PRÉCEPTES DE PILOTAGE
"Article reproduit avec l'autorisation de la revue
"Le Piège", de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole de
l'air qui l'a fait paraître dans son numéro 172 de mars 2003".
Le Piège propose ces quelques extraits de l’Agenda de l’Aviateur
1917-1918 que nous a remis le fils de l’un des pionniers de l’aviation,
Charles de Vries, breveté en 1917 sur Farman F 14. La
reproduction du document est évidemment limitée à
quelques unes des consignes étonnantes données à
l’époque aux pilotes dans les différentes phases de vol.
Les lecteurs éventuellement intéressés par une
lecture plus complète peuvent s’adresser à l’AEA. (ou
aller sur EXTRAITS DE l'AGENDA DE L'AVIATEUR 1917-1918)
Retraçons à cette occasion en quelques mots le parcours
aéronautique de Charles de Vries qui, engagé volontaire
en 1912 dans l’Infanterie puis blessé à Verdun, rejoignit
l’Aviation en 1917 (breveté le
23 septembre 1917) où il se distingua jusqu’à la fin de
la Première Guerre mondiale sur Gaudron G3 et comme pilote de
bombardement sur Farman F40. En 1919, il fut pilote de réception
des avions Blériot, Newport, Bréguet et Potez avant
d’être démobilisé. Il accomplit ensuite des
périodes de réserve pendant lesquelles on le retrouvera
dans les années 30 à la tête de l’escadrille
d’aérodynes Autogyres d’Issy-les-Moulineaux et de l’école
de pilotage de Poitiers. Mobilisé en août 1939, il
fut pilote de bombardement jusqu’à l’Armistice à la
12° escadre sur Bloch 210. Engagé dans la Résistance
et remobilisé en 1944, il terminera en 1945 au poste d’aide de
camp du Ministre de l’Air.
**********
1 - Avant le départ.
- Étudier à pied le sol sur une
certaine distance.
- Couper tous les obstacles capables de gêner l’essor ou
même transporter à bras l’avion dans un champ voisin plus
praticable.
- Éviter de se trouver, dès la lisière du champ,
au-dessus des terrains impraticables : ville, bois, ravins.
2 - Essor.
- Si le sol est bon, diminuer l’espace de lancement en soulevant la
queue, puis décoller franchement.
- Quand le terrain est mou, une personne pousse à chaque aile,
sous le longeron principal, aidant ainsi à prendre un peu de
vitesse (jusqu’à 10 kilomètres à l’heure)
3 - Montée.
- Écouter si le moteur ne peine pas (montée trop rapide).
- Ouvrir la bouche pour éviter les bourdonnements quand on avale
sa salive.
- La hauteur est la sauvegarde du pilote…Pour un débutant, ne
franchir les premières étapes en altitude qu’avec
prudence.
4 - Vol horizontal.
- Emporter du chocolat pour passer le temps et éviter d’avoir
l’estomac complètement vide ce qui amène des étourdissements.
- Si le ronronnement du moteur semble changé, lire le
compte-tours et l’indicateur de vitesse.
- Savoir à chaque instant la direction du vent et pour la
connaître, examiner le sommet des arbres,…les fumées à condition quelles soient très
proches et quelles ne proviennent pas de locomotives ou de cheminées encaissées…
- Ne pas donc tenter de toujours chercher sa route dans le prolongement
de l’axe de l’appareil.
- Ne jamais franchir un obstacle sans avoir une hauteur
supérieure au huitième de sa largeur.
5 - Descente.
- Sans moteur, ne pas chercher à aller à plus de trois
fois sa hauteur (à 1000 mètres, on a deux minutes environ pour réfléchir).
- En vol plané, estimer sa vitesse par le sifflement de l’air.
- À 300 mètres, ne plus compter faire qu’une spirale ;
à 150 mètres, qu’une demie.
- Virer suffisamment pour ne pas toucher le sol avant d’avoir
achevé la spirale.
- Si on est victime d’un « entournement » dans la spirale,
élargir les orbes.
6 - Atterrissage.
- Relever ses lunettes et se détacher dans les derniers 25
mètres. Regarder le sol au loin.
- N’atterrir dans un champ labouré que si sillons sont
parallèles à la direction du vent.
- Si l’on est obligé d’atterrir sur des céréales,
atterrir à plat sur les épis.
- Si l’on ne parvient pas à enrayer un « cheval de bois
» par une défense des ailerons et du palonnier, ne pas persister, arrêter presque complètement et repartir, les
gouvernails braqués à fond, en augmentant peu à
peu la vitesse.
- Si le vent est violent, renoncer à rouler seul.
7 - Vol dans les remous et dans le vent.
- Réduire la puissance dès que la danse commence.
- Rechercher la zone calme qu’on est sûr de toujours de
rencontrer.
- Si les sautes de vent sont fréquentes et
modérées, papilloter des commandes, sinon laisser faire.
- Éviter de voler bas et faire des «montagnes
russes» avec le vent dans le dos.
- Si l’on sent l’avion engagé (commande qui tire durement), se
redresser, s’il est temps encore, sans brusquerie.
- S’il y a du vent, se méfier … car dans la ligne droite face au
vent on n’avance pas autant que par vent calme.
8 – Incidents en vol.
- Orages – Ne jamais passer sur – et encore moins sous – les nuages
d’orages.
Si on a affaire à un grain, atterrir ou le survoler très
haut, car, étant donné sa largeur, on n’en peut faire le tour.
- Nuages –S’ils ne sont pas trop épais, les traverser sans
crainte : on danse un peu aux Limites. Ne pas se laisser impressionner quand on entre à toute
vitesse dans la masse opaque. Se méfier de ne pas rencontrer le sol avant la fin des nuages.
9 Accidents en vol.
- Rupture des commandes de moteur – Laisser marcher
le moteur et se souvenir qu’on a pour l’arrêter : la commande des gaz, le
contact, le verrou d’essence, le robinet du réservoir et même
la commande
d’air. Agir avec réflexion.
- Incendie.- Fermer le verrou d’essence et mettre tous les
gaz pour vider rapidement le carburateur. Descendre assez rapidement sans
cependant trop piquer pour ne pas étendre le feu à la queue…S’il en existe
un, on
peut, d’un coup de pied, crever le carreau d’observation du fond de la nacelle afin de
créer un courant d’air empêchant l’incendie de gagner le siège du pilote.
10 Hygiène du pilote.
- Ne jamais voler avec un képi.
- Il faut éviter de partir avec la vessie et l’intestin pleins,
même pour un vol de courte durée.
- Éviter de partir l’estomac vide, même si on craint le
temps agité. Emporter un petit peu d’alcool dans une poche… La
nourriture doit être particulièrement soignée et le
plus riche possible en calories…Nous ne conseillons cependant pas de recourir aux
produits utilisés par les habitants des régions polaires,
à base d’huile ou de graisse, car il peut s’ensuivre une fatigue
du foie. Enfin, nous ne conseillons pas de voler si on se sent
souffrant…Si cependant les nécessités militaires obligent à
prendre l’air, prendre certaines précautions: ne pas voler dans les remous ou descendre trop rapidement d’une grande
hauteur; emporter un cordial et voler sagement.