Comment neutraliser la SPELA

L'attitude britannique envers la SPELA fut remarquablement complaisante. Dans une lettre de Woods-Humphrey à Trippe datée du 20 mars 1931, il faisait remarquer que les biens de l'Aéropostale étaient "limités à des immeubles, des terrains d'aviation, des stations de radio, des avions et quelques navires". un commentaire extraordinaire car cette liste semble inclure un inventaire complet de tout ce qu'une compagnie aérienne peut désirer posséder Il pensait également que les obligations de la SPELA vis à vis des accords portugais étaient trop lourdes et que ces accords devraient être révoqués. Sans aucun doute, le point de vue de Woods-Humphrey aurait été différent si les accords avaient été signés avec Imperial Airways.
Sur un point, cependant, il avait absolument raison. L'Aéropostale, notait-il, était en difficultés financières car le gouvernement français n'aiderait pas Bouilloux-Lafont dont les investissements massifs dans l'Aéropostale avaient subi le contrecoup d'une révolution au Brésil et par la crise aux.Etats-Unis et ses répercussions mondiales. Woods-Humphrey plaidait pour que "Pan Am et Imperial Airways se tiennent solidement les coudes, car nos intérêts sont absolument concordants, et la seule raison d'avoir l'Aéropostale - ou toute autre compagnie - avec nous, était l'existence d'une convention comme celle des Açores.
A l'évidence, toutes ces considérations ne trouvaient regroupées dans "la question des Açores", et une lettre de la même date au Ministre de l'Air britannique insistait pour qu'une pression diplomatique fut exercée sur les Portugais. Quand le 10 avril, Trippe répondit, accusant réception et confirmant tous les points, la question était à l'ordre du jour car Bouilloux-Lafont n'avait pas réussi à obtenir l'aide de la Chambre des Députés et avait été oblige de demander la liquidation judiciaire le 31 mars 1931.
Par la suite, il apparut que les rapaces arrivaient pour dévorer les restes de l'Aéropostale et de la SPELA mais ce festin devint plus compliqué par le fait que l'autre partenaire français de la SPELA, - Gnome et Rhône avec ses 50 % des parts -, désirait conserver certains de ses avantages. En mai 1931, selon les documents archivés à Londres, Trippe avait eu des discussions avec Martin Wronsky de la Lufthansa et avec Eugène Dingeman, représentant Paul Valère, probablement Paul Louis Veiller de Gnome et Rhône. Pendant ce temps, les Français envisageaient de permettre aux intérêts anglo-américains de prendre les 50 % de parts de Bouilloux-Lafont dans la SPELA.
Dingeman n'était pas à court d'idées pour marchander. Il avança même la suggestion que l'Italie pourrait avoir 50 % des parts, en se basant sur le fait que la moitié de la population de New York était italienne ! Mais d'une manière plus significative, il fit remarquer que l'accord Tripartite ne pouvait être appliqué sans la ratification de la SPELA. Il n'aurait aucun scrupule, le cas échéant, à bloquer les accords.
Et le grand jeu international continua, chaque partenaire cherchant à s'assurer une meilleure position, pesant soigneusement les différents facteurs pour ou contre des accords bilatéraux. Les abandonnant pour de nouveaux partenaires et ne sachant si oui ou non il devait en rester aux accords tripartites, bien que l'un des partenaires - tout au moins 50 % de l'un d'eux - ait été éliminé.
André Bouilloux-Lafont, le fils de Marcel, relativement inexpérimenté en affaires, avait été mandaté pour affronter ce roublard de Trippe. Il continua d'être le représentant nominal des intérêts de son père dans le comité de quatre personnes qui dirigeait les activités de l'Aéropostale après la liquidation. Mais il devint alors la victime de ce qui apparaît rétrospectivement avoir été un sombre complot destiné à détruire la réputation et la crédibilité de la famille Bouilloux-Lafont pour qu'elle ne renaisse jamais des cendres de 1931. André avait porté des fausses accusations contre un membre du gouvernement français et contre Paul Louis Weiler basées sur des documents présentés par un agent de renseignements de la Police. Ceux-ci avaient été authentifies par des experts graphologues. D'autres experts furent plus tard commis par le cour et contestèrent l'authenticité des documents. L'agent admit plus tard qu'il avait fabriqué les documents et fut puni de prison. André Bouilloux-Lafont fit quatre mois de prison préventive.
SPELA: l'Aéropostale, avec la société de moteurs Gnome et Rhône, créée la Société Portugaise d'Etudes de Lignes Aériennes, et obtint du Gouvernement de Lisbonne un contrat exclusif sur tout le territoire du Portugal et de ses colonies parmi lesquelles les Açores et les Iles du Cap Vert. Haut de la page. Un article de cette convention autorisait l'Aéropostale avec l'agrément du Gouvernement portugais à transférer cette autorisation à d'autres Sociétés. C'est ainsi que pour bénéficier des droits accordés à l'Aéropostale, Américains et Anglais proposèrent une entente. Elle accordait 50% du trafic EUROPE-AMERIQUE à la Panam-Air, 25% à l'Imperial Airways et 25% à l'Aéropostale alors que les échanges postaux entre la France et les Etats-Unis représentaient à peine 10% du trafic général. Cette position privilégiée due aux efforts incessants accomplis en Amérique du Sud fit l'objet de nombreux commentaires en Allemagne, le "Berliner Montagpost" titra <UNE BOMBE VIENT D'ECLATER>. Un bombe, oui, mais qui allait anéantir celui qui l'avait allumée. Hitler, en passe à l'époque de devenir le maître de l'Allemagne, et, plus tard, de l'Europe, ne pouvait admettre ce camouflet.  Haut de la page  
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