont manifesté le le désir très ferme de
ne pas continuer. Ils rejoindront Paris par le rapide
de Barcelone. En ce qui me concerne, je vais en faire
autant, n'étant pas fou quoique aviateur. Je vous
abandonne mes appointements en échange de soucis que
vous cause ma décision. Adieu, monsieur Daurat.
On en riait encore mais il valait mieux ne pas évoquer
cette histoire devant le Patron. Il avait eu un accès de
rage froide et avait envoyé Henri Rozes récupérer le
courrier à Perpignan.
Denia, cap de la Nao, Benidorm. En bas, des lumières
s'allument le long de la côte et, de-ci delà, dans la
campagne. Au loin, une lueur se reflétant sur la base
des nuages, Alicante.
L'avion est sur la ville lorsque la nuit est
complètement tombée. Il agrandit ses cercles à trois
cents mètres d'altitude, et tout à coup, une intense
lumière jaillit en bas, sur la droite. Un feu d'essence
sur le terrain. On l'a entendu. Rapidement, la
camionnette et la voiture du chef d'escale se mettent en
position, leurs phares allumés. Le pilote descend dans
l'axe du feu d'essence, , passe bas entre les deux
voitures, se pose en faisant quelques bonds, roule peu
et s'arrête. Le feu de direction est encore à
quatre-vingts mètres environ.
Remettant les gaz, il roule avec précaution vers le
hangar violemment éclairé par les phares des voitures
maintenant braqués sur lui pour ne pas aveugler le
pilote.
Le grondement du moteur s'est tu à nouveau, le silence
est extraordinaire. Comme à Barcelone, le chef d'escale
Clavel, le chef mécanicien Jayet s'approchent, entourés
des autres mécanos français et espagnols.
Lentement, Verdier se détache, son regard se pose sur
ceux qui sont là.
Pour économiser les batteries, les phares ont été
éteints. Des lampes-tempêtes ont été allumés.
Le pilote descend, serre des mains, identifie des
visages qui sortent de l'ombre difficilement percée par
les lampes-tempêtes.
Là-bas, en bout de piste, meurent les derniers feux du
bac d'essence.
- On commençait à s'inquiéter, dit Clavel. On savait ton
départ de Barcelone, on savait que le temps est mauvais
et on se demandait si tu arriverais jusqu'ici ou si tu
te posais sur quelque plage à la tombée du jour. A
tout hasard, j'avais fait préparer ce bac d'essence.
Quand on t'a entendu, on a foncé. Enfin, tout s'est bien
passé. Je vais faire partir le télégramme pour Toulouse
car, là-bas, le Patron doit se faire de la bile.
- Tu as bien fait de passer par Denia, la sierra est
dans la crasse, et depuis Genthon, quand on a un
courrier en l'air et la nuit qui tombe, on a beau se
raisonner, on est angoissé. Tu as dû être sérieusement
retardé sur l'Ebre et le tour par Denia n'a pas arrngé
les choses. "
Verdier sourit faiblement, tout à sa fatigue. Dix heures
de vol environ, depuis ce matin, et qui comptent double
ou triple avec ce temps. Mais il est heureux d'avoir
vaincu et d'avoir mérité la confiance de Daurat... tu
repars demain matin à six heures pour Malaga. On te
prendra à ton hôtel à 5 h 30.
- Je sais, tout le monde est bloqué à Malaga. Aucun
courrier n'a donc pu encore passer le détroit?
- Non, on est tous sur les dents. Le Patron doit en
faire une maladie.
- Oh! le Patron, tu le connais. Il n'était pas
particulièrement démonstratif, ce matin. Il n'a pas
soufflé mot des difficultés de Gibraltar. J'ai appris
tout ça à Barcelone. Il m'a cependant paru plus nerveux
et tendu que d'habitude. Ce matin, il n'avait pas dormi,
c'est sûr. Il avait dû passer sa nuit à télégraphier à
Malaga, à Tanger ou à Casa. Et il fumait... Une après
l'autre, qu'il laissait éteindre sans y faire attention.
Je me demande d'ailleurs quand est-ce qu'il dort? Ce
n'est pas comme moi. Je suis fourbu. La soupe et au
lit.
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Le
lendemain décollage 6 heures: Alicante-Malaga
"Cramponne-toi au
manche" HAUT
Brusquement
comme
à Toulouse sous la pluie, la camionnette est là... Le
jeune pilote pense à l'étape qui l'attend. Cinq cents
kilomètres de mer et de caillasse avec, de-ci, de-là, au
gré de l'eau de somptueux jardins.
Pas de vent, beau temps. En bavardant avec Clavel,
Verdier se harnache soigneusement. Le ciel blanchit, les
étoiles disparaissent. Au loin vers le nord, la sierra
d'Alcoy reste couronnée de gros nuages. Au sud vers
Murcie, le ciel est clair.
- Le beau temps ne veut pas dire que tu feras un voyage
confortable. Entre ici et Malaga, le temps clair n'a
jamais empêché le vent et le vents des sierras est très
dur... J'ai vu des costauds, double de ton gabarit,
incapables après l'atterrissage de s'extraire eux-mêmes
de la carlingue. Il fallait un mécano pour les aider...
Rappelle-toi Pivot qui, dans ces remous; a fait une
abattée de près de cinquante mètres et a perdu son
passager, une histoire terrible pour la ligne. Méfie-toi
donc de Murcie, je te le répète et si, ensuite tu
décides de passer par la côte, en suivant le flanc de la
Sierra Nevada, méfie-toi plus encore. Entre Almeria et
Motril, plusieurs pilotes ont failli être vidés de leur
avion par des coups de tabac... Attache-toi solidement
et cramponne-toi au manche. Si tu te trouves en
difficulté du fait des remous, ne reste pas au flanc de
la sierra. Réduis ton moteur et file en mer. A vingt
kilomètres au large et à trois cents mètres, tu auras du
vent mais régulier.
- Mais j'ai droit à la noyade si mon moteur
flanche?
- Ou la mer, ou les remous. D'ailleurs si tu avais la
panne entre Almeria et Motril, tu n'aurais droit qu'à de
la caillasse. Les Breguet n'aiment pas ça, les
pauvres.
Le 300 Renault rugit, cent mètres, direction Elche,
l'étape Alicante-Malaga commence.
Les remous (les coups de tabac ou
sévère turbulence) de Motril.
Quinze cents mètres,
Orihuela, début de ces jardins qui font la réputation de
Murcie grâce à deux rivières, le rio Segura et le rio
Sangonera. Pas de vent, pas de nuages. Au sol, traîne
une écharpe de brume transparente.
Murcie, l'altimètre indique deux mille mètres. Au loin,
se devinent les avancées de la sierra Nevada dont les
points culminants enneigés reflètent les premiers rayons
de soleil.
Après les dures heures de la veille, ce vol tourne à la
promenade. Le Breguet continue de monter. La vue du
pilote embrase maintenant un immense paysage qui,
lentement, sort de la nuit. De toutes parts, les sierras
enserrent l'admirable vallée aux tons de vert variés à
l'infini.
Et voilà que, peu à peu, bercé par le chant régulier du
moteur, n'ayant pratiquement rien à faire, une pesante
somnolence d'empare de Verdier. Sa fatigue accumulée,
cette nuit presque sans sommeil, ce calme après les
tempêtes, cette confortable altitude après tant d'heures
au ras des vagues ou du sol, tout concourt à l'enfoncer
lentement dans un agréable assoupissement.
A plusieurs reprises, il offre son visage au vent de
l'hélice, mais sa fatigue est la plus forte et,
irrésistiblement, il sent qu'il sombre dans un état de
demi-conscience où seuls continuent à fonctionner
quelques réflexes dus à son entraînement intensif.
Un dernier effort, le moteur est mis en régime de
croisière et l'angle de montée réglé de manière à éviter
le cabrage de l'avion et le perte de vitesse. Mais cela
ne résout pas pour autant le problème de la direction.
Dans un ciel lumineux et calme, le courrier
Toulouse-Casablanca vogue sans maître.
Un brusque balancement de l'appareil ramène le pilote à
la réalité. Un coup d'oeil aux instruments. Côté moteur,
1350 tours, température 80°, altimètre 1500 mètres. Il a
perdu près de 800 mètres en quelques minutes de
somnolence, probablement en poussant inconsciemment sur
le manche. Direction. Un coup d'oeil au-dessous le
renseigne. La mer, la mer de partout. Son
engourdissement ayant duré quelques minutes, il ne peut
être loin. Plein ouest, 1450 tours au moteur et la côte
ocre se dessine.
Une grande baie encadrée par un arrière-pays désertique.
Sur la baie, une ville dans un paysage lunaire. Almeria.
Tout près maintenant, les arides contreforts de la
sierra Nevada avec, bien visible vers trois mille
mètres, un dôme neigeux étincelant.
Le destin a tranché. Il passera par la côte car il n'est
pas question d'aller s'engager dans les canyons
pour sortir sur Guadix et Grenade. Va donc pour Motril!
Un coup d'oeil au sol le convainc de l'impossibilité
d'atterrir, sauf en catastrophe. Ce ne sont qu'éboulis
énormes et roches impressionnantes, tombant à pic dans
la mer.
Pilotage normal, presque pas de remous, le beau temps
continue.
" J'ai de la chance, pour mon premier voyage."
Verdier décide de rester à 1500 mètres pour étudier de
plus près cette côte sauvage au flanc d'un massif abrupt
et essayer d'y découvrir quelque possibilité
d'atterrissage de fortune. En bas de la caillasse, de la
grosse caillasse. Un sale moment à passer. Il faudra que
je me méfie de ce coin maléfique... Ce ciel et cette mer
si bleus!.. une vie exaltante et libre dans une
discipline acceptée. Ne fait-il pas le plus beau métier
du monde? 30 kilomètre de Motril, frémissement, un coup
de tabac violent, le vent d'est se lève parfois sous
l'action du soleil. La mer est toujours aussi bleue mais
avec des franges d'écume. Que ne lui a-t-on pas dit sur
ce vent de tempête, d'autant plus imprévu et sournois
que nulle nuée n'obscurcit le ciel. Le pilote vérifie
ses sangles. Et, tout à coup, l'avion vibre, frémit,
roule, tangue, monte brusquement comme projeté par une
main géante pour s'affaler en des chutes vertigineuses
comme un ascenseur dont le câble serait rompu. C'est du
Cerbere en plus brutal et à mille mètres, c'est une
lutte sans répit pour maintenir le malheureux Breguet en
un frêle équilibre.
A nouveau, c'est l'infernal "palonnier, manche, moteur"
qui recommence. Les jambes et les bras en mouvement,
sans arrêt, et parfois d'une manière assez désordonnée.
Ça va se calmer, pense Verdier.
C'est à ce moment qu'une puissante rafale, comme jaillie
de la montagne, saisit ce gros hanneton de toile pour le
rouler bord à bord, le laissant finalement sur le dos
comme dans une figure de voltige aérienne.
Moteur réduit à fond, mise en piqué, reprise
d'équilibre, remise en ligne, moteur progressivement
poussé pour éviter toute rupture. Une minute de calme
relatif et tout recommence. Sur le dos, piqué,
rétablissement de l'équilibre, reprise lente du moteur,
remis en ligne de vol correcte. Le courrier n'avance
plus. Pris au piège des remous, il se débat.
Au sixième assaut, un bruit sec. Un des tendeurs d'acier
assurant la rigidité du gros plan, côté droit, a cassé
et flotte librement, retenu encore par un point de sa
fixation. Un seul tendeur reste donc en place, qui
risque fort de se rompre à son tour, si la sarabande
continue. le danger est imminent et grave.
Alors, le pilote se rappelle des conseils des anciens
qui ont connu ça. Il lui semble entendre la voix
rocailleuse de Rozes: "Si ça t'arrive, ne lutte pas, tu
seras cassé comme une allumette. Fous le camp en mer,
éloigne de la sierra à tout prix, rejoins Malaga à deux
cents mètres et oublie que tu peux te noyer."
Suivant le conseil sauveur, il réduit son moteur et file
vers la pleine mer, tournant le dos à la montagne. A une
dizaine de kilomètres et à deux cents mètres d'altitude,
le vent est fort mais les remous ont pratiquement cessé.
Insensiblement, prudemment, le courrier se rapproche de
la côte. A la hauteur de Malaga, il est encore à près de
deux kilomètres. Presque plus de vent. Alors il fonce
sur Malaga.
Traînant toujours son câble qui flotte comme un ruban,
le courrier se pose enfin. Moteur coupé. Silence.
Lentement, le pilote défait sa ceinture, fixe sans les
voir, Vanier, le chef d'escale, un ami de Didier Daurat,
comme lui forgé par la guerre, dur et silencieux,
Doerflinger, un pilote de Casa en attente, Lunel le chef
mécano. On fait cercle, pas un mot.
Verdier descend. Ses gestes sont maladroits et, quand il
pose le pied à terre, Vanier se précipite pour
l'empêcher de s'écrouler, son combat l'a tellement
épuisé, ses jambes et ses bras ont tellement donné,
qu'il ne les sent plus.
- Les remous de Motril? interroge Vanier.
- Oui les remous, répond laconiquement le jeune
homme....
Le chef d'escale ne fait pas d'autre allusion à
l'affaire. On n'aime pas ça à la Ligne. On juge de la
valeur des pilotes à leur capacité physique, à la force
de leur volonté et à l'épaisseur de leur silence après
chaque coup dur. Discuter, ressasser les faits est mal
vu. Telle est la philosophie, un peu spartiate, mise en
honneur par Didier Daurat.
Déjà Vanier parle "service". "On va changer ce tendeur
cassé, vérifier le réglage de la cellule. De toute
façon, l'appareil doit descendre sur le Maroc puisqu'il
sort de révision générale. Reposez-vous car il faut que
vous repartiez sur Toulouse.
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Malaga-Alicante dans
la foulée.
HAUT
Plusieurs
courriers ont enfin pu traverser le détroit. Deux sont
déjà partis, vous devez ramener le troisième... " il
revient au hangar où Lunel et les autres s'affairent
autour du Breguet fatigué qu'il doit, avec son
chargement de courrier, ramener sur Toulouse.
Vanier le regarde, avec une certaine sympathie, derrière
son air froid.
- Vous préférez repartir tout de suite, c'est peut-être
mieux. Après un coup dur, si on ne repart immédiatement,
on risque de ne jamais repartir. Avec cet avion fatigué,
passez par Grenade et Guadix, vous n'aurez pas de remous
sérieux. La Sierra, au lieu de vous être hostile, vous
protègera des fureurs du vent d'est.
Ciel bleu, soleil triomphant, vent léger. L'avion dévale
vers Gadix, serrant la pente nord-ouest de la sierra qui
le domine. Il survole cette "Andalousie des steppes"
âpre, grise ou ocre, où certains villages sont
curieusement creusés au flanc des montagnes, ne laissant
apparaître que de blanches cheminées. ... splendide
étape.
La nuit à
Alicante, avec Louis
Delrieu,
don Luis! Premier
contact avec les anciens. Dîner type, le cas Daurat!
Sur le terrain, un seul avion. Et l'autre?
HAUT
Un des deux Breguet, piloté
par Jean Denis est tombé en panne du côté de Totana.
L'atterrissage s'est bien passé, mais le moteur est
mort. Le chef d'escale est parti récupéré le chargement,
il y sera dans la nuit. Tout sera prêt pour le départ de
demain fixé à six heures. Ce sont les ordres de
Daurat.
L'autre pilote est Louis Delrieu, célèbre sur toute la
Ligne sous l'appellation de don Luis. Louis Delrieu a
été forgé par la guerre. Avec Rozes et quelques autres,
il constitue l'équipe de base sur laquelle s'appuie le
Patron qui les garde en permanence, près de lui, à
Toulouse. Don Luis, qui a défriché le tronçon
Toulouse-Casa avec Didier Daurat et est, dit-on, appelé
à défricher bientôt le tronçon, Casa-Dakar, connaît la
Ligne, plage après plage, sierra après sierra, piège
après piège.
Pour les jeunes, comme Verdier, c'est, un peu, un être
fabuleux.
Jeune instituteur en 1914, Louis Delrieu s'est
brillamment comporté, d'abord dans l'infanterie, ensuite
dans l'aviation. Pourtant, aux yeux des nouveaux,
le prestige de don luis n'est lié qu'indirectement à ses
exploits militaires. Ce qui force leur admiration et
leur respect, c'est qu'il est, avec Rozes, pratiquement
le seul à tenir tête au Patron.
La nuit tombe.
- Je vous amène à Alicante. Demain matin on vous prendra
à cinq heures trente pour un décollage à six heures" dit
Jayet qui passera la nuit sur ses moteurs.
- On devrait mettre les lits au terrain. Ah, dormir,
dormir...
- Quoi, vous ne dormez pas à Alicante? "
Le jeune homme raconte à don Luis, la mauvaise nuit
précédente, cet hôtel avec des chambres minables et ses
satanés serenos...
- Il faut dormir à tout prix. Pour nous, dormir est plus
important que manger. Les serenos, je connais,
insupportables. Mais, j'ai résolu le problème: vous
dormirez, j'en fais mon affaire.
Après avoir déposé leurs valises à l'hôtel, les deux
pilotes se retrouvent dans un minuscule restaurant, tenu
par Carmen et vide à cette heure de tout client.
- Ecoutez, doña Pilar, nous sommes à jeun depuis ce
matin. Alors une paella pour deux affamés, et deux anis
en attendant. Elle sera, comme toujours, meilleure que
toutes celles que l'on peut manger ailleurs, même à
Valence.
Don Luis doit être connu dans la maison, car la
bouteille d'anis reste sur la table et Carmen vient, à
plusieurs reprises, vérifier si l'eau est assez fraîche.
Sur la table, olives farcies ou non, amandes, petites
sardines, piments et toutes sortes d'autres
hors-d'oeuvre fortement épicés, destinés à accompagner
l'anisado. Verdier écoute son aîné. La paella de
señores est là, Doña Pilar s'est surpassée. Une
symphonie en jaune safran et rouge piment, où se mêlent
riz, poissons, mollusques, crevettes et poulet
tendre.
La carafe d'épais vin rouge va, vient, se vide et
revient pleine.
Fromages, fruits, café, une goutte d'aguardiente.
Don Luis tient à régler l'addition, modeste
d'ailleurs.
- Mon vrai métier est d'être instituteur, mais un jour
j'ai rencontré l'aviation sur ma route. Depuis, elle et
moi, on ne s'est plus quittés. La Ligne, ça vous plaît?
Vous pensez que ça ira, que vous tiendrez?
- Je pense que je m'accrocherai et que je tiendrai,
monsieur Delrieu.
- Mais il y a d'autres lignes moins dures, des postes de
moniteur dans des écoles de pilotage, de pilote d'essai
chez les constructeurs. On peut faire de l'aviation
ailleurs que sur Toulouse-Casa, d'autant plus que comme
patron, M. Daurat n'est pas commode. Il faut s'adapter à
ses méthodes, à sa mentalité, à sa conception rigide du
travail. Beaucoup, et des meilleurs, n'ont pu le
supporter.
- Non, dit fermement le jeune homme, ma place est ici,
sur cette Ligne. Je n'imagine pas ma vie ailleurs.
Monsieur Delrieu, pourquoi M. Daurat est-il si dur avec
vous? Toujours un visage fermé, un rappel à l'ordre sec
et sans réplique, une critique caustique prête à fuser à
chaque instant, une menace latente de sanctions ou de
pénalités. Toutes les fois que je me trouve en face de
lui, à Montaudran, je suis mal à l'aise. je me demande
s'il va m'envoyer en courrier ou me mettre à la porte.
Oui, c'est ça qui est le plus dur, tout au moins pour
moi, plus dur que la Ligne quoique je ne sois encore
qu'un nouveau.
Pesant ses paroles, Delrieu, le sage, donne la
réponse.
- Didier Daurat, il faut le comprendre pour le juger.
Moi qui me permets de temps à autre de le contredire et
même de me contrarier presque par plaisir, je ne
voudrais pas être à sa place. Il a, une fois pour
toutes, assumé une charge très lourde, s'il la porte
avec trop de rigidité, peut-être, il la porte bien. La
Ligne marche, les avions volent, le courrier part avec
une régularité suffisante pour que les ennemis de
l'aviation commerciale naissante, et il y en a, ne
puissent trouver de raison suffisante pour la détruire.
Et pour accomplir ce tour de force, il dispose de très
peu de moyens. Il doit faire avec le matériel mis à sa
disposition et ce matériel est solide, certes, mais mal
adapté au travail que nous lui demandons et pour lequel
il n'a pas été construit. Un matériel qui, pour les
terribles remous engendrés par configuration tourmentée
du sol et les brumes épaisses causées par la proximité
de la mer, a trop de voilure et pas assez de moteur. Par
ailleurs, l'absence d'instruments nécessaires pour le
pilotage d'un avion courrier se fait cruellement
sentir.
Pour faire cette Ligne d'une manière rationnelle, il
faudrait pouvoir, dés le décollage, passer par dessus et
monter à six mille mètres, disposer de moyens de
navigation sûrs et de bonnes indications météo. Et même,
avec ça, comment sans radio, repasser par dessous pour
se poser à Barcelone, Alicante, Malaga, sans parler du
Maroc où les brumes épaisses surgies en quelques minutes
nous ont déjà coûtés des morts et nous coûteront encore?
Tout ce qu'il faudrait, Didier Daurat le sait aussi bien
que nous, mais comme nous sommes en 1923 et ce qu'il
faudrait n'existe pas encore à l'échelle industrielle,
il ordonne de se coller au sol et il faut reconnaître
qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas moyen de faire
autrement. Comme il ne peut pas supprimer les obstacles
naturels, il reporte ses exigences sur les pilotes car
tout repose sur eux, sur leur valeur, leur courage, leur
détermination. Il est dur et fermé, d'accord, mais s'il
était bienveillant et comme on dit humain, il fermerait
la Ligne six mois sur douze. Autrement dit, elle
n'existerait pas. Avant lui, on a essayé d'un
<<chef humain>>. C'était la plus noire
pagaille. On a même vu des épouses de pilotes venir au
terrain reprocher au directeur de faire partir
leurs maris par mauvais temps. C'est bien simple, si
M. Latécoère n'avait pas fait appel à Didier
Daurat, la Ligne fermait et pour toujours. Avec l'outil
qu'il a en main, Didier Daurat, pour durer, doit, par la
force des choses, vivre en tension perpétuelle et se
conduire comme il le fait. Il doit exiger de ses pilotes
plus que de l'habilité, plus que du courage, de
l'abnégation. Voilà pourquoi c'est parfois insupportable
et pourquoi beaucoup repartent aussi vite qu'ils sont
arrivés. A Didier Daurat, il ne faut pas seulement des
pilotes qualifiés, il faut des fanatiques prêts à tout,
sur un mot, sur un signe. Depuis 1920, treize de nos
camarades sont morts dans cette entreprise et nous en
sommes qu'au début. D'autres mourront, cela ne fait,
pour moi, aucun doute tant que la technique ne nous
fournira pas le matériel approprié. Mais quand elle nous
le fournira, l'ère des pionniers, sera close et
commencera, peu à peu, l'ère des conducteurs d'autobus
aérien. Vous verrez, Verdier, à ce moment-là, si vous
avez survécu, on vous donnera une belle casquette et
même vous cotiserez à un syndicat. Le syndicat des
conducteurs d'autobus aériens. Pour en revenir à
Daurat, je comprends qu'il est parfois le coeur lourd
devant tous ces sacrifices, ceux qu'il a exigés et ceux
qu'il exigera encore. Je comprends qu'il se cuirasse de
cette froideur et de cette dureté qui vous choquent mais
s'il reculait devant l'ordre de départ par gros temps,
en un mot s'il abandonnait sa cuirasse, ni vos ni loi ne
serions là à discuter sous les étoiles. Alors on grogne,
mais on fonce. Moi, comme les autres car au fond il a
raison. Le jour où il n'aura plus sa place, nous
n'aurons plus la nôtre. Je crois que la grandeur des
hommes y perdra quelque chose.
Puis, sans transition:
- Allons nous coucher. Demain, nous aurons besoin de
toutes nos forces. Venez, je vais vous donner ce qu'il
faut pour vous protéger des serenos et ne vous inquiétez
pas du réveil, c'est moi qui l'assurerai.
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"Verdier, c'est l'heure." Mme
Daurat.
HAUT
Don Luis
secoue son jeune camarade, lequel dort profondément sous
l'action combinée du somnifère et des boules de cire
bouchant ses oreilles. Au terrain, ils s'inquiètent de
l'avion posé dans la nature.
- Clavel est rentré, il y a deux heures. Il a marché par
des chemins impossibles, afin que l'on puisse joindre
aux autres le courrier en panne.
- Et Jean Denis?
- Il va bien. On lui a laissé un mécano qui a commencé à
démonter le moteur. Il est à son affaire. Il dit que là
où il s'est posé il y a des choses magnifiques à fixer
sur la toile.
- Brave Denis, dit Delrieu. Du moment qu'il a ses
couleurs et un bout de pain, il accepte tout avec
philosophie.
- Un pilote peintre? interroge Verdier.
- Oui, un excellent pilote et très bon peintre. Il est
déjà côté. Quand vous connaîtrez Denis, vous
comprendrez. Un garçon hors série, fin, précis, ordonné,
ne laissant peu de place au hasard et... profondément
croyant. Une fois l'avion posé, il a jugé qu'ayant
accompli son devoir de pilote, le peintre pouvait
reprendre le dessus.
- Ah, j'oubliais! M. Daurat a télégraphié en pleine
nuit, pour demander la position des courriers, à deux
heures du matin.
- Pauvre Mme Daurat, dit Delrieu, je la connais. En
épousant une homme marié avec l'aviation plus qu'avec sa
femme, elle a choisi la mauvaise part. Heureusement
qu'elle a son métier, elle se console avec la musique,
elle est professeur de piano et de chant réputé. Je ne
connais pas le traitement son traitement, mais je
constate que M. Daurat est toujours mal habillé, qu'il
roule dans des guimbardes de la Société et que...
- Allez donc demander une augmentation à un homme
pareil.
- Euh, la démarche est hautement déconseillée, si on
veut rester à la Ligne.
- Tout est prêt, monsieur Delrieu, on vous mettra en
route quand vous vous voudrez.
- Bon, alors en route. Je décollerai le premier; ferai
un tour au-dessus du terrain pour permettre à Verdier de
me rejoindre, on fera l'étape ensemble, d'accord
Verdier?
- Avec ce temps, ça sera une promenade.
- Ne vous fiez pas. Du beau temps. En cette saison, on
en reparlera après Denia.
- Après la révision de cette nuit, tout me paraît en
ordre. Mais si, par suite de remous, vous jouez trop de
la manette, alors je ne réponds plus de rien. Dame, ici
ce ne sont pas les ateliers de Montaudran.
- On va tâcher de rejoindre Toulouse ce soir. Daurat
doit se manger les ongles jusqu'aux poignets.
- Maintenant, écoutez-moi, Verdier. On peut compter sur
cinquante kilomètres de beau temps à vue. On va passer
par Alcoy, s'il fait beau. suivez-moi ou tenez-vous à ma
hauteur, à ma droite. Après Alcoy, s'il fait beau on
coupera sur Valence en grimpant doucement à quinze cents
mètres sans fatiguer les moteurs. A Valence, on laissera
la côte sur notre droite. On montera un peu avant
Tortosa, pour éviter les remous de l'Ebre. On continuera
comme ça jusqu'à Tarragone, puis on amorcera une lente
descente vers Barcelone, à mille tours. Ce sera la cure
de repos pour les moteurs.
Mais si, après Alcoy le temps est pourri pour cause de
brume, ne vous amusez pas à jouer la facilité en la
survolant tranquillement, car cette brume peut très bien
aller jusqu'où nous allons et quand vous voudriez passer
par-dessous pour chercher le terrain du Prat, vous
risqueriez gros avec des réservoirs aux trois quarts
vides. Certains qui ont voulu démontrer leur supériorité
en jouant ainsi aux navigateurs diplômés, ont cassé
l'avion et parfois perdu leur vie avec le courrier. Il
est vrai qu'en échange ils ont eu droit à un discours en
trois lignes du Patron et nous ont coûté une belle
couronne."
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Alicante-Barcelone
à deux avions au départ en patrouille lâche. Arrivée
dans le brouillard.
HAUT
Lentement,
Delrieu monte le régime, écoute attentivement, puis fait
une montée plein gaz. "C'est bon enlevez les
cales."
L'avion s'élance directement depuis les bâtiments vers
la butte de tir, par vent pratiquement nul. Verdier suit
à trois minutes et rejoint Delrieu qui a fait un 360°
verticale terrain. Direction Alcoy, l'un suivant
l'autre; Jijona, 500 mètres, Alcoy, 1200.
Le jeune pilote pense que, décidément, l'ancien tient à
ménager son moteur lorsqu'il se rend compte que, comme
dan un décor de théatre, l'aspect du ciel a changé. Au
temps clair, a succédé une sorte de brume assez légère
encore, mais qui semble aller en s'épaississant.
L'ancien maintient toujours la même altitude et la même
direction. Devant, ça tourne à la brume dense à partir
de 1000 mètres. A gauche, trouant la couche blanche,
tous les points élevés des sierras. A droite, la nappe
recouvre la côte et la mer. Que va faire Delrieu? Et
brusquement, à la hauteur du rio Serpis, l'ancien fait
un à droite et file vers la côte en s'enfonçant
rapidement.
On est bon pour coller à la côte depuis Gandia. Quelle
m.... de n'avoir pas les moyens d'aller tout droit en se
moquant de voir ou non le sol. Et lui aussi augmente le
régime de son moteur, essayant de rattraper son
coéquipier. Mais Delrieu a déjà disparu, avalé par les
premières écharpes de brume.
500, 300, 100, 50 mètres, Gandia. Ca y est, on est
en-dessous. Delrieu a définitivement disparu. Verdier
ressent comme un vide. La présence de l'ancien à ses
côtés, à portée de vue, le réconfortait et lui ôtait
tout souci. Maintenant, il va falloir jouer tout
seul.
Aux approches de Valence, la brume descend encore,
l'humidité des rizières, sans doute. Trente mètres,
vingt mètres, dix mètres avec des écharpes jusqu'au sol.
Vent nul. Sagunto, Castellón, vingt mètres, dix mètres,
un peu moins encore par place. L'altimètre est à zéro,
il abandonne la partie.
A l'Ebre, ça va se dégager, pense Verdier. C'est un coin
où il y a toujours du vent et un peu de vent, pour une
fois, serait bien accueilli.
Peñsicola, Vinaroz, San Carlos de la Rapita, l'Ebre
enfin. Brume au sol, vent nul. A quelques mètres,
l'avion survole les méandres de l'embouchure, s'y perd,
appuie à droite, la mer, vite à gauche, de nouveau le
sable. A droite, à gauche, la mer, le sable. De nouveau
la côte, un peu escarpée maintenant. Pas de vent, pas de
vague. Une masse droit devant le cap Salou, Tarragone.
Léger à droite pour éviter les vieux remparts fleuris où
viennent rêver, face à la mer, les jeunes mariés, en
voyage de noces. Ces remparts, pour le moment, dominent
l'avion qui donne l'impression de rouler sur
l'eau.
Le port de Tarragone, quelques bateaux dont les mâts se
perdent dans la brume. Villanueva, toujours au ras de
l'eau. Bientôt le terrain du Prat de llobregat. Sitges,
Garraf. Dans deux minutes, la plaine du Prat. La plage.
La maison du garde-pêche. A gauche, les balises du
terrain.
Moteur réduit à fond. Le terrain défile.
Heureusement, il y a de la place. A droite, dans
un éclair, dans la baraque de la Compagnie sort de la
brume. A côté, un avion, Delrieu déjà arrivé sans
doute.
Le Breguet touche enfin des roues, immédiatement freiné
par la boue gluante qui gicle avec force de tous
côtés.
Manche au ventre, le pilote le saute et à vive allure,
pour ne pas s'enliser, revient vers la baraque à peine
visible dans la grisaille.
Arrivé tout près, il constate avec satisfaction que
c'est bien l'avion de Delrieu. Delrieu lui-même entouré
de Bougerolle et de Rozes qui, sans doute, vient
d'arriver de Toulouse. L'étape Alicante- Barcelone est
enfin terminée. HAUT
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La
route Barcelone-Alicante-Malaga |
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