FOSSILISATION les Hiboux sont bien éprouvés

Dure semaine sainte, Pâques 2003.

Quatre postiers sont partis:
- Casimir Nawrocki - Charmasson - Alexandre Besnier
- Patrick Fourticq.

C'est beaucoup en une semaine pour ceux qui les ont accompagnés, ils étaient tous aimés.

Extrait Instant messenger du 10 avril 2003:
Alex vient de partir. Encore un disciple de la Postale et de l'Aéronautique.
Alexandre Besnier était a la Postale en janvier 1960-janvier 1962, mars 1963-....
J'ai connu Alex sur 707, un monument! Adieu Alex, tu n'es pas le personnage qu'on oublie.

En ces moments pénibles, ayons tous une pensée pour sa femme, Lucile, qui est notre secrétaire générale. Lucile, nous compatissons et te souhaitons le courage nécessaire pour passer ces jours ternes.
Ci-dessous, "Le Piège" par Alexandre Besnier, vous comprendrez tout.  ou le Piège

Le chronomètre tourne, égrenant les secondes …
Le pilote lui jette un nouveau coup d'œil : 1 mn 25. Regard bref vers l'altimètre : 840 pieds.

- " Je suis en retard de 40 pieds " pense-t-il.
- " Admission 20 ". Le mécano réduit un peu les gaz, ainsi l'avion, sollicité légèrement au manche, accentue sa descente sans que la vitesse augmente.
- 1 mn 36 chrono - 710 pieds
- " Admission 22 ".
- 2 mn - 500 pieds. " Très bien, constate-t-il, nous sommes pile sur le plan de descente ".

Le "jeu" consiste en fait à placer l'avion dans l'axe de la piste en un point qui doit l'amener à 3 minutes de l'entrée de piste (ce point étant déterminé par un calcul mental en fonction du vent estimé) à 1 500 pieds et à descendre ensuite à 500 pieds par minute pour arriver à l'altitude 0 à l'entrée de piste.
Ils sont au cœur de la nuit. Le DC 3 et son équipage viennent de quitter les étoiles. Ils vont s'engloutir dans une masse compacte, froide et hostile. 
La météo locale leur a confirmé les dernières observations : visibilité : zéro, plafond : zéro, brouillard givrant, visibilité balises : inférieure à 50 m. 
2 mn 30 - 250 pieds. 2 mn 40 - 200 pieds. Le mécano lit la sonde radio tous les 50 pieds : 200, 150 puis " en rafale " 140, 120, 100, 90, 80, 70, …

- " Puissance méto " commande le pilote.
- " Puissance méto " confirme le mécanicien.
- " Les volets 0 ".
- " Les volets rentrent à 0 … volets 0 ".
- " Le train rentre ".
- " Le train rentre … train rentré ".

Le pilote reprend de l'altitude en conservant l'axe de piste grâce aux indications radio fournies par une station au sol. 
Au passage de la verticale de cette station, le pilote arrête son chronomètre et compare le temps qu'il avait calculé avec le temps réel : c'était bon, mais les pilotes n'ont rien vu, pas même la lueur d'un des puissants projecteurs au sodium qui balisent l'approche de la piste et la piste elle-même. Une vraie " purée de pois " à couper au couteau, qui attend que son piège se referme sur ces fous qui osent l'affronter, la provoquer, la défier. 
Le Pilote (on dit maintenant le commandant de bord, le copilote étant devenu pilote), responsable de l'avion, de son précieux chargement (une seule de ces lettres peut apporter tant d'amour !) et de la vie de ses deux adjoints, a tellement envie de refaire un essai … mais !… Il sait, il est sûr que c'était bon, mais " c'était " … C'est du passé … 
Et si, en recommençant avec les mêmes données, un peu de vent se levait et faussait de quelques secondes ce qui était bon ? Non, il n'a pas le droit, car il sait, et tous dans l'avion savent que, pour réussir, il faudra descendre beaucoup plus bas, aller " chatouiller " le piège tendu … " Beaucoup " plus bas que 21 mètres …
Non, il va prendre la décision d'aller ailleurs. Alors le mécano, lui qui ne voit rien car il est bien trop occupé à surveiller ses moteurs, à lire l'altimètre radio, lâche, presque en colère :

                       
                         - " M…, tu ne vas quand même pas laisser ça là, mon papa !

Quel cadeau ! 
Le copilote, consulté, étant d'accord, ils iront chatouiller le piège.
Et tout recommence …

… 150, 140, 120, 100, 80, 70, 60, - la voix s'enfle un peu - 50, 40, 30, en même temps, le copilote crie : " Un pot, les verts " (traduisez : une balise, entrée de piste) …

Le piège ne s'est pas refermé, ils roulent sur la piste, peut-être avec un léger sourire. 
Les balises sont invisibles, ils restent là, immobiles. La voiture des PTT a mis un quart d'heure pour trouver l'avion sur la piste (pas question de pouvoir aller au parking) 
Ces minutes intenses, où chacun était tendu vers le même but avec une confiance réciproque, étaient le fruit des nuits passées ensemble à " traquer le gonio " et des journées d'escale où les casse-croûte pantagruéliques, les parties de chasse dans les vallées des Pyrénées ou la pêche dans les torrents étaient toujours partagées. 
Il y a plus de vingt ans de cela … (1) 
Le copilote est devenu un " vieux " commandant de bord, sur longs courriers. Le mécano a choisi d'aller voir, au-delà de la purée de pois, si le ciel est toujours bleu. Le commandant de bord de l'époque vient de relire ce " papier ". 
Il est bien mélancolique … 
(1) écrit en 1988



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L'allant de Patrick
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Patrick a écrit à Henri:
Bravo mon cher Henri pour la qualité du site mais surtout, et encore une fois, pour ton engagement à cette Postale de Nuit que tu aimes tant... Merci aussi pour ces moments d'exception passés à tes côtés pendant la meilleure période professionnelle de ma vie. Reçois toutes mes amitiés, Patrick
 Patrick, je mets un peu de ton histoire sur le web pour que les personnes qui t'ont seulement croisé sachent qui tu étais.


Patrick FOURTICQ
Né le 02 janvier 1947

Après des études secondaires, il s'oriente très tôt vers l'aéronautique. Breveté pilote de planeur à 15 ans puis pilote d'avion à 17 ans, il reçoit des mains de Maurice HERZOG la médaille de pilote le plus méritant en 1963. Pilote professionnel et instructeur en 1966, il fonde la Société des Transports Aériens Privés en 1968. Il en assurera les fonctions de Chef pilote et Président du conseil de surveillance.
En 1968, il est affecté sur Lockheed " Constellation " comme navigateur dans le cadre de son service militaire, pendant lequel il effectue de nombreuses recherches humanitaires en Afrique en particulier.
Il rentrera à AIR France en 1969, l'année où il épousa Christine qui le suivra tout au long de sa carrière.
Pilote sur " Caravelle ", il est envoyé en 1973 au Cambodge pour assurer l'évacuation de PNOM-PENH alors assiégée.
A son retour en Europe, AIR France le détache à la TWA pour sa qualification de pilote long-courriers sur Boeing 707.
En 1975,basé au Pérou assure la ligne LIMA - PAPEETE
En 1977, AIR France le charge de l'instruction des pilotes de la Royal Air Maroc à Rabat, sur Mystère 20. Qualifié ensuite sur Boeing 747, il prend la direction de l'école de pilotage Amaury de la Grange (AIR France) à Hazebrouck.
En 1979, participation au premier rallye Paris Dakar comme pilote d'avion d'assistance. Passionné de désert, il se lie d'amitié avec Thierry SABINE et devient le " patron " de la couverture aérienne du rallye.
En 1981, Il gagne la première course aérienne Transatlantique PARIS-NEW YORK-PARIS sur avion monomoteur Piper Saratoga.
Lors du Paris Dakar suivant, il assure les recherches et la récupération de Mark THATCHER perdu dans le Tanezrouft. Les journalistes de la course lui remettent alors une distinction pour services rendus à leur cause.
En 1982, Patrick dirige organise la première course d'ULM LONDRES-PARIS (parc de bagatelle).
En 1983, avec ses deux amis, Henri Pescarolo et Hubert Auriol, il remporte le premier Grand Prix de France d'ULM, puis établi les premiers records du monde dans cette spécialité.
En 1984, première participation au Paris Dakar comme navigateur en voiture et prend la 7ème place du classement général ainsi que la 2ème de sa catégorie sur Mitsubishi.
La même année, il pulvérise trois records du monde en monomoteur avec son ami Henri entre San Francisco, New York et Paris. Il remporte également le Grand Prix de Paris ULM.
Membre du comité d'honneur Pilâtre de Rozier, il parraine le premier challenge montgolfière avant Henri Pescarolo puis Pierre Barret.
C'est alors qu'il s'associe avec Henri pour de nombreuses années en qualité de navigateur sur le Paris Dakar et de nombreux autres rallye africains.
En 1985, Il devient commandant de bord puis instructeur à AIR France. Il gagne cette année-là, la coupe de France ULM et obtient le Colibri d'Or numéro 1, plus haute distinction internationale de la spécialité.
En 1986, après la perte de sa voiture à la suite d'un incendie lors de la huitième édition du Paris Dakar, il reprendra la direction de l'organisation aérienne du rallye après la mort de son ami Thierry Sabine.
La Fédération Aérienne Internationale lui remet cette même année le diplôme " PAUL TISSANDIER ", plus haute distinction sportive aéronautique.
En 1987, il battra le record autour du monde établi par Howard HUGHES en 1938, sur le même appareil en compagnie de ses amis Hubert AURIOL et Henri PESCAROLO.
En 1988, Il participe une nouvelle fois au rallye Paris Dakar avec Henri dans l'équipe d'usine Peugeot sur 405 Turbo 16 ainsi que le rallye de l'Atlas et de Tunisie. La même année, il crée avec Henri la société HELI-RP, compagnie d'Hélicoptères, sa nouvelle passion.
Il participera la même année à la course de la vanille entre Paris et la Réunion à bord du Lockheed 18 avec lequel il fit le tour du monde, en compagnie de Patrick BAUDRY et d'Henri. Le 28 Juin, le Ministre des Transports remettra personnellement la médaille de l'aéronautique, plus haute distinction aéronautique Française.
En 1989, 11ème participation au Paris Dakar. Il obtient sa licence de pilote professionnel hélicoptère ainsi que la qualification d'instructeur.
Avec son fils Rémy, ils deviendront Champions de France Hélicoptère et participeront au Championnats du Monde (1er Français).
En 1990, Il sera nommé Chef pilote de la subdivision Airbus Air France, puis Chef du Personnel Navigant de la Postale de Nuit.
En 1992, il est responsable de la couverture aérienne du rallye Paris - Moscou - Pékin au côtés de René METGE. Il devient responsable de la division Airbus Air France.
En 1994, la direction Air France, le fait participer à l'élaboration et la mise en place du plan de restructuration de la compagnie au niveau du personnel navigant technique.
En 1997, il est nommé Directeur des Opérations Aériennes de la compagnie "AEROPOSTALE avec une plume", filiale Air France.
En 2001, il participe, pour la compagnie nationale, à la reconstruction de la compagnie AIR IVOIRE à Abidjan. Il sera fait, cette année-là, Chevalier de l'ordre national du Mérite.
Membre actif du Conseil d'administration de l'Aéro Club de France il totalise plus de 19 000h de vol sur plus d'une cinquantaine d'appareils.
Patrick et son épouse Christine ont trois enfants (Rémy, Charlotte et Simon) et cinq petits-enfants (Théo, Charles, Camille, Augustin et Alice).
Les obsèques ont eu lieu en l'Eglise Saint Augustin Paris 8ème, le Mardi 15 Avril à 10h30.

Sa famille et ses amis, ont demandé à l'aéro-club de France de bien vouloir lancer une souscription destinée à doter un prix qui porterait son nom et perpétuerait ainsi sa mémoire :
Ce prix à caractère Aéronautique est destiné à des jeunes dont les projets démontrent une réelle vocation.
Un jury composé de personnalités du monde de l'Aéronautique et de l'Espace l'attribuera chaque année.
Les dons pourront être déposés à l'entrée ou envoyés et libellés à l'ordre de l'Aéro-Club de France avec mention au dos : "Prix Patrick Fourticq"

Saturday, September 1st 2001 - 08:08:44 AM
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