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-Ni Shérifs, Ni suicidaires - Un exploit |
Il est bien connu qu’un
drame en occulte un autre. C’est ainsi que s’est estompé, pour
ne pas dire effacé, celui de Charm El Cheikh, survenu avant
celui de Madrid. Certes, la mémoire collective est volatile,
mais il n’en reste pas moins que les problèmes, les douleurs,
les questions restent en suspens. Comment ne pas être
également interpellé par la succession des disparitions
de compagnies ? (d) Il y a plus grave encore, révélé dans des publications syndicales : des pilotes ont été licenciés ou sanctionnés au motif de l'usage de leurs prérogatives pour exiger une opération de maintenance dont les compagnies concernées auraient bien fait l'économie ; plusieurs messages me signalent la pression subie en permanence par les équipages, même appartenant à de grandes compagnies, en imaginant celles que peuvent subir les pilotes de certaines autres plus petites compagnies françaises ou étrangères, bien moins protégés, eux, sur le plan juridique. Ainsi, les décisions des Commandants de Bord qui sont jugées contraires à la rentabilité se termineraient par des licenciements, d'une façon directe ou parfois détournée. Il est même signalé que d'autres catégories de personnels, ayant un rôle majeur dans la chaîne de la sécurité (maintenance, fret, passage, contrôle aérien, etc...) subissent également les mêmes pressions sur fond d'impératifs économiques. Souvenons-nous du "Hurry-up syndrome". J’ajouterai que dans
l’hypothèse où ces centaines de pilotes retrouveraient un
jour un emploi, il est évident qu’ils auraient perdu leur
savoir-faire, leur aisance dans l’exercice de leur métier.
Toutes qualités indispensables pour être en mesure de
trouver, instantanément, la parade à une situation de
gravité exceptionnelle, comme celle présentée,
ci-après. * Ni Shérifs Les pilotes de ligne,
à travers leur association internationale (IFALPA) et leurs
organismes représentatifs (aussi bien en France qu’en Europe),
ont fermement montré qu’ils ne voulaient pas jouer les
shérifs faisant régner l’ordre, pistolet à la
ceinture, ni accepter que la cabine des passagers se transforme en
champ de tir entre des pirates et des policiers en civil. Leur
réaction fait suite à l’initiative de transporter, sur
injonction américaine, des agents GIGN armés, à
bord de certains vols sensibles desservant les Etats-Unis. * Ni suicidaires Il est constant que les
pilotes de ligne ne sont pas suicidaires. Rassurons-nous,
jusqu’à la dernière seconde, ils agiront pour redresser
une situation désespérée. Certes, les cas aberrants
ont toujours existé et ceci dans toutes les professions. Celle
de pilote n'échappe pas à la règle. Certes, la réponse, souvent entendue, est la suivante: "C'est normal qu'ils évitent les accidents, ils sont payés pour ça" (sic). Il est exact que leur mission est de conduire le vol dans les meilleures conditions possibles, ce qui implique automatiquement de veiller à la sécurité, donc d'éviter les incidents et les accidents. Cela dit, il faut rappeler qu'il existe de nombreuses situations totalement imprévisibles et pouvant être à l'origine de très graves accidents. Si l'accident a pu être évité, cela est dû à un réflexe, une réaction salvatrice quasi-instantanée du pilote, qui a été prise, grâce à son expérience, son haut niveau de qualification, sa concentration, son savoir-faire. Dans quelques rares cas, le miracle, l'action courageuse, le professionnalisme de l'équipage, sont repris par les médias. Mais, la quasi-totalité des autres cas est totalement passée sous silence. Donc, au lieu de se contenter d'annoncer que 70% des accidents sont dûs à l'erreur humaine de l'équipage, il serait plus juste d'annoncer, par exemple: "Cette année sur 40 accidents dans le monde, "x" sont dûs à l'erreur humaine, la responsabilité directe de l'équipage n'ayant été engagée que dans "y" accidents. En revanche, au cours de cette même années, "z" accidents ont été évités par les décisions des équipages prises dans des situations exceptionnelles". Tout pilote dans sa carrière a vécu au moins une telle dangereuse situation dont la solution n’existe dans aucune des milliers de pages des manuels de vol. J’en ai vécu deux, décrites dans mes ouvrages. Mais, en voici une, tout à fait exceptionnelle - qui m’a été communiquée par trois de mes lecteurs me suggérant de la publier, ce que je fais bien volontiers, dans le résumé, ci-après, méritant effectivement d’être lu. TOP * Un exploit Le 22 novembre 2003, un A
300, décolle de Bagdad à destination de Bahreïn.
À son bord, trois membres d’équipage : Eric, le
Commandant de bord ; Steve, le copilote ; et Mario,
l’Officier Mécanicien Navigant. Rien ne leur indique qu’ils vont
vivre leur « Heure de
Vérité » : celle à laquelle les
hommes d’action sont confrontés, un jour ou l’autre ; celle
où se révèlent les vrais caractères, loin
des simagrées médiatiques. L’heure que l’on redoute, car
le verdict est sans appel. Commence alors une
période d’apprentissage pendant laquelle Eric, suivi par Steve,
découvrent comment maîtriser la pente en modulant la
poussée des moteurs. Au début les actions sur les
manettes sont amples et uniquement symétriques, le virage
à gauche est donc maintenu et l’avion décrit un large et
irrégulier tour complet. Alors que la vitesse
excède déjà 270 nœuds (valeur maximale
autorisée pour cette manœuvre), Eric demande, avec insistance,
la sortie du train d’atterrissage « à la
manivelle ». Le train sort bruyamment et fournit la
traînée additionnelle qui, seule, peut ramener la vitesse
vers les 210 nœuds. La manœuvre dissymétrique des manettes agit sur l’inclinaison. Quand le moteur gauche est seul accéléré, les ailes reviennent vers l’horizontale, de même si le moteur droit seul est réduit, mais ce n’est pas si facile : - si la réponse aux variations de poussée apparaît rapide en tangage, la réponse en roulis est quelque peu décalée (le roulis résulte en fait du dérapage induit par la dissymétrie de poussée et il faut le temps de l’installer) ; - comme l’aile gauche est endommagée, il faut trouver la dissymétrie de poussée qui compense la dissymétrie de portance, et la maintenir pendant les modulations de poussée qui contrôlent la pente. Plus facile à dire qu’à faire ! (g) Toujours est-il qu’Eric apprend assez rapidement cette gymnastique particulière des manettes de gaz et, après quelques excursions un peu inquiétantes de l’inclinaison au-delà de 30°, le moral remonte. Maintenant, il peut envisager de « naviguer » vers le terrain qu’il a perdu de vue dans ses évolutions d’apprentissage. Steve prend en charge la navigation. Il faut présenter l’avion en longue finale, c’est-à-dire à au moins 40 kilomètres. Après un deuxième virage de 360° par la gauche, suivi d’un segment rectiligne d’éloignement, Eric engage un virage à droite pour revenir vers la piste 33 Droite, la plus longue des deux pistes de Bagdad. Il faut maintenant se stabiliser sur le plan de descente. Là aussi, ce n’est pas commode : la pente affichée par la valeur moyenne de la poussée n’est pas simple à interpréter. C’est donc une pente moyenne qu’il faut visualiser tout en maintenant la direction par le jeu dissymétrique des moteurs : pas évident quand l’assiette varie entre 0° et 5°, avec une période proche de la minute ! Comme un bonheur ne vient jamais seul, la turbulence associée à un vent de 35 km/h, travers gauche, excite les oscillations naturelles et, pour faire bonne mesure, les alarmes GPWS (h) retentissent à répétition. L’alignement est difficile. Impossible de faire mieux. Eric adapte alors ses ambitions à la faiblesse des moyens dont il dispose : - La piste 33 Gauche semble plus près du cap moyen, va pour la gauche ! - La pente moyenne semble faible, tant pis si on touche avant la piste ! Il se concentre sur l’essentiel, garder l’avion sous contrôle et rejoindre le terrain, là où il y a des pompiers pour maîtriser le feu de l’aile gauche. Steve aide par ses
commentaires efficaces : annonces de distances et d’altitudes. Il
rappelle qu’il ne faut pas réduire à fond les deux
moteurs, car cela déclencherait un virage à gauche qui
serait catastrophique, dans les derniers pieds avant le contact avec le
sol. Vers 100 pieds, l’avion pointe vers l’entrée de piste, mais avec un cap inférieur de 10° à l’orientation de la piste 33 Gauche. Eric commande alors sa dernière correction de contrôle latéral, en réduisant le moteur droit seulement. L’avion s’incline vers la droite, et l’angle de divergence commence à diminuer, mais grâce à la poussée élevée maintenue sur le moteur gauche, l’avion ne plonge pas vers le sol dans les derniers pieds. Vingt cinq longues minutes après l’impact du missile, l’A 300 a donc bel et bien été posé sur la piste 33 Gauche, intact, avec : - une assiette longitudinale positive ; - une vitesse verticale modérée (inférieure en tous cas aux 10 pieds par seconde pour lequel le train est calculé !) ; - une inclinaison de 10° à droite et un cap divergent sur la gauche de l’axe de la piste d’environ 8°. et cela, sans aucune énergie hydraulique. Toujours privé de moyen direct de contrôle de la direction, l’avion quitte ensuite la piste très rapidement. Les moteurs sont maintenant réduits et les inverseurs de poussée sont enclenchés au maximum. Le sol sablonneux fournit un complément non négligeable au freinage. Au total, ce freinage est performant et, en dépit de la vitesse élevée au touché des roues, l’avion s’immobilise après une course de l’ordre du kilomètre, soulevant derrière lui un panache de sable impressionnant. L’avion est finalement stoppé le nez dans la clôture de l’aéroport. Il ne reste plus qu’à quitter le bord par le toboggan droit … et poser pour la photo souvenir. C’est une « première » et un véritable exploit. À l’heure où les pilotes sont trop souvent montrés du doigt, n’est-il pas réconfortant de voir une démonstration aussi percutante de l’adaptabilité de ces hommes pour dominer des situations aussi improbables ? Si le Transport
Aérien est aussi sûr, si - toutes causes confondues - il
n’y a plus, en gros, qu’un accident pour 10 millions d’heures de vol
(exprimé en kilomètres par passager transporté),
c’est, entre-autres, que les avions sont conçus pour
résister à de nombreuses pannes et combinaisons de pannes. Alors que trois hommes, face à une situation réputée incontrôlable, se tirent d’affaire et sauvent un avion condamné, parce qu’ils ont compris et senti, analysé, et travaillé en équipe en surmontant un énorme stress, et surtout qu’ils aient su faire la part des choses et gérer efficacement les priorités, n’est-ce pas rassurant ? En guise de conclusion, Gilbert DEFER - auteur de l’article - nous dit : Comme dans les Bulletins de Sécurité des Vols de l’USAF, bien connus de tous les pilotes militaires de l’OTAN : "Well Done Eric, Steve, Mario". Ou, plus simplement : "Chapeau tous les trois, vous êtes de vrais Aviateurs, avec un grand "A". Vous avez su tirer le meilleur de votre « Heure de Vérité". TOP ==== (a) - Lufthansa a
enregistré une perte record de près d'un milliard
d'euros. Swiss a annoncé une perte de 420 millions d’euros.
American AMR a annoncé avoir accusé, au dernier trimestre
de 2003, une perte nette de 111 millions de dollars, contre une perte
de 529 au dernier trimestre de 2002. |
Bonjour, 1°.- Ma deuxième chronique de janvier * Cette chronique "Accident de Flash Airlines et Psychose sécuritaire collective" m’a valu plus de 250 messages en provenance des lecteurs de mes Lettres et de ceux l’ayant lue sur les sites habituels. Si j’ai répondu à tous les messages d’étudiants à la recherche d’informations et à de nombreux autres, je n’ai malheureusement pas pu répondre à tous, y ayant déjà passé quatre jours entiers ! Que tous ceux d’entre-vous qui ont pris la peine de m’envoyer un mot soient donc, ici, remerciés. 2°.- Ma Banque de Données * Après chacun de mes envois, je reçois une cinquantaine de messages d’adresses refusées (boîtes pleines, over quota, inconnu, etc...). Malgré ces disparitions, qui avaient ramenées ma BD à 3.600 adresses, de nombreuses demandes font qu’elle en compte, à ce jour, 3.742. Ceci est un témoignage d’encouragement quant à la qualité de mes chroniques (qui, comme vous en avez été informé, ont été regroupées dans un ouvrage), avis qui n’est pas partagé par mon éditeur, qui m’écrit : "Malheureusement, je suis profondément déçu des résultats de "Chroniques aéronautiques", ouvrage auquel je crois encore sincèrement et qui ne reçoit pas la consécration qu'il mérite, malgré nos efforts à tous deux". Effectivement, l’ouvrage ne figure pas sur les sites Alapage, FNAC et Amazone, mais uniquement sur www.boutique.aero 3°.- Ma chronique de mars * Un drame en occulte un autre. La mémoire collective est volatile. Quid de l’accident survenu en Egypte ? Faute du pilote ou attentat ? Alors, pourquoi ne pas armer les pilotes ? Eléments de réponses dans ma chronique : "Pilotes de ligne : ni shériffs, ni suicidaires". 4°.- "Le transport international des marchandises" (Editions VUIBERT). Après le succès remporté par la 2ième édition de 2002, cette 3ième édition actualisée est actuellement en librairies. En plus de ses quatre lexiques (européenne, douanier, routier, postal bilingue français-anglais) et de son glossaire des sigles, elle contient une liste d’adresses utiles. Avec la mondialisation, les échanges commerciaux internationaux s’intensifient. Facteur de progrès et de développement économique, l’activité transport est en constante évolution et a tendance à se complexifier à mesure que les délais de livraison raccourcissent. Cet ouvrage présente de façon pédagogique les principales composantes du système. Il s’adresse aux étudiants en écoles de commerce, IUT transport international, mais aussi aux opérateurs (privés, PME/PMI) et à tous ceux qui interviennent dans le monde des relations commerciales internationales. 5°.- Concours « Pilote ... un jour ». L'armée de l'air célébrera en 2004 le soixante dixième anniversaire de sa création. Pour cela, elle s'appuiera sur les cérémonies déjà planifiées comme les meetings de l'air ou les baptêmes de promotions d'élèves officiers ou sous-officiers. En direction des jeunes, elle a décidé de soutenir une initiative des associations liées à l'armée de l'air. Ces principales associations nationales se sont rapprochées en 2001 en une Union Nationale Air (UNAIR) dont l’objectif est de sensibiliser les jeunes aux différents métiers de l'armée de l'air sous forme d'un concours « Pilote ... un jour ». Ce concours, qui s'adresse aux élèves des classes de seconde, première et terminale des lycées d'enseignement général, technique ou professionnel, se déroulera en deux phases. La première, qui débutera dès fin janvier, se présente sous la forme de réponses à quatre séries de questions à choix multiples (QCM) sur le site Internet www.piloteunjour.com . Elle permettra de sélectionner les candidats (individuel ou classe) qui participeront à la phase finale sur la base aérienne de Creil, le samedi 24 avril où aura lieu la remise des prix. Pour en savoir plus sur ce concours doté de prix prestigieux, entrer sur ICI — *** --- Bien cordialement. Jean Belotti PS-1 : Si vous connaissez des personnes intéressées par l'aérien, continuez à me communiquer leurs adresses E-mail, afin qu'elles soient automatiquement et gracieusement destinataires de mes "Lettres" et "Chroniques" .. PS- 2: Pour être certain de ne pas vous importuner et surtout si vous ne lisez pas mes "Lettres" et "Chroniques", je vous remercie de bien vouloir cliquer sur jean.belotti@wanadoo.fr en tapant "FIN" dans la case objet, pour que votre adresse E-mail soit automatiquement supprimée de ma Banque de Données.. TOP |
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29 janv. 2009