Gaston Vedel ou LA PASSION DE L'AVENTURE avec son ange gardien!
Pierre Bourlier |
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LA
PASSION DE L'AVENTURE, ou Gaston Vedel - BUCHENWALD MATRICULE 76888 - LE TEMPS DE L'OUBLI LE TEMPS DE LA MÉMOIRE |
Pierre Bourlier
évoque pour vous "Le Temps de l'Oubli...
Le Temps de la Mémoire" |
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13
juin 2009
lepeps
Extrait intégral de "Les signes du destin", publication
privée, par Pierre Bourlier, avec son
autorisation.
Pascal était le
quatrième occupant de la cellule 307 de la prison de Fresnes. Il
nous avait rejoints, un cheminot communiste, le représentant en
France des groupes sionistes et moi-même.
Pascal, c'était son nom de résistant venait de tomber entre les
mains de la Gestapo qui dans un premier temps n'avait pas décelé
quel était le passé de l'homme qu'elle venait d'arrêter, car sa
vie est un vrai roman d'aventure.
Originaire de la région toulousaine, il a eu une enfance
difficile. Il s'est engagé pendant le grande guerre. Après un
passage au front, il a passé le brevet de pilote.
Le début de ses aventures se situe à l'époque héroïque de
l'Aéropostale (voir Gonflés
ou cinglés ? La Ligne en 1923 et 1924) . Il a côtoyé ceux dont les médias
ont fait les héros. Il a fait "la ligne". Son avion a pris feu
au large de Barcelone et par miracle, il a été repêché par une
embarcation et sauvé.
Après son accident Gilbert (le nom qu'il a adopté pour le héros
de son livre) a eu droit à un certificat élogieux, mais sa
licence fut supprimée pour raisons de santé. Ne se voyant pas
vivre la vie d'un petit commerçant province, il part pour Paris,
où un ami lui procure un emploi d'inspecteur dans une compagnie
d'assurances. Mais il veut voler, il fera "le cirque", c'est à
dire qu'il donnera des baptêmes de l'air sur de vieux coucous.
Au bout de trois ans, après une visite médicale, sa licence de
transport public est à nouveau validée.
Pendant deux ans encore, il acceptera tout ce qui se présentera:
baptême de l'air, meetings, entraînement des pilotes de réserve,
convoyages, et essais d'avion pour de petits constructeurs.
Le Ministère de l'Air, où il a des amis, lui parle d'une mission
de deux ans en Ethiopie (1). Le
Négus veut ouvrir une école d'aviation et voir voler les
premiers pilotes éthiopiens pour son couronnement. Gilbert a
beau dire que cela ne s'improvise pas, qu'il faut un terrain,
des avions appropriés, rien n'y fait, le Négus a décidé. Le
Ministère a indiqué que l'école de pilotage c'était sa
spécialité et on lui promet, s'il réussit de faire le nécessaire
pour qu'il retourne à l'Aéropostale. C'était la carotte, il
signe. Voir aussi "Au service du Negus"
Passons sur les difficultés, sur l'opposition de l'ambassade de
France, notre homme réussit et deux pilotes volent seuls devant
devant le Négus et les ambassadeurs sauf celui de France.
Le Négus devient Empereur sous le nom de Haïlé Sellasié I.
Le
Maréchal Franchet d'Espérey venu à cette occasion
rencontre Gilbert et lui apprend que la France et l'Angleterre
ont décidé de laisser les mains libres à Mussolini en Ethiopie.
Le Négus n'aura pas les armes promises, ni les appuis
diplomatiques dont il a besoin. Gilbert s'écrie: "mais ce sera
une trahison et un crime". Le Maréchal lui répond: "... Votre
école d'aviation, votre enthousiasme, votre courage sont du
domaine du rêve... Vous êtes un brave garçon, cessez de rêver,
comme on dit dans l'aviation, dépêchez-vous de faire votre
retour au sol."
Il doit terminer son contrat pour faire honneur à la
France.
Une mission
particulière l'attendait. Voilà en raccourci ce qu'il en a
rapporté:
" Lidj Yassou n'avait pas quinze ans lorsqu'il monta sur le
trône du grand Ménélik II. Grand, beau et fort, pas très
doué, il s'amuse et accumule les erreurs politiques en suivant
les conseils des représentants de l'Allemagne et de la Turquie.
Blessant les croyances des Ethopiens, il se convertit à la
religion musulmane. Ce fut le signal de sa déchéance. Dépossédé
de son trône au profit de la fille de Ménélik et du Ras Taffari,
il livra bataille, la perdit et fut fait prisonnier. Le Ras
Taffari devenu Négus réserve à Yassou un château prison
inaccessible, fortement gardé. Nous sommes en juin 1932. Un
envoyé du Négus demande à Gilbert de convoyer le prisonnier. Il
argue que cela est en dehors de son travail mais il se laisse
convaicre.
Le voyage fut très pimenté, si l'on peut dire, sable dur et
sable mou alternant, les camions s'enlisent. Finalement le
prisonnier arrivera à bon port. Gilbert s'était fichu dans un
drôle de pétrin. Il avait risqué sa vie. Il a réussi. Son
contrat est prolongé de quelques mois.
Ce n'était pas
fini.
Le Somaliland anglais est séparé de l'Ethiopie par une frontière
que traversent d'importantes caravanes chargées de produits
éthiopiens de valeur qui se rendent dans les ports anglais de
Berbéra et Zeila. L'itinéraire suivi permet d'éviter la douane
éthiopienne et la voie ferrée Djibouti-Addis- Ababa et de payer
les redevances au Négus et au port de Djibouti. Depuis quelque
temps les caravanes sont déviées par les troupes et
dirigées vers Aïcha. Les deux ports anglais perdent leurs
ressources. Les Anglais accusent (est-ce à tort?) un certain
aviateur français d'avoir informé les services du Négus.
Les services secrets de sa Majesté seront mis à contribution et
Gilbert sera empoisonné. Les indigènes lui sauveront la vie avec
des remèdes à base de plantes. Après l'accident de Barcelone,
deuxième alerte. Il y a en a eu d'autres par exemple une
invasion de sauterelles en plein vol.
Plus tard, il apprendra le triste sort de l'Ethiopie.
De toutes façons,
pour lui la vie va changer; il a 35 ans et le pilote doit se
résigner, la période des pionniers est terminée. On lui propose
une fonction administrative à Air France. Il hésite, demande le
temps de la réflexion puis accepte. Il dira: "Je vois que ma
belle aventure est finie, quoique je fasse encore confiance à ma
chance pour me réserver des surprises".
Il est nommé à la direction de la base de Barcelone (2). Pendant six mois, il met tout
en ordre, les avions atterrissent et décollent à l'heure, le
courrier est acheminé. Puis, c'est la guerre civile. Gilbert est
chargé d'assurer le gouvernement de la Catalogne de l'attitude
amicale de la Compagnie en plein accord avec le gouvernement de
la France. Une nouvelle aventure commençait dont il se serait
bien passé.
Rappelez-vous, des avions pour l'Espagne, les hésitations du
gouvernement français. Quel rôle a-t-il joué?
Il avait obtenu pour pouvoir circuler les coupe-file de tous les
groupuscules anarchistes ou autres qui quadrillaient la ville.
C'est ainsi qu'il a pu se rendre à la forteresse de Montjuich où
étaient emprisonnés les opposants aux révolutionnaires est a
obtenu certaines libérations. Le "rouge" faisant libérer un
partisan de Franco! Pourquoi? Quel était le motif, d'où venaient
les ordres? Pas de réponse, seulement des prémonitions. Lorsque
le Maréchal Pétain a été nommé Ambassadeur à Madrid, la presse
madrilène, sûrement soudoyée, l'a baptisé non sans raison
"V...., le rouge".
Tout son passé le destinait à rejoindre la résistance. Et un jour à se retrouver aux mains de la Gestapo. C'est ainsi qu'il est arrivé à la prison de Fresnes au mois de juillet 1944, calme, tranquille, réfléchi quoique un peu inquiet. Il tranchait avec les excités que nous étions, assoiffés de nouvelles qui nous apprendraient la marche rapide des alliés sur Paris. Nous étions tellement différents, le sioniste qui avait subi le supplice de la baignoire avait des choses à raconter sur l'avenir qu'il espérait souriant, le cheminot communiste nous parlait des coups de main contre l'occupant, moi, de la jeunesse qui n'attendait qu'un signe pour rattraper le temps perdu sous l'occupation.
En attendant il fallait tuer le temps et dans notre cellule trop petite pour quatre, nous avions de la vitalité à revendre et de temps en temps le couvercle de la marmite sautait. Nous marchions de long en large en discutant de tout et de rien y compris de bons plats à déguster ensemble au jour L. comme liberté.
Avec un communiste, un sioniste, un athée et Pascal non étiqueté, les professions de foi sur l'option métaphysique n'étaient pas tristes. Pascal, toujours réservé, nous a dit qu'il avait une conception particulière sans plus. Bien après au retour du camp, l'ayant revu et moi-même ayant fait la démarche, j'ai pensé qu'il devait être franc-maçon. Mais il ne s'est dévoilé.
Lorsque le gardien est venu annoncer qu'il devait se préparer pour aller à l'interrogatoire à la Gestapo, il a changé de couleur. Il craignait que l'on découvre son vrai nom et ses activités passées et présentes. Il m'avait confié son alliance qui lui avait été laissée, ce qui n'était pas courant, parce qu'à l'intérieur étaient gravées ses initiales et celles de sa femme.
Nouveau miracle!
D'ordinaire, les prisonniers ne revenaient de la Gestapo que
tard le soir. Pascal rentre et nous annonce l'affolement de la
Gestapo qui brûle les dossiers. Il n'a pas été interrogé.
Il a donc fait partie du convoi d'évacuation de la prison le 15
août 1944 et nous nous sommes retrouvés à Buchenwald. Il a été
affecté au kommando du tunnel de Dora alors que je suis parti
pour Leipzig.
A Dora il a du aller à l'infirmerie pour un abcès a la cornée. Comme il n'y avait pas de médicament, le médecin l'a informé que compte tenu de son affection, il passerait prochainement au four crématoire. Sauf dit-il, si tu acceptes que je t'opère sans anesthésie. Entre deux maux il n'hésite pas, ce sera l'opération. Il est donc rentré en France, à peu près en bon état.
Au retour, un soir nous buvions le pot de l'amitié. Il y avait Henri le sioniste, lui et moi. Chacun de raconter comment il avait pu survivre en camp de concentration mais aussi la dure réadaptation de la vie, avec ses joies, ses déceptions. Privés de liberté nous avions mis des fleurs un peu partout dans notre décor que nous comptions retrouver au retour. La liberté c'est bon, cela permet de respirer, de souffler, de mieux rythmer les battements de son coeur, de regarder loin devant soi, de sourire à l'avenir, de concrétiser une petite, ô une toute petite partie, de ses rêves. Et nous avions faits.
Pendant ces échanges, Henri a parlé de son combat, de la lutte pour la création d'un état hébreu. Il demanda à Pascal s'il accepterait de former les pilotes en vue de la reconquête de la Palestine. Et bien, sans hésiter une seconde, Pascal, redevenu Gilbert accepta. Ils fixèrent un nouveau rendez-vous et Pascal a concrétisé son engagement et a ainsi aidé à évincer les Anglais. A-t-il pris ainsi une petite revanche sur la vie dure qu'ils lui avaient fait subir en Abyssinie. Ce n'était pas son genre. Sa passion de l'aventure se pointait, une occasion se présentait, encore une fois il se voulait acteur.
Je crois que cela suffit. Etait-il prédestiné pour cette vie? Le libre-arbitre a-t-il été possible? En tout cas l'expérience a gagné la partie. On ne peut parler de fatalisme, il avait peut-être en ange gardien!
Agent du
deuxième bureau? Franc-Maçon? les deux? allez savoir.
Je l'ai trouvé à la D.G.E.R.(direction des études et du
renseignement) devenu par la suite le fameux S.D.E.C.E.
(service du contre espionnage) C'est tout. Je pense qu'il
n'avait pas tout dit et que bien d'autres aventures, ne
serait-ce que pendant "sa résistance" aurait une place de
choix dans l'histoire. J'ai appris récemment qu'il avait écrit
un livre et qu'une suite avait été publié dans les bulletins
du Réseau Brutus. J'ai lu avec le plus grand plaisir des
détails que j'ignorais.
Il s'était marié, avait troqué l'incertitude pour la sécurité.
"La mort n'a pas voulu de lui, ils l'attendaient à deux, le
livre de la sagesse ouvert sur les genoux, celui de l'aventure
à jamais fermé".
Du moins le croyait-il!
Cela s'était en 1935.
Aux mains de la Gestapo, il avait espéré que son épouse ne
serait jamais arrêtée, elle le fut mais elle survécut.
Il nous a quitté en 1991, sa femme également, après s'être
retiré dans son "midi", sagement (?) en tout cas sans faire de
bruit.
Pierre Bourlier, extrait de "Les signes du destin". Pascal et Gilbert ne sont d'autres que Gaston
Vedel.
Biographie de Gaston Vedel avec 3
photos de son livre, lien rompu,*ancien lien sur web-archives *nouveau
lien * nouveau lien sur
webbackmachine
Gaston Vedel:
biographie par L'ordre de la Libération
Alias : VIDAL - VILLETTE - MARTIN.
Gaston Vedel est né le 22 novembre 1899 à
Carmaux (Tarn).
Après des études secondaires au séminaire d'Agen, passionné
par les machines volantes, il s'engage, en 1918, pour quatre
ans dans l'Armée par devancement d'appel dans le but de
devenir pilote. Après six mois passés au front, il est envoyé
à l'Ecole d'aviation de Dijon puis obtient son brevet à Istres
en juillet 1919.
Il est ensuite nommé moniteur et instruit à son tour à Avord,
Nancy, Luxeuil et Cazaux. Il quitte l'Armée en 1922 avec le
grade de sergent.
Se dirigeant ensuite vers l'aviation civile, Gaston Vedel
entre le 1er janvier 1923 comme pilote à l'Aéropostale sur la
ligne Toulouse-Casablanca.
En 1930 il est détaché par le Gouvernement Français auprès du
Négus en Ethiopie pour former les premiers pilotes éthiopiens,
créer des aérodromes, assurer des transports urgents. A
l'issue de cette mission il retourne en 1934 à l'Aéropostale
comme chef de la Base de Barcelone pendant toute la durée de
la guerre civile espagnole.
A la fin de la guerre d'Espagne, il est nommé chef de Base de
Tunis El Aouina et de l'Hydro-Base de Kéréddine jusqu'en
1939.
Détaché en mission spéciale d'Air-France au Proche-Orient en
avril 1939 pour remettre sur pied la Base d'Istanbul, il
revient en France en novembre et est rapidement limogé d'Air
France par ordre de Vichy pour activité anti
collaborationniste.
Gaston Vedel au début de 1941, entre dans la résistance dans
le Lot-et-Garonne en faisant de la propagande gaulliste.
En 1942, il entre en contact avec Pierre Fourcaud et organise
le réseau de renseignement et d'action "Brutus-Vidal".
Il est le responsable du Mouvement "Victoire" organisant la
propagande, la réception d'armes parachutées, l'évasion
d'agents vers l'Espagne et la destruction des voies de
communication dans le Tarn-et-Garonne et le Lot et Garonne. En
novembre 1942 il étend son réseau de la Gironde à la
Méditerranée, créant de nombreux sous-réseaux.
En 1943, sa femme est arrêtée par la Gestapo et déportée en
Allemagne. Traqué sans relâche, Gaston Vedel poursuit malgré
tout son travail clandestin et organise au premier semestre
1944 le réseau "Bonnet-Darius" à Paris. Il met en place ainsi
un étroit réseau de surveillance des activités allemandes et
de la Milice.
Ses agents, échelonnés sur la côte normande, facilitent la
tâche des Alliés après le 6 juin 1944.
Le 4 juillet 1944, il est à son tour arrêté à Paris et emmené
rue des Saussaies ; il y est affreusement torturé mais ne dit
rien. Emprisonné à Fresnes, Gaston Vedel est déporté en
Allemagne le 15 août 1944 par un des derniers convois quittant
la capitale.
Après Buchenwald et Ellrich, il est transféré à Dora où il
subit de nouvelles tortures.
Il est libéré à Dora le 11 avril 1945 par les armées alliées
et rapatrié le 19 avril 1945.
Réintégré par Air-France, il est nommé à la Base de Marseille.
En 1946 il est mis à la disposition du Résident Général au
Maroc, pour mettre sur pied une société d'aviation
franco-marocaine, Air-Atlas, devenue Air-Royal Maroc. En 1948,
Gaston Vedel démissionne.
En 1954 il entre à l'organisme anticommuniste Paix et Liberté
devenu depuis 1956 l'Office National d'Information pour la
Démocratie Française avec mission d'assurer dans le secteur
Rhône, Centre, Alpes, les contacts avec les syndicats
libres.
Gaston Vedel est décédé le 22 juin 1993 à
Saint-Paul-Cap-de-Joux (Tarn) où il a été inhumé.
• Commandeur de la Légion d'Honneur
• Compagnon de la Libération - décret du 19 octobre 1945
• Officer of the British Empire
• Commandeur de l'Etoile d'Ethiopie
Publications:
• Le Pilote oublié, Gallimard 1976
* Avec Jean Dabry L'
Aéropostale, l'Histoire, les Hommes" par l'Amicale des
pionniers des Lignes aériennes Latécoère- Aéropostale.
(1) Débuts de l’aviation éthiopienne
(2) de 1933 à 1938
montage: lepeps