Deuxième partie : LE REVE BRISE

Préface

La seconde partie de l'intrigante histoire de l'essor et de la chute du plus grand visionnaire parmi tous les promoteurs de compagnies aériennes du monde concerne moins l'Amérique du Sud que la manière selon laquelle son projet de réseau mondial a été méthodiquement élaboré à partir de ce qui était déjà réalisé sur ce continent. Dans la première partie de ce récit (AIR PICTORIAL, août septembre, 1981), référence était faite à la. "Portuguese connexion". et à "un tremplin pour l'expansion". Cette dernière partie explore plus en détail toutes les implications de la stratégie magistrale de Bouilloux-Lafont et les opportunités uniques qui furent perdues lorsque la France choisit de sacrifier un grand patriote aux intérêts d'autres objectifs commerciaux.

Les possessions territoriales.

Pendant les deux décades qui s'étaient écoulées entre les deux guerres mondiales du vingtième siècle , les grands empires territoriaux du monde étaient toujours intacts. Les idées d'auto détermination n'avaient pas encore été mises en pratique et la plupart des pays sous-développés des trois continents étaient toujours gouvernés depuis les capitales européennes. En fait, en 1919 selon les termes du Traité de Versailles, la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et le Japon avaient reçu d'autres territoires d'outre-mer aux dépens de l'Allemagne. En même temps, les États-Unis contrôlaient le Pacifique Nord par l'occupation des Philippines et par leur domination sur de nombreuses petites îles stratégiques. de cet océan.
Les avantages d'une domination sur ces empires éloignés étaient principalement des avantages économiques, car ils procuraient l'exclusivité des approvisionnements en matières premières nécessaires à la fabrication des produits manufacturés. Certains territoires étaient potentiellement vulnérables aux attaques de nations rivales envieuses et soumis à des troubles occasionnels créés par des populations indigènes déloyales, de telle sorte que des forces de défense se trouvaient habituellement basées aux Colonies pour maintenir l'ordre et la loi et pour permettre aux commerçants de poursuivre leur négoce en paix.
Les installations militaires constituaient un dispositif indispensable au système colonial et, pour les maintenir, le contrôle de certains coins perdus du globe devenait nécessaire et vital. Ainsi, un endroit aride comme Aden, au sud de l'Arabie et sans aucune valeur commerciale, était important pour les britanniques du fait de sa position géographique, comme base navale de ravitaillement en charbon lors de la protection des routes maritimes commerciales vers l'orient.
Avec l'avènement du transport aérien, ces territoires acquirent soudain une importance que l'on n'avait pas soupçonnée jusque là. Au cours de la fin des années 20, les premières lignes aériennes commencèrent à étendre leurs ambitions d'extension au delà des pays au voisinage immédiat de leur métropole. Les constructeurs d'avions maîtrisaient la fabrication des multimoteurs à plus long rayon d'action et à charge marchande plus importante. Mais, au début des années 20, on pensait que les lignes commerciales trans-océaniques étaient aussi hypothétiques que le fut la navigation spatiale dans les années 40. Au mieux, on leur accordait la possibilité de devenir, dans le futur, le domaine des dirigeables long-courriers.
En 1927, à la suite de son vol transatlantique solitaire en avion terrestre, Charles Lindbergh avait fait beaucoup pour dissiper ce mythe. Par la suite, une série de vols sur longues distances d'avions terrestres avait excité l'imagination publique et étendu les horizons des compagnies aériennes. Au cours de cette phase la valeur des possessions territoriales a pris soudain une nouvelle dimension et la situation générale sur le théâtre de l'Atlantique à la fin des années 20 est illustrée par la série de cartes ci-jointes.
Des pays tels quel l'Angleterre et la France se rendirent compte qu'ils pouvaient atteindre la plupart de leurs possessions outre Atlantique sans avoir à demander d'autorisation de passage à aucune autre puissance. A l'opposé, l'Allemagne en tête de la technique aéronautique mondiale dans la fin des années 20, se trouvait devant l'extrême urgence d'obtenir des débouchés pour ses produits, et les Etats-Unis, avec leur formidable puissance technique et commerciale ne pouvaient aller nulle, excepté à San Juan de Porto Rico.
Ainsi, les puissances ayant les aviations commerciales les plus importantes étaient nettement divisées entre celles "avec" et celles "sans" celles qui avaient des endroits où aller et celles qui n'en avaient pas.
A cause de ce facteur fondamental, la première entreprise des États-Unis outremer fut la traversée du Pacifique.
Il y avait une troisième catégorie de nations dans ce jeu d'échecs trans-atlantique. Exactement comme un pion insignifiant peut devenir décisif au cours d'une partie lorsque l'adversaire ne l'a pas remarqué, deux pays aux territoires d'outremer de dimensions modestes par rapport aux empires anglais et français) acquirent brusquement une importance nouvelle.
Le Danemark s'aperçut qu'il contrôlait des points d'escales aériennes stratégiques sur les deux tiers de la traversée de l'Atlantique Nord, tandis que la possession par le Portugal des Îles de l'Atlantique Central donnait à ce pays une importance stratégique jusque là ignorée.
Les Îles du Cap Vert étaient utiles mais non essentielles aux Français et aux Allemands dans leur recherche des meilleures routes aériennes pour la traversée de l'Atlantique Central vers l'Amérique du Sud. Les Açores, au contraire, étaient considérées par tous les stratèges des compagnies aériennes comme absolument vitales pour le développement des lignes transatlantiques. Les Îles du Cap Vert avaient été spécialement incluses dans le contrat entre Marcel Bouilloux-Lafont et le gouvernement français en août 1927 et donc les Portugais devaient être approchés.
Ce ne fut donc pas une coïncidence si, en 1933, Charles Lindbergh, en tant que conseiller technique de la Pan American et de Juan Trippe, fit la reconnaissance de la route du nord vers l'Europe et rechercha une entente avec les Danois. Il ne fit pas cela uniquement parce que c'était un bon exercice pratique de planning, mais parce qu'ainsi, il pouvait neutraliser des difficultés possibles avec la perfide Albion qui était vraisemblablement capable de bloquer les tentatives américaines de voler sur l'Atlantique Nord, en faisant traîner la signature des accords sur les droits d'atterrissage à Terre Neuve et en Irlande. (En fait, sans entrer dans le détail, c'est exactement ce que firent les britanniques).
Lindbergh effectua également des vols de reconnaissance sur l'Atlantique Central, car il savait qu'en 1933, les Açores portugaises n'étaient plus le domaine exclusif de Marcel Bouilloux-Lafont, le grand cerveau français qui, en 1930, les avait converties en une province française, tout au moins au point de vue des lignes aériennes.
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